C’est un nouveau front qui vient de s’ouvrir dans l’interminable mouvement contre la vie chère. Celui de la communication. Lassée des atta...
C’est un nouveau front qui vient de s’ouvrir dans l’interminable mouvement contre la vie chère. Celui de la communication. Lassée des attaques incessantes contre ses magasins, sa politique commerciale et finalement son image, la SODIFRAM choisit enfin de s’exprimer. Une longue lettre revient sur la formation des prix mais aussi sur les enjeux syndicaux de ce conflit.
La guerre des mots prend de l’ampleur. Jusqu’à présent, l’intersyndicale pilonnait la SODIFRAM dans la bataille de communication qu’est aussi le mouvement contre la vie chère sans que la principale entreprise visée ne réponde. « Quoi que nous disions, nous étions inaudibles » dit-on à la SODIFRAM. Les choses ont changé. Les dernières sorties de l’intersyndicale ont visiblement excédé l’entreprise qui sort, enfin, du silence dans lequel elle s’était installée. La réponse prend la forme d’une longue lettre signée Gérard Roudolff, le directeur général du groupe.
Il dénonce d’abord « l’acharnement gratuit qui vise et stigmatise la SODIFRAM». « Nous ne pouvons comprendre cet acharnement » écrit-il, mettant en avant ce qui pourrait être présenté comme des contre-vérités tant de fois répétées. Par exemple, les « distributeurs » ne respecteraient pas les termes du protocole d’accord, faisant disparaître les cartons de 10kg de mabawas au profit d’emballages de 5kg vendus beaucoup plus chers. « Nous sommes formels, nous n’avons jamais vendu de cartons de 5 kg de mabawas en 2011. » affirme la SODIFRAM.
Une revanche de la CFDT contre FO ?
« Nous ne pouvons que penser que Monsieur Boinali cherche à déstabiliser la 1ère entreprise de l’île qui ne connaît aucun problème social depuis des années (ceci expliquant peut être cela)et tente également de lui faire porter seule la responsabilité du malaise mondial de la vie chère. Dès lors ces tentatives laissent planer un doute sérieux sur l’objectif réel de cette grève, le prix de la viande ne pouvant être la motivation réelle de ces agissements ni de cet acharnement. » Précision : à la SODIFRAM, les délégués syndicaux ont été élus sous l’étiquette FO alors que la CISMA-CFDT de Boinali Saïd n’a pas obtenu de postes. Serait-ce une tentative de revanche dans la rue ?
« La négociation atteint ses limites, l’interdiction faite de vente à perte »
M. Roudoulff revient longuement sur la formation des prix appliqués à Mayotte, sans entrer dans les détails chiffrés. En plus des prix des matières premières fixés par les cours mondiaux, se rajoute une liste impressionnante de phases par lesquelles passent les produits. On y trouve le conditionnement pour l’export, la congélation, le fret maritime, l’acconnage (1000 euros pour débarquer chaque conteneur de 26 tonnes à Mayotte contre 300 euros à La Réunion), le stockage en froid, l’emballage à Mayotte, la logistique de distribution… et ce n’est pas tout car il faut aussi compter avec les investissements répondant aux normes sanitaires, l’impact du cours du dollar, des prix de carburant ou des frais d’assurances pour couvrir les risques de guerre et de piratage et évidemment les taxes de douane acquittées à Mayotte. Malgré toutes ces contraintes, La SODIFRAM affirme que« le prix de vente (de la viande) à Mayotte ressort à plus de 30 % en dessous des marchés mondiaux ».
L’impossible lutte des prix
« Il est très étonnant que nul ne songe à s’interroger sur les raisons pour lesquelles la SODIFRAM tient le marché de la viande. C’est tout simplement car les autres distributeurs ne veulent plus faire de viande. SOMACO a purement et simplement renoncé à ce marché pour des raisons de non rentabilité, les prix de la SODIFRAM étant trop peu chers. Score ne vend que peu de viande, le marché ne rendant pas possible la lutte sur les prix. (…) Comment pouvons-nous être accusés de résister à la négociation alors que celle-ci a simplement atteint ses limites, l’interdiction faite de vente à perte. » « De plus, nous gérons de sorte que notre entreprise puisse faire face à ses engagements et notamment de payer les salaires de nos 550 employés à la fin de chaque mois. »
La société rappelle ainsi son poids dans l’économie mahoraise. Ce seraient 6.000 personnes qui vivraient des emplois de la SODIFRAM. Les quatre magasins « brûlés, pillés et saccagés » ne seraient donc pas seulement des attaques contre le groupe mais contre nombre de familles mahoraises.
« Une entreprise familiale »
« Nous sommes présentés comme une vitrine de la grande distribution, complète Alexandre Charalambakis pour Albalad. Mais la ‘grande distribution’ ce sont des magasins de 5.000 à 10.000 m². Nous, nous n’avons que des petites unités de 300m². On nous présente comme une multinationale sans âme alors que nous sommes une entreprise familiale présente sur l’ensemble du territoire au plus près des consommateurs et de leurs besoins. Certains d’entre eux vont maintenant devoir faire de nombreux kilomètres pour pouvoir faire leurs courses. Quel est le gain pour eux dans ce mouvement ?».
« Nous sommes fiers (…) d’avoir eu la volonté de venir à Mayotte il y a 20 ans, sans infrastructure portuaire et d’avoir réussi à bâtir, avec les mahorais, une formidable entreprise qui se développe d’année en année pour la satisfaction du plus grand nombre. » conclue la lettre de Gérard Roudoulff.
La guerre des mots et d’image ne fait que commencer.
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