Quelle signification faut-il donner à l’indépendance des Comores, 39 ans après?

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Le 6 juillet 1975, les Comores devenaient un État indépendant, mais après? Ce dimanche 6 juillet 2014, alors que les Comores célèbre...

Le 6 juillet 1975, les Comores devenaient un État indépendant, mais après?


Ce dimanche 6 juillet 2014, alors que les Comores célèbrent le 39èmeanniversaire de leur indépendance, il est nécessaire de rappeler que lors du référendum d'autodétermination du 22 décembre 1974, la question était posée pour savoirsi «les populations des Comores souhaitent choisir l'indépendance ou demeurer au sein de la République française». Plus de 95% des votants s'étaient exprimés en faveur de l'indépendance. Cependant, à Mayotte, sur 16.109 inscrits sur les listes électorales, 12.390 avaient part au vote, étant noté que 8.091 avaient rejeté l'indépendance, contre 4.299, qui étaient favorables à une évolution de Mayotte au sein de l'État comorien en gestation à l'époque. Cette situation est spécifique, dans la mesure où les autorités comoriennes de l'époque avaient commis l'erreur d'accepter la formule par trop dangereuse «les populations des Comores» au lieu de «la population des Comores», comme s'il y avait pluralité de «populations» aux Comores, alors que c'est l'unité de la «population» qui devait prévaloir. Au surplus, en ce qui concerne le traitement des résultats des élections, deux thèses françaises s'affrontaient. La première est celle exprimée le 31 janvier 1972 par Pierre Messmer, alors ministre français des DOM-TOM: «Mayotte française depuis cent trente ans peut le rester pendant autant d'années si elle désire. Les populations seront consultées dans ce but, et il sera procédé, à cette occasion, à un référendum île par île». La deuxième thèse est celle du Président Valéry Giscard d'Estaing, qui déclara au cours de la conférence de presse du 24 octobre 1974: «Est-il raisonnable d'imaginer qu'une partie de l'archipel devienne indépendante et qu'une île, quelle que soit la sympathie qu'on puisse éprouver pour ses habitants, conserve un statut différent? Je crois qu'il faut accepter les réalités contemporaines. Les Comores sont une unité, ont toujours été une unité; il est naturel que leur sort soit un sort commun, même si, en effet, certains d'entre eux pouvaient souhaiter – et ceci naturellement nous touche et bien que nous ne puissions pas, ne devions pas en tirer les conséquences – même si certains pouvaient souhaiter une autre solution. Nous n'avons pas, à l'occasion de l'indépendance d'un territoire, à proposer de briser l'unité de ce qui a toujours été l'unique archipel des Comores». Ce fut la thèse de Pierre Messmer qui prévalut, et les résultats du référendum furent envisagés île par île, au détriment des intérêts nationaux des Comores.
       
Dès lors, les Comores entrèrent dans une période d'incertitudes et de convulsions politiques à l'intérieur du territoire et dans leurs relations avec la France. À l'époque, les Comoriens étaient qualifiés de «Corses de l'océan Indien» en raison de leur agitation politique. Finalement, le 6 juillet 1975, habillé à la manière des anciens Sultans, Ahmed Abdallah, Président du Conseil de gouvernement, se rendit à la Chambre des Députés, en l'absence des parlementaires de l'opposition et de certains Députés de Mayotte, et proclama l'indépendance des Comores: les Français «nous ont considérés comme des enfants de 12 ans», «et je déclare l'indépendance immédiate et unilatérale de l'Archipel dans ses frontières coloniales, c'est-à-dire, Mayotte, Mohéli, Anjouan et Grande-Comore». De ce fait, les Comores devinrent indépendantes, mais sans Mayotte, qui choisit de rester sous le giron de la France, pendant que les Comores n'ont pas cessé de réclamer son retour en leur sein.
      
Considérant que la démarche d'Ahmed Abdallah n'était pas favorable à une réconciliation avec Mayotte, le 3 août 1975, Ali Soilihi renversa ce dernier en réalisant le coup d'État le plus facile et le plus banal du monde, avec 5 fusils de chasse aux pigeons, probablement non chargés et rouillés. Ali Soilihi, très porté sur les idées progressistes, réalisa sa Révolution jusqu'au putsch qui le renversa le 13 mai 1978. Il s'était appuyé sur la Jeunesse révolutionnaire, dont le futur crypto-sambiste, Mohamed Bacar Dossar, âgé de 20 ans en 1977 et déjà Coordinateur du Comité national populaire pouvait pérorer, toujours en 1977: «Ce qui se passe ici est tout nouveau, je crois: nous avons fait tomber le système féodal, alors que bien des pays qui se prétendent marxistes ou socialistes sont encore aux prises, dans les villages, avec le tribalisme. Nous avons également provoqué la chute de la bureaucratie, qui, ailleurs, continue souvent de détenir l'essentiel du pouvoir, alors qu'elle ne produit pratiquement rien. Et tout cela, qui paraît énorme, qui s'est passé si vite, qui a été pour nous une expérience d'une intensité incroyable, nous l'avons réalisé sans grande tension sociale, sans effusion de sang, en prenant soin chaque fois d'apprécier la situation, de réunir les atouts, d'attendre que les contradictions soient mûres et que les différentes couches de notre population se sentent prêtes à sauter le pas...»: Cité par Philippe Leymarie:Décentralisation et lutte antiféodale aux Comores. Une révolution essentiellement culturelle? Le Monde diplomatique, Paris, novembre 1977 (Archives 1954-2011).
      
