Mayotte : L’histoire d’une magouille coloniale. Comores, composé des îles d’Anjouan ou Ndzuwani, de la Grande-Comore ou Ngazidja, de Mayotte ou Maoré.
Le ministre français de l'intérieur Gérald Darmanin a annoncé dimanche 11 février la fin du droit du sol à Mayotte pour « lutter contre l’immigration ». Un énième rappel de la zone de non-droit que représente cette île pour l’État français, après l’opération Wuambushu d’avril 2023. Retour sur l’histoire de cette situation, ancrée dans le colonialisme et l’impérialisme français.
Mayotte connaît depuis plusieurs mois une crise de l’eau sans précédent [1]. La situation de l’éducation [2] et du système de santé [3] est critique. Mais gestion coloniale oblige : le problème, ce sera l’immigration. Le 11 février Gérald Darmanin annonce que le gouvernement souhaite « prendre une décision radicale : la fin au droit du sol à Mayotte ». Les sans-papiers et « l’immigration massive » dont parle Darmanin, proviennent quasi exclusivement des autres îles de l’archipel des Comores, situées toutes entre 70 et 190 kilomètres entre le Mozambique et Madagascar. Mayotte partage une unité historiquement forte avec le reste de l’archipel : une même religion – l’islam sunnite, une même langue – le shiKomori.
L’histoire d’une magouille coloniale
Mayotte n’a été séparée que très récemment dans son histoire des autres îles des Comores. L’archipel est passé d’un protectorat français en 1886 à un « territoire d’outremer » en 1946. Lors du référendum d’autodétermination, en 1974, l’archipel vote massivement pour l’indépendance. L’État français organise alors la séparation du destin des îles en choisissant de ne prendre en compte le résultat que île par île. Mayotte ayant voté contre l’indépendance à 63,22 %, cette magouille référendaire permet de justifier leur séparation et de maintenir Mayotte française en dépit du reste des Comores et de l’ONU, qui reconnaît dans vingt résolutions depuis 1975 la souveraineté des Comores sur l’île de Mayotte ; débutant par sa résolution 3385 dictant « la nécessité de respecter l’unité et l’intégrité territoriale de l’archipel des Comores, composé des îles d’Anjouan ou Ndzuwani, de la Grande-Comore ou Ngazidja, de Mayotte ou Maoré et de Mohéli ou Mwali ».
Mayotte est désormais département français depuis 2011. De fortes oppositions de la population locale à l’immigration comorienne sur l’île peuvent s’expliquer par la volonté d’obtenir un meilleur cadre de vie et comme conséquence de la politique de division des communautés du colonialisme français qui tente d’y imposer son roman national. Cela n’est pas sans drames, depuis 1995 et l’instauration du « visa Balladur » restreignant la liberté de circulation dans l’archipel, on parle d’entre 7 000 et 20 000 morts en mer [4] sur des kwassa, bateaux de pêche traditionnels. Morts qui auraient pu être évitées, mais que cette frontière coloniale au plein milieu de l’Océan indien a normalisé en fabriquant des « situations irrégulières », alors même que ces aller-retours étaient très fréquents, notamment pour voir de la famille éparpillée sur les îles.
Un département français d’exception
Pourtant, les droits des mahorais·es sont bien limités [5]. Le droit du sol y était déjà réduit et généralement tout les droits des étrangers y sont drastiquement restreints : titres de séjour spécifiques à l’île, pas d’allocation pour les demandeurs et demandeuses d’asile, pas de suspension d’expulsion en cas de contestation d’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), délai plus court pour déposer une demande d’asile, pas d’Aide Médicale d’État, un délai de saisine du juge en centre de rétention plus de deux fois plus long qu’en métropole, et enfin un harcèlement policier permis par des contrôles d’identités quasi systématiques sur toute l’île. Mais c’est également le cas des autres secteurs de la société : 39 heures de travail par semaine était la norme jusqu’à la grève générale de 2016, un smic inférieur au niveau métropolitain, un RSA au rabais. Le droit du travail n’est appliqué que depuis 2018 mais les conventions collectives sont encore très rares.
Les citoyen·nes mahorais·es sont considéré·es, dans le droit et dans les faits comme des citoyen·nes de seconde zone. C’est cette législation coloniale qui a permis l’opération Wuambushu, notamment avec l’exception concernant Mayotte dans la loi sur le logement de 2018 qui permet de détruire les « habitats informels » sans aucune autre forme de procès.
Un impérialisme français à l’agonie
L’impérialisme français ne veut pas mourir et se voir déclassé. Il se débat même dans l’agonie. Chassé du Sahel notamment par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui annoncent vouloir sortir du Franc CFA et de la mainmise française, notamment après l’ingérence de Macron dans le coup d’État militaire du Niger de 2023 (deuxième principal pays fournisseur d’Uranium pour EDF), l’État français colonial cherche à conserver sa présence stratégique dans l’Océan Indien.
Faire front contre le colonialisme
La période de décolonisation ayant fait disparaître officiellement les catégories de sous-citoyen·nes ou sous-Français·es, l’empire colonial redouble d’efforts pour contrôler les peuples colonisés sur son sol et utilise le droit sur l’immigration et l’accès à la nationalité pour créer et maintenir une population stigmatisée et exploitée. La Loi Darmanin-Le Pen en est le résultat, que ce soit sur le sol hexagonal ou bien dans l’héritage colonial d’outre-mer français. Les politiques coloniales de l’État français ont défiguré et...Lire la suite sur Info Libertaire
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