Aucun traitement particulier n’a été accordé aux migrants rescapés du chavirage du kwassa, au large de Petite Terre le week-end dernier. Ils...
Aucun traitement particulier n’a été accordé aux migrants rescapés du chavirage du kwassa, au large de Petite Terre le week-end dernier. Ils sont tous envoyés au CRA, dont une petite fille, livrée seule à son sort depuis 4 jours. L’avocate Marjane Ghaem tente d’agir pour aider une enfant inconsolable.
Les opérations de la gendarmerie à Petit Moya après le chavirage d’un kwassa ce dimanche (Crédits photo: I. Yahaya)
Une petite fille de trois ans et demi pleure depuis 4 jours dans le nouveau centre de rétention administrative de Mayotte. Elle s’appelle Marie, elle est née en février 2012. Et ce vendredi matin à l’aube, rien n’indique que ses larmes vont s’arrêter de couler.
Elle faisait partie de la trentaine de passagers transportés par le kwassa qui a chaviré dans la nuit de dimanche à lundi au large de Petite Terre. Lundi au petit matin, trois premiers corps sont retrouvés vers la plage de Petit Moya puis un quatrième le mardi. Des survivants du drame sont également localisés sur la terre ferme.
Alors qu’au moindre événement susceptible de marquer physiquement ou psychologiquement les victimes, des dispositifs d’accompagnement sont mis en place, dans ce cas précis, rien. Les survivants ont été amenés au centre de rétention administrative (CRA) et font l’objet d’une procédure d’éloignement du territoire français (OQTF). Ils ont certes bénéficié d’une visite médicale, la même que tous les migrants interpellés, mais d’aucune exception au fonctionnement habituel.
«Information préoccupante»
Parmi eux, la petite Marie et sa mère qui se sont donc retrouvées au CRA. Mais la maman n’y est pas restée très longtemps, elle est évacuée vers les urgences de l’hôpital de Dzaoudzi. La petite fille reste seule, sans nouvelle de sa mère, sans connaître aucun adulte dans ce centre de rétention où elle ne cesse plus de pleurer.
Problème: des nouvelles de la mère, plus personne n’en a. Elle est sortie de l’hôpital et a disparu dans la nature.
La situation de Marie a été repérée par l’association Tama qui a lancé une «Information préoccupante» auprès de l’ASE, l’aide sociale à l’enfance du conseil départemental, pour signaler cette enfant en danger.
Une tante qui peut l’héberger
Marie n’a plus de papiers d’identité sur elle, tous les documents transportés par sa mère ont été perdus en mer lors du naufrage. Mais sa tante maternelle est à Mayotte et elle s’est rendue au CRA pour tenter d’en faire sortir la petite. Elle est en mesure de l’héberger le temps de l’enquête, jouant ainsi le rôle de famille d’accueil, ce que préconise également l’ASE. Cette dame, présente de façon régulière sur le territoire, possède un acte de naissance de l’enfant et s’est présentée à plusieurs reprises au CRA. En vain.
«Cela relève de l’administratif et non du judiciaire», fait valoir en substance le parquet qui, jusqu’à hier soir, avait décidé de ne pas bouger dans cette affaire, restant sur la ligne qui consiste à attendre que les forces de l’ordre retrouvent la maman pour les éloigner toutes les deux.
Pourtant, officiellement, l’enfant peut être désormais expulsée à tout moment. Elle n’est plus rangée dans la catégorie «mineur isolé». Comme il est d’usage au CRA de Mayotte, au mépris de toutes les règles de protection et de droits des enfants, Marie a été rattachée arbitrairement à une adulte. Elle ne la connaît pas, elle ne fait pas partie de sa famille, mais c’est désormais la personne qui en est responsable légalement, comme le signale Tama dans sa note.
Expulsion à la chaîne
«On ne peut pas laisser une enfant qui a vécu l’horreur, seule, dans un centre de rétention. Mais enfin, on parle bien d’une enfant de 3 ans! On est face à un cas insupportable d’enfance en danger», s’emporte l’avocate Marjane Ghaem qui sonnait la charge hier, jeudi soir, pour tenter d’aider Marie.
Défenseur des droits, juge des enfants, tribunal administratif, elle multiplie les procédures pour interpeller les autorités sur une situation tout autant illégale qu’immorale.
Certaines sources indiquaient hier soir que Marie pourrait être libérée mais aucun signe n’est encore venu corroborer cette possibilité.
Ce matin est donc le 4e que la petite fille passe au centre de rétention de Pamandzi, manque total d’humanité d’un système qui expulse à la chaîne, en moyenne 55 personnes par jour en 2014.
Sur Petite Terre, cette semaine, un naufrage ne parvient pas à en cacher un autre.
Rémi Rozié
Le Journal de Mayotte
ACTUALISATION 9h45 : La petite Marie est sortie du CRA de Pamandzi ce vendredi matin. Sa tante a été autorisée par le Commandant du centre de rétention à prendre en charge l’enfant.
