Les vacances de la Diaspora : Un levier pour le développement du Tourisme aux Comores. L’installation des Comoriens en France remonte au début du sièc
Image d'illustration |
Les vacances de la Diaspora : Un levier pour le développement du Tourisme aux Comores
Depuis quelques semaines, les arrivées de la diaspora comorienne ont commencé
et ce malgré le prix exorbitant des billets d’avion. Le coût d'un aller-retour
Paris-Moroni dépasse largement les 2000 euros pour certaines compagnies. C’est
dire combien il est coûteux de visiter la famille ou organiser un mariage.
Cela est d'autant plus significatif si on considère que le salaire médian net
en France est de 1850 euros mensuel (INSEE 2023). Mais comme chaque année, ces
visites au pays se limitent principalement au village d’origine. En ce début
du troisième millénaire, il parait inconcevable de ne pas exploiter cette
opportunité de développer un tourisme organisé spécifiquement pour la diaspora
et d'en faire un levier pour favoriser le développement.
En effet, le tourisme occupe une place importante dans l’économie de nombreux
pays africains. Le Maroc, l’Égypte, l’île Maurice, la Tunisie, l’Afrique du
Sud, les Seychelles, le Kenya et la Tanzanie figurent parmi les pays qui
attirent le plus de touristes. En 2018, les recettes touristiques de la
Tanzanie ont atteint 2,4 milliards US $ avec 1,5 millions de visiteurs. En
2020, les Seychelles ont généré environ 199,61 millions d'euros pour ce
secteur, correspondant à 16,23% du produit intérieur brut et à environ 5% de
toutes les recettes touristiques internationales en Afrique de l'Est. Le
tourisme constitue la première ressource en devises, soutient la création
d’emplois et stimule d’autres secteurs importants pour le développement
notamment la conservation et la valorisation des ressources naturelles.
Chaque année, nous constatons l'arrivée significative de membres de la
diaspora comorienne. Bien que des données statistiques spécifiques sur ce
groupe soient absentes, ce phénomène offre une opportunité d'encourager une
économie locale axée sur l'accueil et la (re)découverte de leurs îles
d'origine. Cela peut servir de levier pour stimuler le développement
économique tout en permettant aux Comoriens de renouer avec leurs racines
insulaires. Souvent ces visiteurs séjournant pendant un mois ou plus, ne
retiennent des Comores que les troubles, tumultes et autres abracadabresques
joutes politiques.
L’installation des Comoriens en France remonte au début du siècle dernier.
Après la Première Guerre mondiale, de nombreux soldats comoriens ayant
combattu au sein du bataillon de tirailleurs somalis retournent à Madagascar
et aux Comores. Certains de ces soldats démobilisés s’installent en France,
notamment à Marseille. Ils rejoignent la petite communauté comorienne des «
navigateurs » déjà présente et élisent domicile dans les vieux quartiers de la
cité phocéenne, aux alentours de la Place d’Aix, où ils reproduisent le mode
de vie qu'ils avaient aux Comores. On pouvait également les trouver à la
Joliette et dans les quartiers contigus du Panier, à La Villette et la Belle
de Mai. Le 6 rue du Bon Pasteur est devenu leur lieu emblématique.
Au début des années 60, un nombre considérable de stagiaires et d'étudiants
comoriens ont commencé à arriver en France. Cette migration étudiante a débuté
en 1961 après l’adoption de la loi sur l'autonomie interne. Le nouveau statut
du Territoire a créé de nouveaux besoins en termes de professionnels qualifiés
pour mettre en œuvre les programmes et les plans de développement élaborés par
l'administration française du Territoire. Les étudiants et stagiaires
comoriens s’installent majoritairement dans les villes de Paris, Marseille,
Dunkerque, Bordeaux ou Toulouse. En 1968, l’Institut français des statistiques
a recensé 844 personnes d'origine comorienne résidant en France.
Ce mouvement d’installation de Comoriens en France s’accélère avec la
proclamation de l'indépendance des Comores en 1975. Les nouveaux migrants
comoriens s’y établissent comme travailleurs aux chantiers navals de
Marseille, chez Usinor-Sacilor à Dunkerque, plus tard dans les usines des
banlieues lyonnaises et parisiennes, les services municipaux de nettoyage et
le secteur de la restauration. Les arrivées augmentent de manière
significative vers la fin des années 80 et au début des années 90 avec
l’aggravation de la situation politique. La majorité de la communauté
comorienne s'est établie en région parisienne (au nord) et dans le département
des Bouches-du-Rhône (au sud-est). Les principaux centres de concentration
sont Paris, Dunkerque, Marseille, Lyon et Nice.
Aujourd’hui, la diaspora comorienne est bien intégrée dans le tissu économique
français, jouant un rôle de liaison entre leurs circonscriptions et les
Comores via la coopération décentralisée. C’est notamment le cas au sein de la
Plateforme des Associations Comoriennes de Seine-Saint-Denis (PFAC). Sur le
plan social et politique, la majorité des membres de la diaspora comorienne a
tendance à vivre dans une bulle communautaire. Cependant, certains jeunes
Franco-Comoriens commencent à occuper des positions de premier plan dans le
paysage médiatique français en tant qu'artistes, musiciens, chanteurs et
sportifs de haut niveau. Bien sûr, des problèmes importants subsistent,
notamment la recrudescence des violences à Marseille.
L'organisation de voyages et de visites pour les nouvelles générations nées en
France et ailleurs peut jouer un rôle crucial dans le développement du pays.
Cela offre une base solide pour établir des liens durables entre la diaspora
et leur archipel d'origine. De plus, cela peut aider les membres prospères de
notre diaspora à investir dans des secteurs prometteurs et à établir de bonnes
relations avec des partenaires potentiels pouvant soutenir durablement le
développement, particulièrement dans le tourisme. Dans cette perspective, les
ONG et autres acteurs locaux pourraient proposer des visites et des excursions
vers des sites touristiques, ainsi que vers des sites présentant un potentiel
d'investissement avéré.
Des circuits de découvertes spécifiques, adaptés aux enfants et jeunes de la
diaspora, peuvent être conçus pour faire connaitre à cette génération les
lieux de mémoires, d’histoire, de culture et des sites naturels remarquables.
La découverte du pays ancestral est une importante initiative qui permettrait
d’approfondir les liens entre la diaspora et la patrie de leurs ancêtres. Ces
activités ne doivent pas se limiter à la période des grandes vacances, elles
peuvent être étendues tout au long de l’année avec l’organisation de voyage
d’études et de découvertes des Comores pour les jeunes, des échanges scolaires
et universitaires, des séjours organisés pour des personnalités évoluant dans
le sport, le culture, l’entreprise ou tout autre secteur. De ces programmes et
projets d’immersion culturelle, environnementale et économique naitrait une
autre façon d’appréhender les Comores et changerait à terme l’image négative
de leur pays chez certains membres de la diaspora.
Dr Ahmed Ouledi
HaYba FM la Radio Moronienne du Monde
COMMENTAIRES