Mutsamudu est la capitale d’Anjouan, deuxième île des Comores en termes de superficie et population. Elle est aussi la deuxième ville der...
Mutsamudu est la capitale d’Anjouan, deuxième île des Comores en termes de superficie et population. Elle est aussi la deuxième ville derrière Moroni. Le directeur de Dis-Moi y a rencontré le maire, M. Amirdine Mohamed. Il est membre de la JUWA, parti politique de l’opposition, dont le leader est l’ancien Président, M. Sambi.
« Le jeune Comorien est un débrouillard. Il n’attend pas que l’État fasse tout pour lui. Malgré le taux de chômage officiel, avez-vous croisé des mendiants, des affamés, des sans-abris ? »
Pouvez-vous vous présenter pour les lecteurs du Défi Média Group ?
Je salue tout d’abord nos frères et sœurs mauriciens. Je suis Amirdine Mohamed, âgé de 44 ans. Je me suis engagé en politique depuis peu sous le leadership de M. Sambi. Je dirige la mairie de Mutsamudu, capitale de l’île d’Anjouan depuis 2015. J’essaie, avec toute ma conviction, de faire bouger les choses dans un contexte parfois difficile.
Les Comores sont une société complexe, mais fascinante. Un pays où la femme est reine dans un système matrilinéaire, où la religion apaise les gens au lieu de les abrutir. Un pays où règne une sécurité extraordinaire. Pourquoi votre pays ne sait-il pas se ‘vendre’ au niveau touristique et pourquoi les étrangers n’ont-ils que cette image dévalorisante d’un pays instable avec des coups d’État à répétition ?
Il faut rétablir la vérité. Après une période d’instabilité où il y a même eu des mouvements de sécession, les Comoriens ont su redresser la barque en introduisant la politique dite tournante. C’est-à-dire que le Président de l’archipel est issu de chacune des trois îles à tour de rôle. Ce n’est pas l’idéal, mais c’est que nous avons trouvé de mieux pour stopper cette mauvaise dynamique d’instabilité. À partir de 2006 se sont tenues les premières élections démocratiques acceptées par tous. Depuis, on peut raisonnablement dire que le pays va mieux politiquement.
J’ai rencontré beaucoup de jeunes Comoriens durant ma mission. Leur sens de la débrouillardise, leur intelligence et leur amour du pays sont frappants. Mais le chômage touche un jeune sur deux. Comment expliquez-vous ce manque d’opportunités pour les jeunes ? Les politiques n’ont-ils pas une part de responsabilité devant cette frustration compréhensive ?
Le jeune Comorien est un débrouillard. Il ne va pas attendre que l’État fasse tout pour lui. Malgré ce taux de chômage officiel, avez-vous croisé, durant votre séjour des mendiants, des affamés des sans-abri ? Je parie que non. La solidarité intrafamiliale est exemplaire aux Comores tout comme l’aide que la diaspora comorienne (300 000 en France) apporte à leurs familles.
Les Assises nationales des Comores se tiennent à Moroni pendant une semaine. C’est une excellente initiative de créer l’espace et le temps pour réfléchir collectivement sur les 42 ans d’indépendance. Pourquoi n’y êtes-vous pas ?
Pour la simple raison que je n’ai pas été invité. Outre mes fonctions de maire, je suis aussi vice-président de l’association des 54 maires du pays. Je rappelle que dans notre système, les maires sont élus et non nommés. Donc le CPAN, qui est le comité de pilotage des Assises, a choisi un représentant des maires qui est intégré dans les comités. Notez que je choisis de parler en tant que maire et non en tant que représentant d’un parti politique qui est dans l’opposition.
Tout de même, on ne peut inviter des centaines de gens pour cet exercice et ne pas inviter le maire de la 2e ville des Comores ? N’est-ce pas de la discrimination ?
Honnêtement, je ne peux répondre à cette question. Peut-être que l’invitation a été égarée quelque part ! Mais est-ce de la discrimination ? Je vous laisse la responsabilité de vos propos.
L’État de droit aux Comores est encore à ses balbutiements. Durant mon séjour, j’ai appris qu’un policier a utilisé une violence gratuite contre une manifestante. Que ferait votre parti, une fois au pouvoir, sur le plan de la formation des policiers ?
En premier lieu, je précise que je ne suis pas habilité à parler au nom de mon parti. Moi, je pense que manifester pacifiquement est un droit fondamental. Par conséquent, ce genre d’actions doit être sévèrement puni et il est inacceptable que l’agent de l’État – supposé protéger le citoyen – devienne celui qui viole ses droits élémentaires. Je pense qu’il faudrait repenser la formation des policiers.
Droits Humains Océan Indien est aux Comores pour officialiser la création du groupe Dis-MoiComores autour de juristes, journalistes, enseignants et acteurs de la société civile. Dis-Moi Comores débutera des cours de formation en éducation aux droits humains pour les citoyens de Mutsamudu et de Moroni dans un premier temps. Qu’en pensez-vous ?
C’est sans doute une excellente initiative et je félicite Dis-Moi. Pour vous montrer à quel point j’adhère à cette idée, je suis favorable à ce que ma mairie collabore à ce projet en offrant une salle gratuitement pour ses cours. Éduquer les citoyens à leurs droits consolidera cette démocratie naissante des Comores. Si cette expérience se passe bien, nous pourrions répéter l’expérience dans les villages les plus reculés d’Anjouan. Donc, je le répète, allez de l’avant avec votre projet et je vous donnerai tout mon soutien.
Concernant le tourisme, vous avez raison de rappeler nos atouts en matière de beauté naturelle de nos trois îles et de nos richesses humaines. D’ailleurs, les Comores sont les « îles de la lune » pour le paysage, la verdure et la mer poissonneuse. Le chiromani, mode vestimentaire de la femme comorienne, est tout aussi unique au monde.
Pour revenir à votre question, s’il est vrai que nous aurions dû amorcer un développement touristique il y a longtemps déjà, depuis la dernière décennie, nous nous retroussons les manches pour améliorer les infrastructures routières et faire décoller le tourisme.
Mais dans l’absolu vous avez raison. L’État et les politiques devraient travailler avec plus de conviction pour créer du travail et avoir une politique qui donnerait des opportunités aux jeunes. Mais nous l’avons vu, la démocratie en est à ses balbutiements aux Comores et il faut donner du temps au temps.
Entrevue réalisée par Lindley Couronne ©DéfiMedia