Qui est le Dr. Abdillah Itibar ? Dr Itibar : Un médecin chercheur de génie est monté au ciel
Dr Itibar : Un médecin chercheur de génie est monté au ciel
Comment j’ai appris sa mort, qu’est-ce que j’ai ressenti, à qui ai-je pensé en 1er ?
Je venais de terminer une séance de formation à la Chambre de Commerce, ce mercredi 2 février dans l’après-midi vers 17h, lorsqu’une des stagiaires, épouse d’un médecin, s’approcha de ma table avec son téléphone portable l’air préoccupé, et m’annonça d’une voix attristée : « Docteur Itibar hafu ». Ah bon ! Dis-je, interloqué. La surprise et l’émotion passées à l’aide de plusieurs respirations ventrales, j’ai intégré la mort du Dr. Itibar, cette icône de la médecine comorienne.
La grandeur de Dieu apparut dans toute sa dimension : celui qui « empêchait » les gens de mourir de maladie est mort. Il est mort comment ? De quoi est-il mort ? Voilà les questions bêtes qu’on se pose en apprenant le décès d’un ami ou de quelqu’un qu’on connaissait, surtout dans ce pays où l’autopsie, pourtant pratiquée par un des savant musulmans, en l’occurrence Avicenne connu sous le nom arabe de Ibn Sina, est érigée aux Comores et dans certains pays musulmans, en un tabou incontournable sous le prétexte du respect du mort .
Mes premières rencontres avec le Dr. Itibar
J’ai rencontré le Dr. Itibar grâce à ma belle-mère. Bien sûr sa réputation de jeune médecin aux diagnostics sûrs, aux consultations minutieuses et aux ordonnances efficaces, avaient déjà fait de lui le médecin qu’il fallait consulter.
Le Docteur Itibar était de sang aristocratique malgache de par sa grand-mère maternelle, qui était une descendante de la reine Ranavalona ou une autre parmi les nombreuses reines malgaches. Aussi respectait-il beaucoup ma belle-mère qui était une descendante du sultan Mwigni Mku et de la famille de Mdirini le Djumbe d’Iconi . Ce respect est allé jusqu’à la punition de son secrétaire Moussa qui n’avait pas parlé avec la déférence nécessaire à ma belle-mère.
Pour Itibar, l’aristocratie le fascinait non pas pour la question des origines, mais beaucoup plus par les valeurs reçues de générations en générations, et qui pouvaient se résumer par un seul adage comorien : « Ufukara ko puwa mila ».
Itibar avait sa propre conception de la lutte des classes qui consistait, pour les familles aristocratiques, à toujours être au-dessus des autres, surtout sur le plan des connaissances du « Ilm », seule richesse que personne ne peut te prendre, et qui augmente au fur et à mesure que tu la dispenses. C’est dans cet esprit d’excellence qu’il a éduqué ses enfants filles comme garçons d’une main de fer, quitte à se débarrasser des canards boiteux.
À ses enfants, notamment ceux qui se distinguaient par leur intelligence mais qui ne respectaient pas suffisamment les valeurs familiales - dont les plus importantes sont la bienséance dans le comportement - il les appelaient à faire preuve d’intelligence d’esprit et d’excellence méritée dans la profession choisie. Il appliquait lui-même ces valeurs, mais en tenant toujours compte du fait que les aigles ne volent pas avec les moineaux. Ceci expliquait sa grande courtoisie envers les uns et sa rudesse envers les autres qu’il jugeait mal éduqués.
Je me rappelle une fois que j’avais emmené une de mes filles en consultation. Elle avait eu le malheur de mettre le doigt dans le nez, de ne pas parler assez fort et distinctement, de ne pas le regarder en face en s’adressant à lui. Il lui ordonna de se lever et de sortir sur un ton très dur qui fit couler les larmes à ma fille. Finalement il se calma, la fit se rasseoir et exigea de l’adolescente un « pardon docteur » prononcé haut et fort. Il enchaîna ensuite sur une leçon d’éducation non sans lui avoir expliqué qu’elle n’eût été ma fille, il l’aurait chassée de son cabinet car il me portait beaucoup d’estime.
Qui est le Dr. Abdillah Itibar ?
Le dernier garçon de Monsieur Abdillah Itibar, donc parfait homonyme de son père, est devenu l’éternel premier. Premier depuis la maternelle jusqu’à l’université, on lui a fait sauter beaucoup de classes au primaire et au collège. Ses professeurs de la faculté de médecine étaient exaspérés par ses absences fréquentes dans certains cours, sa capacité à répondre juste à toutes les questions posées et à être toujours le premier aux partiels dans toutes les matières enseignées. Il est resté une légende à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et dans toutes les universités où il a eu l’occasion de passer .
