Langue comorienne : une urgence nationale oubliée. L’Agence française de développement (AFD) s’apprête à financer un test de positionnement en langue.
Langue comorienne : une urgence nationale oubliée
L’Agence française de développement (AFD) s’apprête à financer un test de positionnement en langue française pour évaluer et renforcer les compétences linguistiques des enseignants du primaire aux Comores. L’intention, en soi, peut sembler louable. Mais une question essentielle reste en suspens, éclipsée, ignorée : et le shiKomori dans tout ça ?
Aujourd’hui, notre langue nationale, le shiKomori, recule à une vitesse alarmante. Dans les foyers, sur les places publiques, dans les écoles, on entend de moins en moins le comorien. À la maternelle, nos enfants apprennent le français sans même avoir posé les bases de leur propre langue. Certains grandissent, vivent, vont à l’école, et parfois deviennent adultes aux Comores sans jamais avoir appris à parler correctement le comorien. Et cela n’alarme personne. Ni nos dirigeants, ni nos institutions.
On parle d’intégrité territoriale. Très bien. Mais quel sens peut-elle avoir si elle ne s’appuie pas sur une culture propre, une langue partagée, des valeurs enracinées ? Un territoire sans langue nationale est un territoire amputé. Un pays sans langue propre est un pays en voie de disparition culturelle.
Il y a dans nos politiques publiques une légèreté coupable en ce qui concerne la langue nationale. Récemment, une offre d’emploi pour le poste de directeur général de la société nationale d’électricité exigeait la maîtrise de plusieurs langues mais pas du comorien. Indigne. Nos ministres eux-mêmes s’expriment difficilement, voire pas du tout, en comorien. Dernier exemple en date : l’interview du président des Nouveaux Démocrates Yhoulam Athoumani diffusée sur Fcbk FM, Était-ce du français ? Du comorien ? On n’en sait rien.
Face à ce constat amer, le projet “Mradi wa Ntsi” porté par le mouvement Naribarikishe Yi Komori propose une alternative audacieuse et concrète pour la survie et la valorisation de notre langue :
- Formation des enseignants à la langue comorienne pour renforcer leurs compétences linguistiques en shiKomori.
- Enseignement du shiKomori dès la maternelle, dès l’âge de trois ans, accompagné d’une ouverture progressive aux autres langues.
- Création d’une Académie nationale de la langue comorienne, garante de la préservation et du développement de notre langue.
- Condition d’accès aux hautes responsabilités : toute personne ne maîtrisant pas le comorien ne pourra plus devenir ministre, directeur, député ou président. Elle pourra être technicien, mais pas responsable politique.
- Traduction d’œuvres philosophiques et scientifiques en comorien, afin de démocratiser l’accès au savoir dans notre langue.
- Renforcement de l’enseignement du shiKomori à l’université, notamment dans les filières de lettres et sciences humaines.
Le mouvement NYK ne se contente pas de déclarations. Il agit. Aucun autre parti ne fait autant pour former ses militants et ses cadres à la maîtrise du comorien. Car pour NYK, langue et culture ne sont pas accessoires : elles sont le cœur de l’identité nationale.
Nous devons valoriser notre langue. La parler. L’enseigner. L’aimer. Car une langue qui meurt, c’est un peuple qui s’efface.
Mahafidh Eddine
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