Salwa Mag vous révèle encore une fois une jeune femme dynamique à la tête bien faite. Originaire de Moroni, elle s'appelle Hawaa Mohame...
Salwa Mag vous révèle encore une fois une jeune femme dynamique à la tête bien faite. Originaire de Moroni, elle s'appelle Hawaa Mohamed Hassan. A 30 ans, elle a fait déjà un parcours atypique. Tantôt consultante, tantôt enseignante à l'université des Comores, Hawaa ne chôme pas. Détentrice d'un Master 2 en droit, administration publique et territoriale, Hawaa est de ceux qui sont fières aujourd'hui de l'installation des collectivités locales. Alors en poste au projet PCD comme spécialiste en développement, elle s'est battue bec et ongle pour la mise en place des communes. Des Emirats Arabes Unis à la France où elle a fait ses études, cette mère de deux enfants a acquis une grande expérience qui fait d'elle, une femme aguerrie. Cette femme qui a sans doute de beaux jours devant elle, a accepter donc de répondre à nos questions.
Interview.
1- Parle nous un peu de votre parcours
Je suis rentrée définitivement aux Comores en 2008 et j’y travaille depuis en tant qu’expert en développement. J’ai d’abord commencé comme consultante indépendante pour le commissariat à la décentralisation de l’île autonome de Ngazidja, l’ONG française Hydraulique Sans Frontières, ou aussi pour le Projet d’Appui à la Mise en Œuvre du Cadre Stratégique et d’Orientations de la Politique Nationale de l’Egalité et de l’Equité du Genre financé par le PNUD.
J’ai par la suite intégré le Programme de Coopération Décentralisée (PCD) financé par l’Union Européenne à travers le 9ième Fonds Européen de Développement, en tant que spécialiste en développement local. J’enseignais en même temps la gestion administrative et financière des collectivités territoriales à l’Université des Comores.
En outre, j’ai été recrutée comme conseillère Campus France par le Service de Coopération et d’Action Culturelle (SCAC) de l’ambassade de France auprès de l’Union des Comores. Depuis septembre 2014, je travaille en tant que socio-économiste nationale du Projet GECEAU financé par l’Agence Française de Développement (AFD).
En parallèle, je participe en tant que juriste publiciste à des séminaires et colloques internationaux sur les thématiques de sécurité, de coopération régionale, de stabilité et maintien de la paix organisés parle Centre des Etudes Stratégiques de l’Afrique (CESA) et l’Eastern African Standby Force (EASF).
2- Qu'est-ce que vous estimez être votre plus grande réalisation professionnelle?
Sans aucun doute l’enseignement. Ce fut mon expérience professionnelle la plus enrichissante. Apprendre aux étudiants de Master 1 DEAL à mieux saisir les défis, les enjeux et les perspectives de la décentralisation aux Comores a été une vraie source d’épanouissement professionnelle.
Ces jeunes étaient motivés et intéressés par les cours malgré les problèmes qu’ils rencontraient au quotidien : transports en commun irréguliers voir inexistants, absence de médiathèques, de cantines, n’en parlons pas de bourses et de logements universitaires.
3- Parlez nous un peu de votre combat professionnel?
Mon plus lourd combat professionnel a consisté à faire comprendre que le développement des Comores passera par la mise en place effective des communes. Ainsi, il a été question d’accompagner l’Etat comorien à renforcer sa politique de décentralisation et encourager les initiatives visant à soutenir le transfert effectif de compétences et de ressources aux Communes.
Grâce à une équipe d’experts internationaux et nationaux recrutés par le PCD, des études ont été réalisées sur les thématiques de la démocratie participative, la gouvernance, le genre, la mise en place d’une fiscalité locale ou encore la gestion et le traitement des déchets solides par les communes ; des projets de lois et des guides pratiques ont été proposés ; des formations ont été réalisées au profit des acteurs locaux ; des plans de développement communaux ont été rédigés ; des campagnes de sensibilisation ont également été menées.
Lorsque ont eu lieu récemment les premières élections municipales (maires et conseillers), j’avoue que même si cela a pris du temps, la satisfaction était au rendez-vous. Reste maintenant à appuyer les maires et leurs équipes dans la gestion de leurs communes afin de dynamiser la vie locale.
4- Y a-t-il des difficultés particulière d'être femme leader aux Comores?
Partant de mon expérience personnelle, je ne dirai pas qu’il y ait de difficultés majeures à l’accès au statut de leader en tant que femme, hormis en politique où en effet la participation et la représentativité des femmes dans les instances de décision demeurent faible. Le problème repose plus sur la gestion quotidienne de nos activités socio-professionnelles parce qu’il faut savoir aussi concilier sa vie de femme [très] active et celle d’épouse et/ou de mère de famille.
Etre leader, c’est avant tout travailler, s’engager et s’impliquer plus que les autres ; c’est également être amené à se déplacer souvent, à être professionnellement plus reconnu, à recevoir plus de mérites et aussi à savoir encaisser plus de coups. Et ce ne sont pas toujours des choses faciles à gérer. Mais notre position de force ne viendra de personne d’autre si ce n’est nous-mêmes. Les obstacles, les clichés, les stéréotypes et les codes de la société comorienne sont des étapes à franchir et à dépasser constamment. Certaines femmes font le choix de mettre de côté leurs passions pour éviter de subir ces contraintes qui ne sont d’ailleurs pas des moindres, et d’autres décident de suivre leur voie, parfois contre vents et marées.
5- Quel a été votre engagement en faveur de la femme?
Je suis en faveur de l’égalité de genre mais je ne me suis engagée dans aucune association féminine malgré les propositions. Le temps libre qui me reste après le travail, je le consacre à ma famille, à l’éducation de mes enfants (Ines ma fille et Noham mon fils), rendre visite à mes proches, regarder un bon film ou un reportage historique à la télévision et me reposer.
6- Quel regard portez-vous sur la femme comorienne aujourd'hui?
A chacun son avis, mais selon moi, la femme comorienne est partagée entre d’un côté ses aspirations à la modernité, sa volonté de réussite professionnelle, son désir d’affirmation personnelle et de l’autre côté son devoir de réserves et de respect des coutumes et des traditions. J’ai beaucoup d’estime pour de nombreuses femmes qui ont su s’imposer à force de courage, de persévérance, de travail et de dynamisme.
Mais je n’oublie pas non plus celles qui doivent quitter l’école parce qu’elles sont contraintes à devoir être mariée de force alors qu’elles sont encore adolescentes ; celles qui décrochent leur baccalauréat mais sont mises en arrière par leurs parents faute de moyens, pour faire privilégier l’avenir de leurs frères avant tout ; les femmes qui sont victimes d’harcèlements sexuels dans le milieu du travail ou des études ; celles victimes de violences conjugales. Pire encore, les femmes qui décèdent dans nos hôpitaux publics parce qu’elles ont essayé de donner la vie. Les inégalités existent et persistent encore dans notre société.
Mais mon regard restera avant tout positif. Ne l’oublions pas, les Comores ont été classées comme étant le 1er pays musulman où les femmes sont les mieux traitées. Je suis donc optimiste pour l’avenir.
7- Avez-vous un message à l'endroit des femmes comoriennes?
Les femmes comoriennes sont la bouffée d’oxygène de notre pays. Elles sont porteuses d’espoir. Je ne peux que les encourager, les soutenir. Et pour cela, je leur dirai : « Ayez confiance en vous, croyez en vos rêves et surtout, ne baissez jamais les bras ».