La juge d’instruction en charge de l’affaire Hakim Karki s’interroge sur l’origine des informations obtenues par celui-ci. (Illustration) ...
La juge d’instruction en charge de l’affaire Hakim Karki s’interroge sur l’origine des informations obtenues par celui-ci. (Illustration) Lény Stora/docpix.fr |
Pour se défendre, Hakim Karki, juge accusé de viol à Mayotte, évoque un coup monté par une grande entreprise française.
Le 10 mars 2017, à sa demande, Hakim Karki, juge mis en examen pour viol et placé sous contrôle judiciaire, est reçu par la juge d’instruction qui traite son dossier. « Reçu dans ma boîte aux lettres des éléments concernant mon dossier. […] Je peux vous dire aujourd’hui avec certitude que c’était un coup monté et que la personne a été rémunérée pour faire cela. Je peux vous donner des éléments pour vous dire qui est le commanditaire et pourquoi ça a été fait », livre-t-il. Et d’expliquer qu’il a reçu, un mois plus tôt, une mystérieuse clé USB dont le contenu correspond, dit-il, à celui de l’ordinateur de son accusatrice, Marie*.
En l’exploitant, il aurait découvert qu’elle était en lien, via une messagerie cryptée, avec de hauts responsables d’une entreprise du CAC 40 dont il avait mis plusieurs responsables en examen à Mayotte. Le document révélerait également un versement très important d’argent en crypto-monnaie. Hakim Karki a-t-il été victime d’une opération de déstabilisation montée par une multinationale à laquelle il a fait perdre de l’argent ? Il en est convaincu. Son accusatrice dénonce une manipulation « grotesque ».
Aucune trace de versements d’argent retrouvée
Dans un premier temps la juge d’instruction semble sceptique. Elle s’interroge notamment sur l’origine de ces informations qu’elle suppute provenir d’une opération de hacking. Hakim Karki indique ignorer l’identité de la source et remet à la juge la fameuse clé USB.
Les différentes expertises - sur la clé USB ainsi que sur les ordinateurs de Marie, finalement saisis en perquisition, n’ont pas confirmé les soupçons avancés par le juge, l’expert n’ayant trouvé aucune trace de conversations litigieuses ou de versements d’argent. Les demandes complémentaires formulées par la défense d’Hakim Karki, qui conteste la pertinence de ces travaux, ont été refusées.
Interrogée en juillet 2017, Marie a nié l’utilisation d’une messagerie cryptée, la détention de bitcoins ainsi que tout lien avec les dirigeants de l’entreprise en cause. « Qu’il ait eu le culot de monter toute cette histoire, alors qu’il est juge d’instruction, ça remet complètement en question l’image de la justice que j’ai », s’emporte-t-elle.
Des mystérieux SMS
L’histoire aurait pu en rester là mais, le 21 avril 2018, Hakim Karki reçoit de mystérieux SMS émanant d’un numéro inconnu : « […] Chapeau pour ce que tu as fourni on a vraiment eu chaud avec le travail de ton groupe de hackers qui ont fait un travail impossible […] On voulait négocier mais tu ne voulais pas alors c’était facile de tendre un piège à un sadique comme toi mais elle a pas eu à insister ».
Les investigations sur le numéro émetteur ont révélé que l’appareil venait d’être acheté. Et qu’après avoir envoyé ces SMS, son propriétaire a passé un appel de 25 secondes au siège de la fameuse entreprise du CAC 40. « Après avoir monté un dossier avec de fausses conversations, il a trouvé malin de s’envoyer des messages à lui-même », raille Marie, jointe par téléphone.
Il appartient désormais au parquet puis à la juge d’instruction d’apprécier le crédit à donner à ces ultimes éléments du dossier. « Je suis convaincu que le juge Karki a été victime d’un chantier monté contre lui afin de la discréditer et de l’empêcher de poursuivre son travail. S’il devait être renvoyé aux assises, sa défense serait très offensive », prévient Me Olivier Morice, l’avocat du magistrat.
« Cette histoire de complot n’a aucun sens si ce n’est de gagner de temps, rétorque Me Tartour, l’avocate de Marie. Je m’étonne du crédit accordé tout au long de l’enquête aux déclarations du mis en cause qui ne reposent sur aucun élément sérieux. »
*Le prénom de la plaignante a été modifié.
Par Timothée Boutry ©Le Parisien
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