Le profond mouvement social Maorais va-t-il déboucher sur les mabawas ? Des bons d'achat, c'est sur ce maigre résultat que le mouve...
Le profond mouvement social Maorais va-t-il déboucher sur les mabawas ?
Des bons d'achat, c'est sur ce maigre résultat que le mouvement social d'une rare ampleur à Mayotte risque de déboucher. Les autorités n'ont pas cherché à comprendre qui sont ces jeunes qui manifestent, d'où viennent-ils, quel est leur environnement, et pourquoi tant de violence et de détermination, après le rêve vendu de la départementalisation. La caricature de la baisse des ailes de poulets, comme explication du malaise, et la réponse que la ministre française de l'Outre-mer a donnée n'a pas réussi à baisser la tension. Elle l'a envenimée.
L'irréparable a été commis
Après la signature de l'accord par certains syndicats sur les prix de certains produits de première nécessité, les manifestants refusent toujours de s'inscrire dans une logique de “négociations truquées“ qui ne correspond pas à leurs attentes. Ils continuent encore à dévaler les rues pour fermer les magasins, ouverts souvent sur ordre du préfet en présence des forces de l'ordre, dont plus de 200 sont venus en renfort de l'île de la Réunion. Un homme de 39 ans, Ali El Anziz, a décédé mercredi matin vers 11h30 d'une contusion cardiaque, à la suite d'une riposte des fonctionnaires de la Police aux frontières (Paf) contre des jeteurs de pierres autour d'un barrage au rond-point du Commandant Passot. L'irréparable a été commis et les médias français ne se sont saisis du dossier qu'au crédit d'une victime. Deux autres blessés sont encore hospitalisés et un enfant a perdu un œil, frappé à bout portant par un gendarme à l'aide d'un flash-ball. Le protocole signé, rejeté par les manifestants qui ne s'y reconnaissent pas, prend en compte la mesure des bons d'achat de 5 euros pour 10 produits qui entrera en vigueur le 1er novembre 2011. Une proposition préconisée par Marie Luce Penchard, la ministre de l'Outre-mer, que les syndicats avaient pourtant rejetée. Ces bons seront utilisables par tous les salariés aux revenus mensuels de moins de 600 euros inscrits à la Caisse d'allocation familiale (Caf). Mayotte aborde ses problèmes avec une œillère. Le protocole vise neuf produits de première nécessité : des ailes, cuisses de poulet, riz, viande de bœuf congelée, farine, huile végétale et huile de palme, boite de tomates, lait et sardines. A cette liste, s'ajoutent le gaz et le sable. Les effets de la départementalisation, censée apporter plus de revenus aux Mahorais, produit l'effet inverse. On aborde les questions du ventre en priorité au détriment des frustrations plus graves, sur le foncier qui change de main, les valeurs traditionnelles qui deviennent des actes illicites, des pratiques ancestrales sur l'héritage proscrites, les modes de mariage interdits.
Cacher ces effets que l'on ne saurait voir
Sur la viande, enjeu majeur des négociations, le protocole stipule que ce produit “fera l'objet d'une analyse en priorité dans le cadre de l'Observatoire des prix“, alors que l'intersyndicale demande l'examen des onze produits “avant de quitter la rue“. Les associations Afoc, Ascoma et le Collectif des citoyens perdus bénéficieront de deux contrats financés par l'Etat afin de poursuivre la surveillance des prix sur Mayotte. Alors qu'une première baisse était décidée sur les trois produits d'urgence que sont le riz, les sardines, et les ailes de poulet, “une grande enseigne en avait profité aussitôt pour élever les prix d'autres produits alimentaires“, explique, dans Malango Ansoir Abdou, du “Collectif des citoyens perdus“. La direction du Travail s'engage aussi à étudier les marges pratiquées par la grande distribution, qui ont pratiquement le monopole à Mayotte empêchant toute concurrence dans le domaine.
Poser les vraies questions
Les acteurs économiques et sociaux, l'Etat, le Conseil général et le Conseil économique et social projettent de se réunir jusqu'en décembre de cette année pour étudier les prix de 350 produits, et avant la fin du mois d'octobre, un calendrier de réflexion collective sera établie pour discuter des thèmes du développement économique de Mayotte, l'emploi et la maitrise des prix. Neuf réunions thématiques, dont l'énergie, les transports aériens et terrestres ou les droits et libertés sociales seront à l'étude dans le cadre de ces réflexions. Pour une fois, les Comoriens des autres îles ne sont pas pointés du doigt sur la dégradation de la situation à Mayotte. Mais encore une fois, les Maorais refusent de poser les vrais problèmes de l'île. Assisté, vivant sous perfusion financière de Paris, le réveil risque d'être dur, quand ils devront réapprendre à se prendre en charge, après que la départementalisation les aura complètement desséchés de leur culture, déshérités de leur terre, humiliés dans leur chair, parce que vidés de leur essence de Maorais. Ce n'est pas le prix des mabawas qui sauvera l'île.
Alwatwan
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