Aux hauts collaborateurs d’Assoumani Azali, C’est à vous que j’ai finalement choisi de m’adresser en lieu et place de votre ch...
Aux hauts collaborateurs d’Assoumani Azali,
C’est à vous que j’ai finalement choisi de m’adresser en lieu et place de votre
chef, que tout concourt à ranger dans la catégorie des sourds et aveugles.
Je m’adresse à vous parce qu’en dépit et contre tout, je voudrais croire qu’il reste
à certains d’entre vous une dernière parcelle de sentiment pour ce pays, une
dernière part d’humanité.
Je m’adresse à vous parce qu’en moi persiste encore, malgré tout, un mince
espoir que vous n’irez pas jusqu’au bout de cette voie qui peut conduire au
mieux droit à un mur et au pire au fond d’un précipice sans fond.
Je m’adresse à vous enfin au nom de tous ceux qui, par centaines de milliers,
souffrent dans leur âme et dans leur chair et rêvent chaque soir d’une autre
chose, d’une autre vie, d’un autrement. Qu’ils appellent de toute la force de leur
amour pour les Comores.
Vous savez que les événements qui ont commencé à Ntsoudjini le 6 juillet et s’y
sont poursuivis les jours suivants sont faits pour ne laisser aucun Comorien
indifférent.
Ntsoudjini, cette ville que les remparts qui encerclent racontent eux-mêmes
l’histoire, notre ville à tous, cette ville chargée de légendes et de respect, a vécu
des choses inacceptables. Ces terribles événements convoquent le passé, posent
de graves interrogations sur le présent et forcent à regarder l’avenir.
Souvenez-vous.
Lorsque Ali Soilih, a, le 2 septembre 1975, investi la ville de
M’béni et est reparti en laissant derrière lui 5 cadavres, il a pujustifier
l’injustifiable en invoquant la rébellion de son frère ennemi Mohamed Taki
Abdoulkarim.
Rappelez-vous.
Lorsque l’alors chef d’état major, Azali Asssoumani, conduisit
tout un régiment armé d’armes de guerre pour mater M’béni, en mettant toute
la ville sens dessus dessous, parquant tous ses habitants dans le terrain de
football, semant une terreur indescriptible, on a pu comprendre que cette
charge répondait à une rébellion d’un groupe de militaires, eux-mêmes armés,
protégés par la population.
Mais aujourd’hui, rien, absolument rien, ne justifie cet assaut de la troupe sur
Ntsoudjini et ses habitants, cette terreur d’Etat qui s’exerce sur nos concitoyens,
ce bruit d’armes et de bottes sur cette ville, au cœur de cette ville, comme en terrain conquis.
Aujourd’hui, il apparaît très clairement, aux yeux du monde qui nous regarde,
qu’une guerre totale est déclenchée contre la population comorienne traitée
comme un ennemi à soumettre quel qu’en puisse être le prix.
Nous comprenons maintenant le message adressé à partir de Ntsoudjini à tous
les Comoriens : l’émergence annoncée pour 2030 coûtera ce qu’elle coûtera,
mais elle compte plus que les Comores, plus que notre nation, plus que nos vies
à tous.
Vous permettrez alors que je soumette à votre examen cette petite leçon
d’histoire : après le massacre d’Iconi le 12 avril 1978, un partisan du régime
s’inquiétait du drame auprès d’Ali Soilih. Celui-ci lui fit cette réflexion : « si un
régime commence à tirer sur sa population, c’est qu’il est au bout du rouleau. »
Ce n’est pas pour vous mettre dans l’embarras que je m’adresse à vous,
l’embarras de baisser les yeux et la tête, courber l’échine et le dos pour laisser
au temps le soin de jeter cette invite au panier de l’oubli ; ou l’embarras de
devoir réagir, répondre, vous exprimer sur un sujet qui doit certainement vous
tordre la conscience. Non, ce n’est pas pour cela.
C’est surtout pour vous dire ceci : autant je suis à l’aise d’être avec le camp qui
souffre et meurt, autant je vous plains d’être avec le camp qui tue ; et qu’en ce
jour, nous nous sentons tous de Ntsoudjini.
Moroni, le 10 juillet 2020
Mohamed Abdou Soimadou
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