Dans un article que j’ai eu l’honneur de rédiger en 2011 pour le compte de la blogosphère et que j’avais intitulé intuitivement « Ahmed ...
Dans un article que j’ai eu l’honneur de rédiger en 2011 pour le compte de la blogosphère et que j’avais intitulé intuitivement «Ahmed Abdallah Sambi. Après moi c’est le chaos», en 2011, j’avoue sans fausse modestie que j’étais loin d’imaginer que je tenais là un titre prémonitoire et que l’avenir allait me donner raison. En vérité, j’aurai souhaité être contredit par les faits et me réjouir du contraire. Cela supposait que la succession d’Ahmed Abdallah Sambi par le Docteur Ikililou Dhoinine s’avérait un succès éclatant, éclaboussant les cinq années passées au pouvoir par son prédécesseur, et que l’actuel Président aurait été à la hauteur des attentes de notre peuple, d’une part, et d’autre part, que son gouvernement aurait été en mesure de relever les défis, en remplissant sa part du travail et qu’il parviendrait à tenir d’une main de maître la barre du pays pour l’amener à bon port. Cette tâche ne me semblait pas impossible tellement le terrain avait été déblayé et les conditions idéalement réunies à la suite de la Conférence de Doha, dont les conclusions auraient pu servir d’exceptionnelle rampe de lancement. Malheureusement, force est de constater qu’effectivement, c’est bien le chaos qui a succédé au départ de l’ex-Président issu de l’île comorienne d’Anjouan. Voilà plus de trois longues et monotones années que notre pays n’est plus gouverné, livré à lui-même, naviguant à vue, à la merci aussi bien du vent que de la houle, ballotté par les vagues, tantôt à droite, tantôt à gauche, comme un bateau ivre au milieu d’un océan déchaîné.
Il est clair comme de l’eau de roche que l’équipe gouvernementale que nous a concoctée le Président Ikililou Dhoinine est dépassé dans son ensemble par les événements et que le Président lui-même, en tant que commandent de bord, n’est pas capable de faire la différence entre une pirogue flottante à la mer et une bouée de sauvetage jetée à la mer, et que le costume présidentiel est taillé trop grand pour lui. En un mot, il y a eu erreur de casting. Le Docteur Ikililou Dhoinine a été au mauvais endroit et au mauvais moment, victime des dégâts collatéraux mais également et surtout une victime de ses ambitions démesurées et de son appétit vorace. Bref, si aujourd’hui le pays profond reste nostalgique de la présidence d’Ahmed Abdallah Sambi et si ce dernier continue d’alimenter toutes les discussions de salon et si son probable retour est dans tous les esprits, c’est tout simplement parce que l’échec du régime actuel n’est plus à démontrer, tellement il brille aux couleurs de l’arc-en-ciel. Voilà pourquoi Ahmed Abdallah Sambi continue de faire l’Histoire, car l’Histoire n’est autre chose que la légende qui a réussi à s’imposer, et les Comoriens comme tous les autres peuples, sont saisis par le syndrome du Général sauveur.
Le peuple réclame un sauveur. Cela est humain et naturel. Or, la reconnaissance des erreurs passées n’est pas forcément la garantie des succès à venir, hélas! Ahmed Abdallah Sambi est victime de sa popularité de plus en plus grandissante. Il est devenu la bête noire du régime politique en place, l’homme à abattre à tout prix et par tous les moyens, la menace la plus réelle pour son candidat et d’ailleurs, il en est autant aux yeux de tous les candidats à la candidature des prochaines élections présidentielles comoriennes. C’est tout simplement parce que son bilan à la tête de l’Union des Comores est un sujet à caution qu’il plaide en sa faveur. Son enthousiasme et sa fougue contrastent d’une manière flagrante avec l’indécision, l’amateurisme et l’improvisation qui rythment le quotidien à la tête de l’État comorien. L’homme qui devait faire partie du passé est plus que jamais celui qui incarne l’avenir du pays. De jour en jour, il prend confiance de sa force et connaissance des faiblesses de ses adversaires potentiels. Sa force réside dans le fait concret qu’il est le seul dans notre pays à disposer d’un réservoir conséquent d’électeurs potentiellement fidèles et à avoir la capacité réelle de fédérer tout son camp, voire au-delà. En effet, il a l’avantage considérable et déterminant de faire l’unanimité auprès des siens, pour lesquels son leadership ne souffre d’aucune contestation. Il est le chef historique et charismatique de son camp autour duquel toutes les forces issues de sa mouvance convergent.
