ITSUO INOUYE/ASSOCIATED PRESS Plus de 80% des jeunes femmes de 20 à 24 ans sont sous pilule. Le ministère français de la Santé lance une ...
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Plus de 80% des jeunes femmes de 20 à 24 ans sont sous pilule.
Le ministère français de la Santé lance une campagne d'information sur les alternatives à la pilule, cette dernière conduisant trop souvent à des grossesses non désirées. La faute à des prescriptions trop automatiques ne prenant pas en compte le mode de vie de chaque femme.
Les Françaises se font prescrire à une très large majorité la pilule, alors que ce moyen de contraception n'est pas toujours le plus adapté au mode de vie de chacune. Face à la proportion importante d'avortements effectués sur des femmes prenant la pilule, le ministère de la Santé a lancé jeudi dernier une campagne d'information sur l'existence d'autres moyens de contraception. Des spots traitant avec humour de la question seront diffusés à la télé, au cinéma et sur Internet, tandis que le site «Choisir sa contraception»a été mis à jour
La pilule, l'un des contraceptifs les plus efficaces, est très contraignante. Elle doit se prendre tous les jours pendant trois ou quatre semaines, et à heure fixe. Le «retard autorisé» peut aller jusqu'à 12 heures, mais les pilules microdosées ne permettent qu'un retard de 2 ou 3 heures avant de perdre leur efficacité. Le risque principal de la pilule est donc l'oubli. De plus, à cause de la prise à heure fixe, ce mode de contraception n'est pas toujours adapté aux femmes travaillant en horaires décalés, ou voyageant régulièrement à l'étranger, sur d'autres fuseaux horaires.
Les chiffres sont éloquents. Chez les 20-24 ans, l'oubli de la pilule est la première cause du recours à un contraceptif d'urgence (42,3%), devant un problème de préservatif mal mis ou déchiré (22,4%) ou un rapport sans protection (18%). Sur l'ensemble des femmes de 15 à 54 ans, l'oubli de pilule est à quasi égalité avec le problème de préservatif pour expliquer le recours à la pilule du lendemain (respectivement 30,1% et 30,7%). Selon l'Inspection générale des affaires sociales, trois avortements sur quatre sont réalisés sur des femmes qui prenaient une contraception. Dans 42% des cas, ces femmes étaient sous pilule.
Les pratiques des médecins pointées du doigt
Pourtant, la pilule est prescrite massivement aux Françaises. Selon le ministère de la Santé, 70% des femmes entre 15 et 35 ans sous contraception utilisent cette méthode. Les chiffres grimpent à 79% pour les 15-19 ans, et 83% pour les 20-24 ans. «C'est stupide de prescrire la pilule à des adolescentes, alors qu'elles seront les premières à oublier de la prendre tous les jours», soupire Gaëlle-Marie Zimmermann, responsable du site ZoneZeroGene, consacré à la sexualité. Un rapport remis au secrétariat d'État à la Jeunesse en septembre recommandaitl'abandon de la pilule pour les jeunes filles au profit de l'implant.
Au total, 55% des Françaises de 15 à 50 ans ne souhaitant pas tomber enceintes sont sous pilule. «Ce taux aussi élevé est une spécificité française», souligne Gaëlle-Marie Zimmermann. «La pilule est totalement entrée par les moeurs, et est bien souvent prescrite de manière automatique par les gynécologues». À titre de comparaison, la pilule est utilisée chez 47% des couples mariés français, 20% des couples américains et canadiens, et 4% des couples japonais, selon les chiffres de l'ONU.
Il existe pourtant l'implant, le patch ou l'anneau contraceptif, mais leur utilisation est marginale : 4,7% des Françaises les utilisent. Le ministère de la Santé pointe le manque de dialogue entre patients et médecins sur le sujet. Et pour cause. Selon le Baromètre des médecins généralistes 2009 de l'Inpes, les professionnels de santé estiment que les discussions sur la contraception et la prévention des grossesses font le moins partie de leur rôle. Anne-Gaëlle Zimmermann pointe également «le faible nombre d'heures consacrées à ces questions durant les études de médecine. Globalement la France est très en retard par rapport aux autres pays sur les pratiques et connaissances en gynécologie. Tout dépend de la bonne volonté des médecins, qui vont se former par eux-mêmes».
«La meilleure contraception est celle que la femme choisit»
Le médecin Martin Wincklerpointe également du doigt les mauvaises pratiques de ses confrères. «La meilleure contraception est celle que la femme choisit, et non celle que le médecin préfère prescrire», souligne-t-il sur son site. «Il est inacceptable que des médecins disent ou laissent entendre à des femmes jeunes, en bonne santé et dont le niveau d'éducation est chaque jour meilleur, qu'elles sont incapables de choisir leur contraception (...) par ignorance, par indifférence ou par crainte».
Le cas le plus fréquent concerne le stérilet, qui allie l'efficacité de la pilule avec la fin des contraintes inhérentes à cette méthode de contraception : une fois posé, la femme est protégée. Mais de nombreux gynécologues refusent de poser le stérilet chez les femmes n'ayant pas eu d'enfant. Or, cette pratique est reconnue légitime depuis 2004 par un rapport de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) ... «Lorsque j'écris que toutes les femmes peuvent envisager, avec ou sans enfant, de se faire poser un DIU (stérilet, ndlr), les gynécos me répondent 'Vous êtes fou de conseiller ça aux femmes, elles vont faire n'importe quoi'»,explique Martin Winckler dans une interview à Témoignage Chrétien. « On est dans le paternalisme le plus archaïque et le plus misogyne».
La campagne d'information du ministère de la Santé se tourne donc également vers les professionnels de santé, qui recevront un document intitulé « La contraception : comment mieux la personnaliser». Ce mémo sera également diffusé dans les facultés de médecines. Cela sera-t-il suffisant pour changer les mentalités ? Pour Gaëlle-Marie Zimmermann, «les femmes doivent choisir leur contraception, et ne pas laisser les médecins avoir le dernier mot. Cela est pourtant trop souvent le cas par manque d'information sur le sujet. La pêche aux informations sur Internet change les choses, mais le chemin reste encore très long.» le figaro
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