Les Comores : Cheikh Ali Abdourahamane s'exprime. Cheikh Ali Abdourahamane a 58 ans. Ancien secrétaire général de UWEZO présidé par l'ancien ministre.
Cheikh Ali Abdourahamane a 58 ans. Ancien secrétaire général de UWEZO présidé par l'ancien ministre des affaires étrangères Mouzaoir Abdallah, ancien membre du bureau politique du parti CHOUMA, présidé par l'ancien ministre de l'économie Saïd Ali Kemal, il est actuellement président du MRDPC, Mouvement pour une République Démocratique et Progressiste aux Comores. Dans cet entretien qu'il nous a accordé il s'exprime avec franchise et liberté de ton sur son pays, entité de 4 îles de l'Océan indien.
A.R :"Comment fonctionnent les institutions des Comores, sur le papier et dans la réalité ?"
Cheikh Ali Abdourahamane :" Sur le papier, les Comores sont une démocratie fondée sur la séparation des pouvoirs. "Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ". La constitution dispose en son article 99 que " les îles sont dotées de la personnalité juridique" et qu' "elles jouissent de la libre administration et de l'autonomie de gestion", mais dans les faits tout le pouvoir de décision est concentré entre les pouvoirs du président Azali.
Il a instauré un pouvoir familial qu'il envisage de transmettre à son fils Nour El Fath dans le cadre d'une dévolution dynastique.Le colonel Azali a enraciné la dictature.De plus en plus de Comoriens sont persuadés que tout ceci n'aurait été possible sans l'approbation tacite de la France, ce qui risque de cristalliser un sentiment anti-français aux Comores."
A.R :"Dans quelle situation économique et sociale se trouvent les Comores ?"
C.A.A. : "La situation économique et sociale est en déclin constant. La dette publique des Comores est passée de 90 milliards de francs comoriens à 189 milliards entre 2017 et 2022, réduisant à néant tous les efforts consentis durant les présidences de Sambi et de Ikililou Dhoinine, qui avaient conduit à une annulation de la dette par les créanciers du Club de Paris. Les pénuries de produits de première nécessité se succèdent. L'inflation explose à 18,2% entre novembre 2021 et novembre 2022. Le pays, y compris la capitale, subit régulièrement des coupures d'eau et d'électricité de plus d'une journée.
Le système de santé est déliquescent. Les établissements publics d'enseignement sont en ruine.Selon la Banque mondiale, près d'un quart de la population vit dans une extrême pauvreté. Les inégalités de revenu se creusent et le chômage est élevé, particulièrement chez les jeunes de moins de 25 ans. Le désespoir croissant conduit les jeunes Comoriens à multiplier les tentatives d'émigration clandestine qui se soldent souvent par des noyades en Méditerranée et dans le bras de mer séparant les îles d'Anjouan et de Mayotte."
A.R. :"Les Comores c'est à la fois l'Océan indien et l'Afrique ?"
C.A.A. :"Les Comores sont situées à l'entrée nord du canal de Mozambique à mi-distance entre l'île de Madagascar et le continent africain, sur une voie maritime où transite 30% du pétrole du Moyen-Orient vers l'Amérique et l'Europe.Nous sommes le seul état à majorité musulmane( plus de 98% de la population) et membre de la Ligue arabe dans cette zone. Par ailleurs nous sommes avec Madagascar les seuls états francophones dans une vaste région où prédomine l'anglais.
La présence de plus en plus affirmée des flottes russe et chinoise dans le sud-ouest de l'Océan indien et leurs manoeuvres communes avec les flottes tanzanienne d'une part et sud-africaine d'autre part risquent de créer un climat de tension dans une zone où les armées françaises sont bien implantées de longue date. La découverte d'immenses réserves de pétrole et surtout de gaz (qui seraient supérieures à celles du Qatar) et les perspectives d'exploitation de nodules polymétalliques dans les fonds sous-marins de la zone économique exclusive comorienne aiguisent les appétits des grandes puissances."
