Une autre perle de la loi électorale est l’article 72, alinéa 2. Cet article qui reprend l’article 8 de la loi du 9 avril 2011 portant or...
Une autre perle de la loi électorale est l’article 72, alinéa 2. Cet article qui reprend l’article 8 de la loi du 9 avril 2011 portant organisation du scrutin communale, stipule :
« Pour être déclarée recevable, une liste doit être composée alternativement de deux candidats d’un sexe et d’un candidat de l’autre sexe sous peine d’irrecevabilité »
Introduit pour soi-disant garantir la présence de femmes au sein des Conseils communaux, cet article est venu, sous une curieuse formulation, en limier le nombre.
En effet, à bien comprendre, cet article, n’autorise que des listes établies sous 2 formules possibles :
- « Homme-Homme-Femme...»
Ou
- « Femme-Femme-Homme...».
Autrement dit, puisque la liste « doit » obligatoirement respecter l’une de ces 2 formules, la loi interdit par exemple la parité.
Ainsi, une liste de la forme « H-F-H-F-H...» devrait être normalement déclarée irrecevable dans la mesure où elle ne respecte pas l’alternance « deux candidats d’un sexe et un candidat de l’autre sexe ».
C’est un peu comme si le législateur comorien avait considéré qu’il fallait donner la place aux femmes dans cette nouvelle institution mais pas trop.
En effet, même si à priori, rien ne prédéterminait, en théorie, que l’alternance exigée par l’article 72 du code électoral soit au profit des hommes, l’on pouvait, néanmoins, s’attendre qu’au regard de la domination masculine au sein des instances décisionnelles du pays, ce soit la formule « Homme-Homme-Femme » qui allait l’emporter.
Et pour ne pas trahir cette hypothèse, ce fut le cas à l’occasion des élections de 2015 qui ont vu l’élection de 277 femmes sur environ 1000 conseillers communaux élus, sur l’ensemble du territoire, soit environ 28 %.
Notons au passage que seules 2 ou 3 femmes, parmi les 54 maires, furent des femmes ! Et l’intervention de la cour constitutionnelle n’a pas arrangé les choses.
Ayant eu à statuer sur de nombreux cas de listes non respectueuses de l’article 72, la CC avait, « dans son pouvoir d’interprétation de la loi, considéré que le critère de l’alternance » pouvait «revêtir trois formes différentes » et « qu’en tout état de cause, chaque liste ne peut contenir qu’au moins un tiers de l’un ou de l’autre sexe »
Autrement dit, une liste pouvait être considérée recevable, dès lors où elle contenait au minimum un tiers de chaque sexe.
Cette interprétation n’était pas pour améliorer la représentation des femmes puisque, si effectivement toutes les listes ont respectée les 30 % de candidates femmes, ces dernières ont été souvent reléguées à des places inéligibles.
De ce fait, la représentation des deux sexes au sein des Conseils communaux, voulue par l’article 72 du code électoral, n’a pas été rendue effective.
Et pour enfoncer le clou, près 350 chefs de village ou de quartier, tous des hommes, sont venus gonfler la part masculine des Conseils communaux.
Ainsi, la représentation des femmes, déjà très faible à la sortie des urnes, s’est trouvée aggravée par l’intégration des 350 chefs du village et de quartier, tous des hommes au sein des Conseils communaux, ramenant en définitive le taux de femmes siégeant au sein des 54 conseils communaux à seulement 20 % !
Qu’en est-il de la situation en 2020 ?
La non publication des listes par la CENI ne nous permet pas de juger du respect de la l’article 72, alinéa 2 du code électoral.
Une chose est presque sûr : comme en 2015, Anjouan semble respecter cette disposition législative, comme le témoignent les deux listes publiées, ici, en illustration.
Alors, messieurs les meneurs de listes, est-ce que dans l’attente qu’un député qui sait écrire en français vienne modifier l’alinéa 2 de l’article 72, pour écrire tout simplement que :
« pour être recevable une liste ne doit pas comporter trois candidats successifs du même sexe », avez-vous opté pour « H-H-Her » ou pour « F-F-You »
Par Said Idriss
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