Rapport du crash de la YEMENIA : Les derniers échanges avec la tour de contrôle
Crash de la Yemenia. Depuis deux ans, l’Union des Comores se refusait à rendre public le rapport technique de la commissions d’enquête. La Marseillaise s’est procuré une version d’étape.
Il est 22h24, quand l’Airbus 300-310 entre en contact avec la tour de contrôle de Moroni pour préparer son atterrissage sur la piste de l’aéroport Prince Saïd Ibrahim. 20 minutes plus tard, il ne donne plus aucun signe de vie. Il vient de s’abîmer en mer.
Depuis le 29 juin 2009, c’est la première fois que le brouillard qui entoure le crash aérien de l’A310-300 s’éclaircit un peu. En effet, La Marseillaise a pu se procurer le rapport d’étape de la commission d’enquête internationale en date du 25 juin 2011 et qui jusque-là n’avait jamais été publié.
Ces quelques pages livrent notamment les derniers échanges entre les membres d’équipage et le contrôleur aérien de l’aéroport Prince Saïd Ibrahim. Ils comportent de nombreux codes et nous les avons fait lire à deux spécialistes chevronnés. L’un des seuls éléments nouveaux qu’il met en lumière est l’absence de signalisations lumineuses indispensables lors d’un atterrissage de nuit.
La transcription de la communication Air-Sol débute par un passage de relais entre le contrôleur aérien d’Antananarivo, à Madagascar, et celui de Moroni. Le contrôleur aérien comorien tente alors de prendre contact avec l’équipage de l’A310. D’emblée, la conversation est rendue difficile par des bruits parasites transcrits par des « Shhh ». La communication apparaît hachée jusqu’à la fin.
Vent violent en rafales
D’après le témoignage du contrôleur aérien, il est 22h24 quand l’avion de la Yemenia « appelle pour débuter la descente que Tana autorise jusqu’à 24500 pieds ». La manœuvre d’atterrissage sur la piste 2.0 de l’aéroport prévoit une Manœuvre à Vue Imposée (MVI). Au cours de cette manœuvre, le pilote peut toujours utiliser ses instruments ou atterrir en manuel. Il peut également faire les deux.
En l’absence des enregistrements des échanges à l’intérieur de la cabine, on ne sait pas quelle option a choisi le commandant de bord. « Les aéroports du monde sont répertoriés en fonction de leur difficulté d’approche, explique un pilote. Celui de Moroni est classé difficile en raison de reliefs proches et de vents cisaillants ». Un autre aviateur indique en complément : « Si le pilote s’est passé de ses instruments au moment de la Manœuvre à vue imposée, cela présente effectivement un risque ».
Or, ce soir là, le vent était violent avec des rafales jusqu’à 33 nœuds. Le contrôleur indique : « J’ai transmis l’intégralité de la météo à l’avion et corrigé instantanément le vent ». A 22h36, l’avion entame sa descente finale et l’équipage s’enquiert à de nombreuses reprises de la force et du sens du vent. Il demande également si les feux à éclats de la piste 2.0 fonctionnent. « J’ai peur que non », répond la tour de contrôle (lire ci-contre).
A 22h51, le pilote annonce son approche finale « en vent arrière ». Le contrôleur voit l’avion. A 22h54, Moroni tente de joindre l’avion à quatre reprises en vain. « Après deux minutes j’ai vu une vague circulaire autour de la zone d’impact. Cette vague avait un éclairage de couleur genre rouge ou rose au nord ouest de l’aéroport ». L’avion vient de s’abîmer en mer. Les secours sont aussitôt alertés. On ne retrouvera qu’une seule survivante.
Benoît Gilles : lamarseillaise