*Selon les termes du décret qui l’a institué en 2007, «l’information préoccupante est une information transmise à la cellule départementale pour alerter le président du conseil général sur la situation d’un mineur, bénéficiant ou non d’un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risquent de l’être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risquent de l’être. La finalité de cette transmission est d’évaluer la situation d’un mineur et de déterminer les actions de protection et d’aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier.»
Le Journal de Mayotte
Une petite fille de trois ans et demi pleure depuis 4 jours dans le nouveau centre de rétention administrative de Mayotte. Elle s’appelle Marie, elle est née en février 2012. Et ce vendredi matin à l’aube, rien n’indique que ses larmes vont s’arrêter de couler.
Elle faisait partie de la trentaine de passagers transportés par le kwassa qui a chaviré dans la nuit de dimanche à lundi au large de Petite Terre. Lundi au petit matin, trois premiers corps sont retrouvés vers la plage de Petit Moya puis un quatrième le mardi. Des survivants du drame sont également localisés sur la terre ferme.
Alors qu’au moindre événement susceptible de marquer physiquement ou psychologiquement les victimes, des dispositifs d’accompagnement sont mis en place, dans ce cas précis, rien. Les survivants ont été amenés au centre de rétention administrative (CRA) et font l’objet d’une procédure d’éloignement du territoire français (OQTF). Ils ont certes bénéficié d’une visite médicale, la même que tous les migrants interpellés, mais d’aucune exception au fonctionnement habituel.
«Information préoccupante»
Parmi eux, la petite Marie et sa mère qui se sont donc retrouvées au CRA. Mais la maman n’y est pas restée très longtemps, elle est évacuée vers les urgences de l’hôpital de Dzaoudzi. La petite fille reste seule, sans nouvelle de sa mère, sans connaître aucun adulte dans ce centre de rétention où elle ne cesse plus de pleurer.
Problème: des nouvelles de la mère, plus personne n’en a. Elle est sortie de l’hôpital et a disparu dans la nature.
La situation de Marie a été repérée par l’association Tama qui a lancé une «Information préoccupante» auprès de l’ASE, l’aide sociale à l’enfance du conseil départemental, pour signaler cette enfant en danger.
Une tante qui peut l’héberger
Marie n’a plus de papiers d’identité sur elle, tous les documents transportés par sa mère ont été perdus en mer lors du naufrage. Mais sa tante maternelle est à Mayotte et elle s’est rendue au CRA pour tenter d’en faire sortir la petite. Elle est en mesure de l’héberger le temps de l’enquête, jouant ainsi le rôle de famille d’accueil, ce que préconise également l’ASE. Cette dame, présente de façon régulière sur le territoire, possède un acte de naissance de l’enfant et s’est présentée à plusieurs reprises au CRA. En vain.
«Cela relève de l’administratif et non du judiciaire», fait valoir en substance le parquet qui, jusqu’à hier soir, avait décidé de ne pas bouger dans cette affaire, restant sur la ligne qui consiste à attendre que les forces de l’ordre retrouvent la maman pour les éloigner toutes les deux.
Pourtant, officiellement, l’enfant peut être désormais expulsée à tout moment. Elle n’est plus rangée dans la catégorie «mineur isolé». Comme il est d’usage au CRA de Mayotte, au mépris de toutes les règles de protection et de droits des enfants, Marie a été rattachée arbitrairement à une adulte. Elle ne la connaît pas, elle ne fait pas partie de sa famille, mais c’est désormais la personne qui en est responsable légalement, comme le signale Tama dans sa note.
Expulsion à la chaîne
«On ne peut pas laisser une enfant qui a vécu l’horreur, seule, dans un centre de rétention. Mais enfin, on parle bien d’une enfant de 3 ans! On est face à un cas insupportable d’enfance en danger», s’emporte l’avocate Marjane Ghaem qui sonnait la charge hier, jeudi soir, pour tenter d’aider Marie.
Défenseur des droits, juge des enfants, tribunal administratif, elle multiplie les procédures pour interpeller les autorités sur une situation tout autant illégale qu’immorale.
Certaines sources indiquaient hier soir que Marie pourrait être libérée mais aucun signe n’est encore venu corroborer cette possibilité.
Ce matin est donc le 4e que la petite fille passe au centre de rétention de Pamandzi, manque total d’humanité d’un système qui expulse à la chaîne, en moyenne 55 personnes par jour en 2014.
Sur Petite Terre, cette semaine, un naufrage ne parvient pas à en cacher un autre.
Rémi Rozié
Le Journal de Mayotte
ACTUALISATION 9h45 : La petite Marie est sortie du CRA de Pamandzi ce vendredi matin. Sa tante a été autorisée par le Commandant du centre de rétention à prendre en charge l’enfant.
*Selon les termes du décret qui l’a institué en 2007, «l’information préoccupante est une information transmise à la cellule départementale pour alerter le président du conseil général sur la situation d’un mineur, bénéficiant ou non d’un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risquent de l’être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risquent de l’être. La finalité de cette transmission est d’évaluer la situation d’un mineur et de déterminer les actions de protection et d’aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier.»
Titre ©habarizacomores