Ahmed Abdallah Sambi est le seul point effectif de gravitation, un socle de fixation naturel, pendant que l’opposition est éclatée et avance en ordre dispersé, sans projet politique ni émaillage territorial, ni soutien international, ni trésor de guerre. Elle serait plutôt laminée par ses contradictions et ses divisions stériles sans fondements idéologiques, ni frontières politiques. Elle fait juste les frais du mal du siècle: «La présidentialite». C’est sur ce fond de divisions qu’Ahmed Abdallah Sambi entend surfer pour prendre tous ses adversaires de vitesse et réussir pour la troisième fois le hold-up du siècle. Ne dit-on pas que «jamais deux sans trois». Le clan Ahmed Abdallah Sambi se prépare à rafler la mise dans la perspective des élections législatives à venir et faire ainsi le grand chelem sur les trois îles indépendantes de l’Archipel. En Grande-Comore, sa chance de remporter la majorité ne fait aucun doute. En effet, il bénéficie du concours précieux et indéfectible de la notabilité et de la gent féminine, qui ont déjà choisi leur camp, et de surcroît, drainent derrière eux une grande partie de la population, qui lui est restée fidèle et lui témoigne une profonde affection, qui résulte de son paternalisme naturel.
À Anjouan, il reste le maître incontestable et incontesté. Personne n’est en mesure de lui faire de l’ombre et encore moins de le mettre en difficulté sur son île natale. Sa popularité et son aura sont restés intacts malgré les coups de boutoirs répétitifs du pouvoir en place pour tenter de l’affaiblir. À Mohéli, les jeux sont faits et rien ne va plus. C’est un carton plein qui l’attend. Pour ceux qui nourrissaient le moindre doute, la démonstration de force qu’il a réalisée lors de sa dernière visite sur l’île a réussi à faire taire toutes les interrogations et à mettre tout le monde d’accord sur sa popularité. Cette démonstration de force sur l’île natale du Président actuel fut une humiliation insupportable pour le clan présidentiel, et est la preuve indélébile si besoin est d’un rejet sans équivoque de toute la politique mise en œuvre par le régime politique actuel, qui ne suscite que déception, amertume et colère. Pour la conquête de l’île, l’ex-Président Ahmed Abdallah Sambi peut compter sur des poids lourds de tailles. C’est le cas après le ralliement de l’ex-Gouverneur Mohamed Saïd Fazul à sa cause. C’est une bonne pêche pour l’ex-Président. Il faut ajouter à cela la complicité qui le lie au Gouverneur de l’île, Mohamed Ali Saïd, et à la fidélité et à la loyauté que lui a toujours témoignées Fouad Mohadji, actuel Vice-Président. Tout cela constitue des atouts considérables sur lesquels l’ex-Président peut tranquillement s’appuyer pour une reconquête presque acquise d’une majorité absolue dans la prochaine Assemblée de l’Union des Comores.
Il y aura une majorité qui lui sera indispensable pour espérer pouvoir déverrouiller sa candidature, actuellement mise en parenthèse par une loi taillée sur mesure pour l’empêcher de concourir, alors que je pense qu’il faut plus qu’une loi scélérate pour empêcher Ahmed Abdallah Sambi d’atteindre son but. Partant de ce constat sans appel, ceux qui se sont réjouis très vite de son éviction politique par une manœuvre dilatoire du pouvoir avec la complicité d’une Assemblée incohérente et sans âme sont, à mon avis, dans une grossière erreur de jugement. Ahmed Abdallah Sambi est un animal politique, insaisissable, imprévisible et inégalable, qui dispose de surcroît de ressources physiques, mentales et psychiques inépuisables. Sa volonté et sa détermination à reconquérir le pouvoir sont permanentes. Ses motivations sont restées intactes, et pour y parvenir, il dispose d’une machine de guerre redoutable, avec son nouveau Parti Juwa. Il dispose d’une équipe de gladiateurs l’entourant et prête à en découdre, en déployant un arsenal de guerre et une puissance de feu aussi phénoménale qu’une bombe thermonucléaire.
Tous ces arguments plaident pour un retour au pouvoir probable de l’ex-homme fort originaire d’Anjouan plus vite qu’on ne l’imagine et je ne vois pas qui peut l’en empêcher, surtout pas une opposition composée de bras cassés, qui brille plus par ses rivalités internes que par une volonté ou une stratégie réelle de reconquête. Les paris sont ouverts. Faites vos jeux. Rien ne va plus. L’avenir nous le dira.
Par Kamal Abdallah
Porte-parole du Collectif pour la Défense de la Démocratie aux Comores
