Pour les uns, Nafissatou Diallo est l’innocente victime de Dominique Strauss-Kahn (DSK), considéré comme un prédateur sexuel pervers et inf...
Pour les uns, Nafissatou Diallo est l’innocente victime de Dominique Strauss-Kahn (DSK), considéré comme un prédateur sexuel pervers et influent… Mais pour d’autres, c'est au contraire une arnaqueuse résolue à faire cracher de l’argent à un homme riche et célèbre…
Conakry, 27 juillet. Des enfants nus jouent dans une cour inondée par les pluies. Nous sommes dans le quartier populaire de la Cimenterie, dans la « haute banlieue », à 40 km du centre-ville. Le maître des lieux se nomme Amadou Diane Diallo. C’est le fils aîné du défunt patriarche Thierno Ibrahima. Et le frère de Nafissatou Diallo. Pour l’instant, il travaille dans ses champs et, en son absence, personne n’ose ouvrir la bouche.
« Depuis qu’un journal local a donné la parole à l’un des demi-frères de Nafissatou à Tchakoulé, notre village natal dans le Fouta-Djalon, tout le monde ici se méfie de la presse comme de la peste, commente Moctar, un lointain cousin de la femme de chambre du Sofitel de Manhattan. Cet oncle n’a pas été très gentil, il a présenté Nafissatou comme une égoïste et une arrogante. » Le jeune homme (24 ans) est encore étudiant et milite à l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Bambeto, un quartier majoritairement peuplé de Peuls qui est l’un des plus chauds de la capitale – on le surnomme Bagdad, c’est dire… Moctar ne connaît pas Nafissatou : « La famille est très grande », explique-t-il. Mais il sait qu’elle est la plus jeune des six enfants de Néénan Aissatou, sa mère. Et que son père « a eu quatre autres enfants avec une autre femme ».
Faire du sou
Pour les habitants de Conakry, « l’affaire DSK » est avant tout l’affaire Nafissatou. « C’est une victime », enrage le Réseau des femmes ministres et parlementaires de Guinée, une association présidée par le Dr Makalé Traoré, ancienne ministre et Malinkée bon teint. Le Réseau regroupe des femmes de divers horizons. Certaines viennent de la Guinée forestière. D’autres sont malinkées, soussoues ou peules…
À Conakry, les préférences partisanes ont très souvent une base ethnique. « Nafissatou est une bonne Peule. Elle a utilisé des faux pour se rendre aux États-Unis. Alors, elle n’allait quand même pas rater l’occasion de se faire du sou en accusant DSK ! Cette histoire est un montage », vitupère Mamadou Touré, un enseignant soussou (l’ethnie majoritaire dans la capitale) supporteur du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) du président Alpha Condé. À Gbessia, dans la commune de Matoto, il passe ses vacances à deviser sous un arbre avec des camarades. Comme lui, de nombreux Guinéens, forestiers, malinkés ou soussous, ne doutent pas une seconde que Nafissatou accuse à tort Dominique Strauss-Kahn.
Stéréotypes
Mais d’autres s’indignent de ce raccourci politico-ethnique. Gestionnaire adjoint de la Maison de la presse de Guinée, Alpha Diallo est du nombre. Dans son bureau climatisé de Coléah (commune de Matam), il commente : « Je suis très déçu. La politique guinéenne est ainsi faite que, lorsqu’un acte est commis, on s’inquiète avant tout de l’ethnie de son auteur. Et aussitôt, on s’enferme dans des stéréotypes… » Il critique par exemple la position d’Alpha Condé, qui s’est déclaré à la fois « heureux » de la libération de DSK et « triste » pour sa compatriote. « Cette ambiguïté du président a profondément divisé les Guinéens, estime-t-il. Beaucoup sont convaincus qu’il aurait eu une autre réaction si la victime avait été malinkée, comme lui. »
En attendant le 23 août, date de la prochaine audience new-yorkaise, Adama Hawa Diallo, rédactrice en chef d’un site féministe, ne se montre pas franchement optimiste : « Politiquement, financièrement et socialement, la puissance de l’accusé est infiniment plus grande que celle de l’accusatrice. Je redoute donc que la raison du plus fort prédomine. » Dans un pays pauvre comme la Guinée, le sentiment dominant est que le riche finit toujours par avoir raison du pauvre. Enfin, presque toujours…
Source:JeuneAfrique
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André Silver Konan, envoyé spécial à Conakry
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