séisme 7 © daniel gros Depuis mercredi 12 décembre 2018, 51 familles françaises ou comoriennes dont quatre femmes enceintes, près de 25...
séisme 7 © daniel gros |
Depuis mercredi 12 décembre 2018, 51 familles françaises ou comoriennes dont quatre femmes enceintes, près de 250 personnes dont 179 enfants dorment dans les ruines de leur maison. Aucun service social n’a daigné se pencher sur cette catastrophe plus froide et efficace qu’un séisme de magnitude 6 sur l’échelle de Richter. Un portofolio portant le même titre accompagne ce texte de blog.
Depuis mercredi 12 décembre 2018, 51 familles au moins, 179 enfants dont une grande partie de nourrissons, 4 femmes enceintes, doivent passer la nuit dehors suite à la destruction de leurs maisons. A même le sol, sans abri malgré la saison des pluies, anéanties et dépossédées de leurs biens, dans les ruines de leur case ou dans les fossés alentours, exposées aux moustiques, agacées par les rats ; les quelques possessions sauvées et entassés en ballots convoitées par les voleurs.
Ces chiffres ne dénombrent pas la totalité des personnes sinistrées. Certaines auraient trouvé refuge dans la famille ou chez des proches. Les pouvoirs publics n’ont pas communiqué à ce sujet. On ne connaitra pas le détail des habitants de ce quartier dévasté. La presse locale ne fait que répéter sans la vérifier la même information rassurante et mensongère selon laquelle les familles du terrain Batrolo, dit quartier Recto/Verso, auraient été averties du désastre et des propositions de relogements toutes déclinées.
Dès l’aube du mercredi, police nationale et gendarmerie ont quadrillé le quartier et bloqué ses accès. Une véritable piège s’est refermé sur la population composée principalement de femmes et d’enfants, car les hommes quittent le logement familial des le point du jour pour la prière à la mosquée et la recherche d’une embauche journalière.
Soit disant afin de contrer la résistance des habitants particulièrement agressive (dixit la presse locale), femmes et enfants ont été extraites de leurs cases par l’emploi de bombes lacrymogènes, balafrant au passage le mollet d’une jeune fille (rapportée par la presse), et causant de nombreuses brûlures sur les jambes des enfants (constaté par l’auteur de ces lignes).
Une fois les cases de ce quartier d’habitat pauvre vidées de leurs habitants, deux tractopelles ont eu le champ libre pour effondrer systématiquement toits et murs de leur bras articulé, et de leurs chenilles écraser tôles et madriers, poutres, bambous ou autres bois de charpente.
Cette scène de guerre, organisée par préfecture de Mayotte sur décision de justice sans doute, devait atteindre plusieurs objectifs.
D’abord restituer le terrain à leurs propriétaires légitimes et empêcher toute solution de relogement des habitants de ce quartier occupé depuis plus de 20 ans avec l’autorisation du propriétaire antérieur : le plus ancien habitant rencontré s’était installé en 1995.
Ensuite gêner le plus possible la réinstallation des habitants dans d’autres quartiers en rendant irrécupérables les matériaux de construction. Ce fut sans compter sur l’adresse des hommes qui occupent à présent leurs journées à marteler les tôles pour les redresser, à désosser tous les bois de charpentes et de cloisons utiles, à construire des abris de fortune provisoires.
De nombreux bruits courent qui diffusent la volonté de la préfecture d’empêcher la réinstallation dans les autres quartiers de Kaweni. On raconte que les propriétaires de camion à benne qui aideraient à déménager seront verbalisés ; que des policiers ratissent les hauteurs des collines pour interdire la construction de cases ; on rapporte de nombreuses délations par des Mahorais ou même des Comoriens riches et installés. Une grave psychose s’enracine dans les esprits qui s’efforce d’éteindre les moindres lueurs d’espoir.
Enfin contrarier tout secours et gêner toute solidarité. La Croix-Rouge alertée dès les premières heures n’a pas daigné se déplacer pour poser un simple diagnostic ; les services sociaux compétents pour l’aide alimentaire d’urgence et le relogement sont restés sourds aux appels et rappels obstinés. Comme si une interdiction tacite ou formelle d’intervenir avait été prononcée. Seule au soir du deuxième jour, une petite équipe de Médecins du Monde s’est rendue sur place : la nombreuse population prévenue s’est regroupée autour du camion espérant secours et sollicitude. Les consultations se sont prolongées jusqu’à minuit.
Les forces de police avait pris soin de fermer à la circulation la route qui enserre le quartier, appelée « Côte SOGEA » ; elle relie par les collines le sud et le nord de la commune de Mamoudzou. La conduite automobile ne prédispose pas souvent à la sollicitude mais laisse la possibilité de témoins visuels. Le quartier restait cependant accessible par les rares sentiers piétonniers.
Une jeune mère trouve sa case dévastée à son retour de la maternité son nourrisson de cinq jours dans les bras. Dépourvue de tout, incapable d’alimenter et de soigner son bébé fiévreux, elle est prostrée, en larme devant sa maison détruite. Seul le médecin hospitalier informé de la situation a été en position d’exiger le relogement de la famille.
Toutes les infrastructures du quartier ont été anéanties: la borne fontaine arrachée du sol par la tractopelle, les latrines communes comblées, le réseau électrique arraché. L’accès à l’eau est devenu problématique : elle serait vendue par les voisins raccordés au réseau 1 € le seau de 10 litres. Encore aujourd’hui environ 300 personnes tentent de survivre au milieu des ruines dans l’incapacité de préparer des repas : les réserves de nourritures gaspillées dans des réfrigérateurs et congélateurs débranchés ; les marmites et les réchauds écrasés.
Depuis cinq jours à présent, toute la population d’un quartier pauvre de la commune de Mamoudzou est spoliée de sa case, de ses biens et de ses espérances, à la fois empêchée de partir et de rester sur place. Encore 51 familles au moins, 179 enfants dont une grande partie de nourrissons, 4 femmes enceintes tentent de survivre totalement dépossédée dans ces lieux dévastés.
Ainsi partout dans tous les territoires de France, après Mayotte sûrement où plus d’une personne sur dix n’a pas de quoi terminer sa journée, la République ne se penche plus sur ses enfants, ne protège plus les plus fragiles parmi les siens.
Voici comment l’État traite les plus démunis, occupé ailleurs par des manifestations qu’il a provoqué par son incurie, et quelques heures seulement après un attentat sanglant survenu à Strasbourg. Mayotte, territoire lointain éperdu et perdu n’aura pas droit à la trêve républicaine.
Que vienne enfin le temps pour la honte !
Notes : Le comptage a été réalisé sur trois jours avec l'aide d'une adolescente victime de cette barbarie. Les personnes sinistrées n’acceptaient pas volontiers de répondre au questionnaire, Selon elles, il arrive régulièrement que des métropolitains ne donnent jamais suite à leurs rares interventions. Je ne peux pas leur donner tort. Progressivement une confiance s'est installée. Pour cette raison les chiffres donnés ici sont en-dessous de la réalité..
PAR DANIEL GROS
BLOG : MAYOTTE, C'EST LOIN. J'Y HABITE.
PAR DANIEL GROS
BLOG : MAYOTTE, C'EST LOIN. J'Y HABITE.
COMMENTAIRES