A.R. :" La France est très présente aux Comores ?"
C.A.A. :" Les relations entre les Comores et la France demeurent positives hormis les tensions qui persistent au sujet de Mayotte. La France apporte un soutien financier conséquent dans divers secteurs tels que l'éducation, la santé et l'agriculture. Les champs de collaboration potentielle entre les Comores et la France sont multiples et cruciaux. Il s'agit de la pêche, du tourisme, de la connectivité entre les îles de l'Océan indien et de la gestion des ressources naturelles sous-marines."
A.R. :"La Russie s'implante de plus en plus en Afrique. Qu'en est-il aux Comores ?"
C.A.A. :" La Russie est un partenaire de longue date des Comores depuis l'époque de l'Union soviétique. Nos relations avec ce pays ne sont pas significatives. Le président Azali doit cesser son jeu ambigu. Il ne peut pas le matin condamner la Russie pour sa violation de l'intégrité de l'Ukraine et faire venir le soir aux Comores, en catimini, des mercenaires tchétchènes pour assurer sa sécurité personnelle."
A.R. :"Vous avez dit que les Comores sont un pays musulman"
C.A.A. :" Nous sommes, à plus de 98%, musulmans sunnites. Nous sommes, comme je l'ai dit, membres de la Ligue arabe. Pour toutes ces raisons nous entretenons de longue date un partenariat de haut niveau avec l'Arabie Saoudite qui est le berceau de l'Islam, qui est sunnite et qui est l'un des piliers de notre organisation panarabe. Néanmoins le soutien saoudien à un régime perçu comme corrompu et répressif par une grande majorité du peuple comorien soulève des inquiétudes quant à ses véritables intentions dans la région.
En ce qui concerne les craintes liées à la montée de l'intégrisme religieux et à toute forme de radicalisme aux Comores, il semble que le pays n'ait pas actuellement à faire face à de telles menaces. Nous devons nous en tenir à l'Islam authentique et tolérant que nous avons hérité de nos aïeux. C'est cette vision de l'Islam qui avait conduit le prince Saïd Ibrahim à confier le ministère de la santé et la vice-présidence du conseil de gouvernement à un chrétien d'origine mahoraise, en l'occurrence au Dr Martial Henry, pendant l'autonomie interne."
A.R. :" Y a-t-il une véritable opposition aux Comores ?"
C.A.A. :" Malgré sa prédominance numérique écrasante, l'opposition comorienne se divise constamment et est incapable de s'unir sous une bannière commune pour faire contrepoids au pouvoir d'Azali. De plus la classe politique comorienne en général ne dispose pas, à quelques rares exceptions, d'orientation politique claire pour une alternance crédible. Un nouvelle génération de politiciens est en train d'émerger pour réinventer le militantisme politique, renouveler l'offre politique et prendre la relève. C'est dans cette optique que des amis présents dans les 4 îles de l'archipel des Comores et en France se sont joints à moi pour créer le MRDPC (Mouvement pour une République Démocratique et Progressiste aux Comores). Nous avons un programme de gouvernement et sommes en train de mettre en place nos structures pour mieux contribuer à l'oeuvre de refondation des Comores."
A.R. : "Une forte diaspora comorienne vit en France, principalement à Marseille."
C.A.A. : "La diaspora comorienne n'est pas limitée à Marseille où elle est estimée quand même à 80000 personnes. Elle s'étend également à d'autres grandes villes françaises telles que Paris, Lyon, Nice, Dunkerque, et bien d'autres encore (soit environ 400 000 personnes sur l'ensemble du territoire métropolitain). Cette diaspora transfère aux Comores en moyenne 20 millions d'euros par an soit un quart du PIB de l'Union des Comores.
Ce sont des jeunes de cette diaspora qui constitue l'essentiel de l'équipe nationale de football des Comores. Ces Comoriens de l'étranger contribuent énormément à l'économie nationale et défendent avec brio les couleurs nationales. Ces belles réalisations de la diaspora comorienne ne doivent…Lire la suite sur Agora Vox
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