Agwa, de l’autre côté de ce mur

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Agwa, de l’autre côté de ce mur

Agwa, de l’autre côté de ce mur


De l’autre côté de cette porte, de ce mur lézardé, de ces gens qui attendent, se trouve Abdallah Abdou Hassani. Condamné l’année dernière à 5 ans de prison dont 4 ans ferme. Il lui reste donc combien d’années à vivre encore là-bas? J’ai même peur de compter.

Ai-je déjà rencontré quelqu’un qui se pare autant de dignité dans cette prison? Quelqu’un d’aussi résilient? D’aussi étonnamment puissant? Je ne crois pas.

Hier, j’ai pensé à lui. Une bonne partie de la nuit. Les mots refusent de sortir. Les mots sortent de plus en plus difficilement ces derniers temps. Quand je me souviens de l’émulation des premières années, où chaque acte posé était décortiqué, débattu, analysé. Comparé à maintenant où rien ne sort, où rien ne parvient à sortir, comme si nos cerveaux étaient désormais atrophiés, conséquence d’avoir tenté d’expliquer l’inexplicable, à plusieurs reprises. D’avoir pris des coups. Dans un dernier élan d’instinct de survie, ils semblent s’être mis en mode « off ».

En prison, Agwa se maintient face à cette injustice qu’il refuse de subir. Et c’est là sa force, c’est là sa dignité. Et c’est pour cela qu’il m’épate autant. Égal à lui-même. Plus d’une décennie qu’on se connaît. C’est grâce à la rue que nous nous sommes rencontrés. A l’époque, elle avait encore un sens. C’était ( presque) un lieu de vitalité démocratique. On peut le dire maintenant. On y manifestait. On y distribuait des tracts. On luttait contre la vie chère. On avait un peu peur. Juste un peu. La peur ne nous anesthésiait pas. Pas encore.

Agwa diffusait nos communiqués gratuitement dans la radio dont il était un des gérants à l’époque, laquelle appartenait il me semble au leader du Ridja, Saïd Larifou. Gracieusement. C’est comme ça qu’on s’est connu. Moi en basket, lui dans son studio. Moi avec mon débit de mitraillette, tentant de lui expliquer l’urgence de la situation, de l’importance de communiquer pour la réussite de nos initiatives citoyennes. Lui me disant, narquois, « économise ta salive, ne m’explique pas ce que je sais. J’aurais dû être des vôtres. Ce sera donc ma contribution ». C’est comme ça qu’on s’est connu. Comme ça que nous sommes devenus amis. Je savais pouvoir compter sur lui. Lui savait pouvoir compter sur moi.

Donc mon ami est derrière ce mur qui le maintient en prison alors qu’on le voit bien, ce mur ne repose sur rien. Il y est durant ce mois de ramadan. Loin de ses enfants. De sa femme. A manger des plats froids qui viennent de l’extérieur parce qu’en prison, il n’y a rien pour réchauffer les plats. Les prisonniers n’ont droit à rien, même pas à manger durant le mois sacré. Son foutour, son ntsahu, qui lui parviennent l’après-midi, il les mange froid. Sans se plaindre. C’est comme ça. Information apprise au détour d’une conversation, dans un éclat de rire, encore une fois narquois, se moquant de moi. « Nous n’avons pas de réchaud en prison ».

De tous mes amis, il est peut-être le seul à ne pas avoir changé. Même un peu. Il est resté le même. Je me demande comment il a fait. Les gens se sont peu à peu adaptés. La peur les a anesthésiés. Lui, non. C’est sans doute le seul. Les passages en prison n’ont pas ébranlé ses convictions. D’aucuns lui conseillent de les diluer pour s’offrir une porte de sortie. Ceux qui appuient « ce conseil » devraient avoir honte. Ils sont indignes. Et surtout ils ne savent pas.

Que demain, quand il n’y aura plus tout cela, quand les courtisans auront trouvé d’autres seigneurs à courtiser, quand ils seront seuls et abandonnés de tous, en proie à l’injustice, il n’y a que les gens de l’acabit de Agwa qui dénonceront une justice instrumentalisée. Une justice aux ordres. Les autres se rallieront à leur seigneur du moment, comme c’est le cas aujourd’hui.

Étrangement, je me surprends à espérer sa liberté prochaine. Quelle folle je fais .Il n’y a plus d’espérance. J’espère quand même. Quelle joie, ce serait.

Par Faïza Soulé 

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