Les vols et agressions se multiplient à Mayotte. Le Capitaine Chaharoumani Chamassi cerne les contours de cette délinquance en en donnant ...
Les vols et agressions se multiplient à Mayotte. Le Capitaine Chaharoumani Chamassi cerne les contours de cette délinquance en en donnant les ressors. La population dans son ensemble a son rôle à jouer, les élus aussi.
Agression lors des manifestations Crédit photo : A.L./Malango |
Difficile de ne croiser personne qui ne se soit fait cambrioler, simplement voler, ou agresser. « Il y a effectivement depuis plusieurs semaines une montée des agressions physiques, de cambriolages et, non plus, comme nous en avions l’habitude, sur les secteurs précis de résidence des fonctionnaires comme les 100 Villas, les Hauts Vallons ou Tsoundzou, mais sur les lieux d’habitation d’insulaires comme M’Gombani, M’Tsapere village ou Mabonovo » déclare le capitaine de Police Chaharoumani Chamassi. Les chiffres seront donnés dans quelques jours par l’Etat major de sécurité.
Les vols portent sur « des objets faciles à vendre et à emporter dans la fuite », soit des ordinateurs portables, des appareils photo, des Playstation, de l’argent, des bijoux, et en dernier lieu, des vêtements. « Personnes n’est épargné ». Une bonne partie du butin est vendue à Mayotte, certains à des receleurs adultes, sans qu’il y ait une organisation formelle, et l’autre « part vers les îles voisines ».
Ces vols sont le fait de mineurs de 9 à 16 ans en moyenne, certains récidivistes, d’autres inconnus de la Police. Une fois interpelés, ces jeunes sont sous le coup d’un rappel à la loi ou placé en famille d’accueil. « Le tribunal n’a pas assez de marge de manœuvre avec un quartier des mineurs de 6 places seulement ».
Mais pour le capitaine Chamassi, l’emprisonnement n’est pas le seul remède : « les parents doivent reprendre leur responsabilité au lieu de démissionner de leur rôle et de laisser les jeunes livrés à eux-mêmes. Certains vont encore à l’école française, d’autres non et l’école coranique est désertée ». Car, pour le policier, « quoiqu’on puisse penser de l’école coranique, c’est l’enseignement du civisme : le respect de la personne plus âgée, l’interdiction de se servir sans demander, d’errer dans les rues etc. ». Or, les parents ne voient plus la nécessité de mettre leurs enfants dans cette école.
Un des vecteurs est aussi la polygamie, encore en vigueur sur l’île : « le père ne voit souvent pas ses enfants pendant 1 à 2 semaines, et lorsqu’il réagit c’est tardivement et violemment ». Il est alors condamnable. Il faut signaler que l’Etat français, contrairement à l’idée reçue des « enfants du juge », n’interdit pas de gronder et punir ses enfants, « qui ont un droit : celui d’être éduqué ».
Le Capitaine Chamassi: "il faut récupérer ces jeunes en les réinsérant"
« Un phénomène accentué depuis les manifestations et les barrages »
Non seulement les cambrioleurs n’hésitent plus à agir en présence des habitants, mais ils s’arment désormais : armes blanches, bâtons ou cailloux. Mardi 10 janvier, un homme qui venait de payer son taxi croise des jeunes qui demandent une cigarette, remercient et lui portent un coup au niveau de la nuque avant de lui dérober son porte monnaie. Blancs ou noirs, tout le monde est touché. Mais ce qui scandalise le plus le capitaine Chamassi, c’est « le comportement des insulaires », des locaux quoi ! « Ils ne réagissent plus alors qu’il y a encore 5 ans, ils criaient au voleur. Les adultes n’osent plus s’interposer ».
Et ce phénomène est monté en puissance après le conflit social que l’île vient de connaître, « certains ayant eu l’impression que les actes d’agression ont été légalisés ! Une partie des jeunes s’est senti impunie ». Situation aggravée par l’absence de plainte lors des agressions subies « d’autres ont déposé plainte contre X par peur de représailles »…
Ces agressions sont croissantes envers les policiers qui se font maintenant caillasser lors de leur arrivée sur le lieu d’intervention, « ce qui ne freine pas ces hommes courageux ». Même chose lors des contrôles d’identité « surtout dans le quartier Mangatélé à Kawéni où nous recevons quasiment systématiquement des galets et, plus grave, sous les yeux d’adultes qui n’interviennent pas. Leur silence encourage les jeunes ».
Mardi dernier, un policier de la Police aux Frontières (PAF) contrôlait des identités du côté de Koungou lorsqu’un jeune l’a caillassé violemment, le blessant et lui faisant perdre connaissance. « Ce jeune a été interpelé hier devant sa mère qui lui avait conseillé de se présenter au Commissariat et qui a eu un comportement très digne ». Contrôle d’identité qui est un mal nécessaire pour le capitaine Chamassi « nous constatons que ces personnes en situation irrégulière vivent dans des conditions misérables. Sont elles mieux ici ou dans leur île ?... ». Mal nécessaire car « lors de suspension d’expulsion dans le passé, ces personnes sans ressource, sortent dans la rue et n’hésitent pas à voler pour survivre ».
Certains quartiers sont reconnus comme étant des "bombes à retardement"
« Qui sont ces gens des Iles voisines ? »
Il souhaiterait avant tout que le Conseil général se penche sur la création devenue urgente d’un Centre de réinsertion, pour sauver l’avenir de chaque délinquant, « le remettre sur le droit chemin et en faire un bon maçon ou électricien ». Or, pour le policier, « les élus pensent que ces jeunes viennent des îles voisines et vont prendre la place de mahorais. Outre le fait que la moitié des délinquants sont mahorais, les agressions concernent tous le monde, y compris les élus ».
En ce qui concerne des enfants « des rues », « laissés à un membre de la famille par les parents expulsés, la tante ou l’oncle en question doit faire preuve de responsabilité et refuser en soulignant qu’il ou elle, a déjà charge de famille ».
Chaharoumani Chamassi est inquiet : « ces jeunes déjà violents à 15 ans utiliseront une forme de délinquance plus musclée dans 5 ans, avec cagoule, chombo (coupe coupe, ndlr) etc. ». En plus de la construction d’un Centre, la cohésion entre habitants doit jouer : « il y a 3 semaines lors d’un cambriolage aux Hauts Vallons un appartement a été vidé alors qu’un voisin avait entendu du bruit… il ne faut pas hésiter à appeler le 17 dans ce cas » où une brigade de nuit, la Brigade anti criminalité, une unité de quart de nuit et une section d’intervention peuvent intervenir.
Accroitre les effectifs ne servirait à rien selon le capitaine de Police, « tant que les comportements de tous ne changent pas. Avant, seules les grèves étaient le théâtre de lancés de cailloux ». Pour éviter le spectacle de voitures de Police, borgne après les jets de pierres, des véhicules adaptés, dotés de plexi glaces seront livrés.
Les expulsions mettent en valeur un problème : « les mahorais doivent s’interroger : qui sont ces hommes et femmes des îles voisines ? Ce sont nos ennemis ou nos frères, nos cousins ? ». Les délinquants qui fuient d’une île à l’autre amènent un constat : « les polices doivent coopérer ».
En résumé, pour le Capitaine Chamassi, il ne faut pas tout attendre de l’Etat, encore moins une solution miracle qui ne passera que par le changement de mentalité des parents et de comportement chez tous.
A.L.
(Source : Malango Actualité)
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