"Les hommes servent et dirigent l'État le temps d'un mandat. Ils s'en vont, meurent, le temps d'une vie, alors que l...
"Les hommes servent et dirigent l'État le temps d'un mandat. Ils s'en vont, meurent, le temps d'une vie, alors que l'État comorien, lui, est éternel. Il ne mourra jamais", me disait S.E. AZALI Assoumani, il y un an de cela lors d'une discussion abordant divers sujets en lien avec la structuration avec la Diaspora.
Cette affirmation qui a l'air évidente dans un premier abord, est riche de sens quand on approfondit son interprétation. En effet, les hommes politiques, quand ils viennent à diriger un Etat, ils confondent souvent LE TEMPS de LEUR VIE et LE TEMPS DE LEUR MANDAT. C'est la première leçon que le Président AZALI a tiré de ses 10 années de retrait de la vie politique nationale.
Un an après cet échange avec lui à Paris et à la veille de son investiture, je me permets de revenir sur ce dialogue pour poser quelques questions, d'abord à lui, mais aussi à qui veut bien m'accompagner dans ma quête de vérité.
Puisque la Tournante – régime qui fait fonctionner l’Etat aux Comores - impose un mandat de 5 ans, quelle approche, quel modèle économique adapté pour contribuer à résoudre les problèmes structurels dont certains comme l'éducation, la santé, le chômage massif des jeunes générations et tant d'autres nécessitent au moins 15 ans de politiques publiques ?
Comment définir, circonscrire votre apport pendant cinq ans à un problème dont la résorption durera 15 ou 20 ans ?
S.E., Prendrez vous l'initiative de démarrer un chantier dans un secteur donné sachant pertinemment que vous n'aurez pas le temps constitutionnel qui vous permet d'aller jusqu'au bout afin de crédibiliser vous même les résultats ? Ou bien vous attaquerez vous seulement des problèmes solubles l'espace de votre mandat de 5 ans puisque « vous n'êtes pas immortel » ?
Dans la mesure où nombre de nos problèmes nécessite une politique, un plan et une programmation qui transcendent un seul mandat, dois-je comprendre que vos alliances d'entre-trois-tours ont inscrit la continuité des projets de l'État que vous allez initier au delà de votre mandat ?
Même si l'économie est une science inexacte, elle nous apprend quand même certains équilibres sans lesquels le progrès est difficilement concevable.
Sous le contrôle de nos éminents économistes je pose la question, à vous et à qui veut bien me répondre. Pourrons-nous continuer à fonctionner avec autant d'agents dans les trois fonctions publiques - État , gouvernorats et communes - ?
Quel modèle économique:
Continuerons-nous à importer quasiment tout de l'essentiel de nos besoins ou allez vous initier - puisque le temps du mandat vous le permet - une économie de production locale de biens et de services ? Cette question va de pair avec une autre. Accorderez- vous une priorité pour développer un commerce extérieur offensif à même d'écouler à l'extérieur nos excédents en fruits et poissons ainsi que les produits d'une industrie agroalimentaire que vous pourrez initier le temps de votre mandat ? Quelle politique pour jeter les bases d’un secteur touristique qui, à lui seul, pourrait générer entre 20 et 40 % de notre PIB le temps de trois mandats ?
Ou bien allez-vous continuer ce modèle économique basé sur les importations des biens et des services, des technologies et des compétences étrangères?
Je parie que la réflexion que vous avez menée ces dix dernières années vous a emmené à vous demander quelles sont les priorités absolues que le temps d'un mandat de 5 ans qu'un chef État qui n'est pas immortel peut privilégier pour le pays au regard du délabrement de l'économie, du système de santé, de l'éducation nationale publique, mais aussi de la fragilité de la souveraineté nationale et de l'inactivité des jeunes générations.
Mes questions sont nombreuses mais celles qui me tiennent le plus à cœur ne sont pas seulement économiques.
Quelle nouvelle approche lancerez-vous le temps d’un mandat pour une nouvelle donne sur notre souveraineté nationale et sur nos liens avec nos compatriotes vivant sur l’île de Mayotte ?
Quels chantiers comptez-vous inscrire en priorité dans la réforme indispensable de notre administration, désormais conçue sur trois niveaux (Etat-gouvernorat-commune) ?
Enfin, puis-je espérer voir de mon vivant - puisque nous sommes tous mortels – que l’Etat s’attèle au gigantesque chantier de l’harmonisation de notre état-civil et de l’appropriation de ses données électroniques, garant de notre identité nationale et finalement outil essentiel de notre jeune démocratie ?
SAID HALIFA
PARIS, le 23 mai 2016