À Madagascar, la Constitution impose à l’État d’organiser « un enseignement public, gratuit et accessible à tous » mais dans les faits, l’é...
À Madagascar, la Constitution impose à l’État d’organiser « un enseignement public, gratuit et accessible à tous » mais dans les faits, l’école, même publique, est loin d’être gratuite. En plus des frais de scolarité, les parents d’élèves doivent souvent contribuer au paiement des salaires des « maîtres Fram », ces enseignants qui n’ont en poche que le baccalauréat. Face à ces frais considérables pour les foyers les plus vulnérables, de nombreux parents ne peuvent scolariser leur enfant.
Sur l’île, c’est un 1 enfant sur 4 qui ne fréquente pas l’école. Aussi, suite à une décision prise en Conseil des ministres, le président de la République a annoncé que les droits d’inscription seraient totalement gratuits, cette année, pour éviter de ne voir s’aggraver le taux d’abandon en cette période de crise économique post-confinement. Une mesure saluée mais qui pourrait bien engendrer de nouveaux problèmes.
Ce lundi 26 octobre était jour de rentrée scolaire pour tous les écoliers de l’enseignement public de l’île. Devant les grilles des établissements, de nombreux parents venus accompagner leur progéniture. Tsiky, gardien d’immeuble, a 3 enfants inscrits au collège public d’Alasora. Pour lui, qui gagne 250 000 ariary par mois (55€), cette levée des frais de scolarité est une bénédiction.
« Je suis très content de cette décision. Normalement, c’est 50 000 ariary (11€) par enfant, par année scolaire. Aujourd’hui, je viens d’économiser 150 000 ariary pour mes trois enfants. En revanche, ce qui ne change pas, c’est que c’est nous, les parents, qui allons payer les salaires des maîtres Fram, en janvier. Et ça c’est 30 000 ar par enfant »
De son côté, ce directeur d’un grand établissement de la capitale, lui, digère mal la nouvelle. Grâce à son budget restant de l’année passée, il a deux mois de réserve. Pas plus. L’absence de droits d’inscription, c’est 130 millions d’ariary en moins pour faire fonctionner son collège.
« C’est un énorme manque à gagner pour nous. Les frais de scolarité servent à faire fonctionner l’établissement, à acheter les craies, à payer les petites réparations des tables, des bancs, des ordinateurs de l’administration, à payer les salaires des maîtres Fram, et même à organiser les examens de fin d’année scolaire. Donc ce matin, j’ai déjà annoncé aux parents d’élèves qu’on va devoir voir ce que l’on va faire s’il n’y a pas de subvention de la part de l’Etat »
Pour l’instant, le gouvernement n’a pas annoncé une quelconque hausse du budget alloué au fonctionnement des écoles publiques. Une mesure pourtant cruciale pour éviter que le boom constaté du nombre d’inscriptions dans certaines régions, suite à l’annonce de la gratuité des frais, ne soit gâché par l’impossibilité pour les établissements de mener à bien leur mission d’éducation.
Sarah Tétaud, correspondante de RFI à Antanananarivo
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