Il m’a raconté que lors d’un deuxième stage d’internat dans une université Belge, mais gérée par les Américain, sa grande intelligence et sa vivacité d’esprit le signalèrent aux recruteurs des sectes de la franc-maçonnerie.
Il fut même recruté par une des loges les plus importantes et associé, à un moment donné, à une recherche de haut niveau sur l’eugénisme scientifique à la Hitler, mais cette fois contre les Noirs seulement. Finalement il abandonna ses collègues et cette recherche folle. Cet abandon lui colla l’étiquette de « traître » et il fut menacé de mort, même avec des moyens occultes, si jamais il révélait les secrets de cette recherche, et ce quel que soit l’endroit du globe où il se trouverait.
Dr. Itibar aurait pu choisir n’importe quel pays pour travailler de par son initiation dans la grande loge de Belgique et la solidarité maçonnique, mais aussi de par ses capacités intellectuelles remarquables.
Il a rejeté une offre d’un consortium américain au niveau médical et pharmaceutique qui voulait le recruter comme chercheur, en précisant que quel que soit le salaire qu’il fixerait, le consortium serait d’accord. Il a refusé cette offre car il avait décidé de retourner au pays de son père pour que le nom d’Abdillah Itibar ne s’éteigne pas.
La médecine, une arme à double tranchant.
L’intelligence extraordinaire du Dr. Itibar et ses facilités d’apprentissage de tout ce qu’il voulait, ne pouvait pas le laisser indemne d’une certaine mégalomanie géniale, comme la plupart des grands génies dans les domaines scientifiques ou artistiques. On se rappellera de Lavoisier ou de Salvador Dali aux égos très développés. Un peu comme le Dr. Jekyll et Mr Hyde, Dr. Itibar était médecin le jour et chercheur la nuit. Dieu seul sait quels étaient ses travaux de recherches car, célibataire endurci depuis le divorce d’avec sa femme, sa chambre était interdite d’accès, même à ses enfants, à partir d’une certaine heure du soir. Je me permets de douter qu’il continuait, à son compte, les recherches paramédicales et occultes initiées pendant ses années en Belgique.
Je dis cela car il m’a raconté à plusieurs reprises qu’il pouvait déterminer la date de la mort de quelqu’un en sentant l’odeur de sa sueur. Moussa, son bras droit, a confirmé quelques cas de diagnostics occultes sur la date de mort de patients partis à l’étranger en dépensant des millions, et qui mourraient à la date annoncée, à l’étranger ou de retour au pays.
Dans la dernière conversation que j’ai eue avec lui, où il m’avait engueulé comme un bébé fautif pour avoir égaré mon carnet de santé, on avait discuté, quand sa colère est tombée, de neurosciences et de la théorie de l’homme vibrations. Il expliquait, en suivant cette théorie, que les versets du Coran lus à haute voix ou écrits en mode « azayma » pouvaient effectivement guérir certaines maladies. Sa préoccupation était de comprendre le mode opératoire de ces guérisons.
Le côté ange du Dr. Itibar était basé sur sa conception de l’argent et son usage. Comme c’est bien connu, il avait commencé par faire payer 2000 fc ses visites au tout début de l’ouverture de son cabinet, au grand dam de ses confrères. Ces derniers firent un lobbying auprès des autorités médicales pour l’obliger à s’aligner sur leurs tarifs. C'est ainsi que Dr. Itibar passa à 5000 fc puis à 7500 fc. Mais comme l’a révélé le journal Alwatwan, il rendait un tiers de l’argent, sinon la totalité, aux patients originaires d’Iconi mais pas seulement.
Itibar était aussi un bienfaiteur très discret pour des nécessiteux et des associations de la société civile, qui osaient dépasser les préjugés du « méchant Itibar » pour le solliciter.
Je pourrais encore remplir des pages et des pages sur le Dr. Itibar car je caressais le rêve de l’interviewer un jour. Rêve qui ne s’est réalisé qu’à moitié car, tout en ne l’enregistrant pas, il nourrissait à mon égard une grande confiance qui le poussait à des confidences dont j’ai pu me souvenir de quelques-unes. Il va sans dire que pour ceux qui veulent connaître plus feu Dr. Itibar, Moussa son secrétaire «nde shio ».
Repose en paix Docteur et cher ami. Qu’Allah, qui fait ce qu’il veut, pardonne tes égarements terrestres et t’accueille dans sa grande miséricorde.
Aboubacar Ben Said Salim, Écrivain
Photo : Dr. Itibar, alors interne en Médecine en Belgique.
HaYba FM la Radio Moronienne du Monde
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