Le silence de Manuel Valls sur l'immigration lors de sa visite à Mayotte. Mamoudzou, Mayotte, le 12 juin 2015. Venue du premier m...
Le silence de Manuel Valls sur l'immigration lors de sa visite à Mayotte.
Mamoudzou, Mayotte, le 12 juin 2015. Venue du premier ministre Manuel Valls à Mayotte.
Pour sa première visite à Mayotte en temps que premier ministre, Manuel Valls ne devrait pas aborder la question de l'immigration (cf programme officiel). Malgré ce choix, cette thématique se retrouvera nécessairement en toile de fond de toutes les problématiques abordées tant elle impacte la société mahoraise dans son ensemble.
En effet, sur une population de 212 600 habitants (INSEE 2012), ce serait selon les sources entre un quart et un tiers des habitants de l'île qui seraient en situation irrégulière. La politique de lutte contre l'immigration illégale menée par le gouvernement a engendré l'an dernier l'éloignement d'environ 20 000 personnes, soit plus que le nombre d'éloignements forcés sur l'ensemble de la métropole la même année.
Le groupe local de Mayotte, présent sur l'île depuis 2007, intervient notamment auprès des personnes étrangères en situation irrégulière pour les aider dans leurs démarches de régularisations. Nous sommes également présents un jour par semaine au sein du centre de rétention de Pamandzi, où sont placées les personnes avant d'être expulsées, pour la plupart en moins de 24h. Nous essayons de rendre la liberté à certaines personnes en informant les autorités de certaines situations ou en accompagnant les personnes concernées au tribunal le cas échéant.
Face à de si nombreuses expulsions, nous constatons continuellement des atteintes aux droits des personnes. Pour illustrer notre propos, voici trois situations que nous avons pu constater cette semaine :
- Mme A., personne arrêtée à bord d'un Kwassa cherchant à venir à Mayotte. Au sein du centre de rétention, on lui a rattaché quatre enfants qui ne sont pas de sa famille, chacun ayant un nom de famille différent. En effet, pour contourner l'interdiction d'expulser un mineur sans son représentant légal, l'administration mahoraise rattache la plupart des 3 à 4000 mineurs interceptés en kwassa chaque année à un adulte du même bateau. De plus, alors que l'administration a l'obligation de vérifier la nature exacte des liens entre l'enfant et l'adulte ainsi que les conditions de prises en charge du mineur dans le lieu de destination pour ne pas qu'il se retrouve seul à l'arrivée, presque rien n'est fait en ce sens. De l'aveu même du commandant du centre de rétention, ces obligations ne sont pas respectées.
- Le mineur A. et sa mère Mme. M ont été arrêtés lundi matin en taxi alors qu'ils se rendaient au service de vaccination pour l'enfant. Si la filiation ici entre l'enfant et la mère ont été clairement établies, un recours en référé a été intenté contre le placement en rétention compte tenu du fait que l'enfant n'était âgé alors que de ... 22 jours et que son père est en situation régulière. Suite à ce recours rejeté sous 24h, l'enfant aura passé au final 5 jours dans ce centre jugé comme étant « indigne de la république » (CNDS 2009). Si cette procédure n'est pas illégale compte tenu du fait que la mère soit en situation irrégulière, elle reste inhumaine au regard de l'âge de l'enfant.
- M.H a été arrêté lundi 8 juin à 10h40 sur le territoire de Mayotte. Seulement deux heures plus tard, la mesure d'obligation de quitter le territoire lui a été notifiée et à 14h il était expulsé. Ce mécanisme très rapide d'expulsion ne laisse évidemment pas le temps à l'administration de prendre en compte la situation de l'intéressé, qui en l'espèce a une femme et sept enfants nés sur le territoire et scolarisés. Malgré l'expulsion, le tribunal administratif a sanctionné le préfecture pour atteinte au droit à un recours effectif et à enjoint l'administration à organiser le retour de l'intéressé à Mayotte. Malheureusement, rares sont les expulsions entachées d'illégalités qui parviennent à être présentées devant le tribunal du fait du manque de bénévoles présents au centre de rétention.
La CIMADE condamne cette politique d'expulsions dont l'importance quantitative se fait souvent au détriment des dispositions législatives et réglementaires. Le premier ministre ne peut fermer les yeux sur cette situation et doit prendre ses responsabilités face à de telles atteintes au droit.
Le groupe local de la CIMADE : mayotte@lacimade.org / 06.39.03.22.11
Titre et photo: la rédaction
HabarizaComores.com | أخبار من جزر القمر.