Avec des moyens inexistants, Ali Soilihi mena sa grande Révolution: lutte antiféodale, mise en place de nouvelles institutions de développement autonome et autocentré, redécouverte de la fierté comorienne, décentralisation, révolution socioculturelle, chantiers économiques et sociaux, égalitarisme... Le coup d'État du 13 mai 1978 arrêta tout ce processus de développement. Pour sa part, Ahmed Abdallah (1978-1989) a créé un nouvel ordre institutionnel basé sur le fédéralisme, a donné aux institutions comoriennes une autorité inégalée et un grand prestige, a lancé un certain nombre de chantiers, mais n'a pas su gérer la donne du multipartisme. Son recours au mercenariat n'a été heureux ni pour lui-même, ni pour les autres Comoriens. Son assassinat en 1989 s'accompagna de la détérioration de l'autorité de l'État sous la présidence de Saïd Mohamed Djohar, le chantre et pionnier de la «gendrocratie» et de la confusion politique et institutionnelle. Mohamed Taki Abdoulkarim avait une carrure impériale et pouvait mettre les Comores au travail, mais ne l'a pas fait, avait promis le «Réhémani», «Le Paradis», mais n'a pas réalisé les projets qui étaient attendus du premier Comorien diplômé de l'École nationale des Ponts et Chaussées de France. Un népotisme aigu l'avait entraîné dans une spirale malheureuse et regrettable. Élu en 1996, il disparut prématurément et mystérieusement en 1998. Tadjidine Ben Saïd Massounde, qui assura l'intérim après sa mort, dès novembre 1998 fut balayé par le putsch d'Azali Assoumani en avril 1998. Azali Assoumani, pour sa part, n'a pas brillé: népotisme aggravé, circulation de fausse monnaie, toute-puissance de l'appareil militaire, incompétence, corruption, etc.
     
 Azali Assoumani céda la place à Ahmed Sambi le 26 mai 2006, laissant les Comores entre les mains d'un inconscient congénital, d'un bavard intarissable, d'un démagogue pathologique. En effet, tout dans la gouvernance d'Ahmed Sambi relève de l'étroitesse d'esprit et de vue, de l'amateurisme, de la cupidité, de l'ignorance en matière de gestion publique, de la kleptomanie et de la kleptocratie: «Citoyenneté économique», vente des Comores à Bashar Kiwan, à Albert Karaziwan et aux Syriens et Libanais qui avaient acheté la représentation des Comores à l'UNESCO, vol des 5 milliards de francs comoriens alloués par l'Arabie Saoudite pour le «Projet Habitat», échec de tous les projets qui lui ont valu son élection en 2006, dont aucun n'a été réalisé, mendicité dans les conférences internationales, ignorance totale des règles et méthodes de la gouvernance, diplomatie du tambour et du tamtam, tensions inutiles et puériles avec la France, avantages indus accordés à des personnes sans intérêt comme cela a été le cas lors de l'élection à la présidence de l'Assemblée de l'Union des Comores du Caporal Bourhane Hamidou, une nullité absolue, apparition de Madame Ahmed Sambi dans la salle du Conseil des ministres pour divaguer, contrôle du réseau pétrolier par Madame Ahmed Sambi, reconnaissance publique des détournements des deniers publics, mégalomanie, tripatouillages de la Constitution, divisionnisme pour rester indûment au pouvoir en 2010, considérant que les Mohéliens n'étaient ni instruits, ni dignes, et ne pouvaient aligner aucun candidat instruit, alors que lors de l'élection présidentielle de 2010, on enregistra la candidature de 4 Docteurs mohéliens, un record aux Comores.
      
Pour sa part, Ikililou Dhoinine a une gouvernance qui souffre de choix d'hommes qui sont très discutables et contestables. Le népotisme n'arrange rien, et il aurait été souhaitable pour lui d'éviter la grave confusion entre affaires domestiques et affaires publiques. L'État est l'État, et la famille doit rester la famille. Au surplus, Ikililou Dhoinine n'a pas réussi à prévenir et à lutter contre le fléau de la corruption, contrairement à ce qu'il avait promis. Il ne s'est pas débarrassé de corrompus notoires. Ikililou Dhoinine doit comprendre qu'«un Président décide et rassure».
      
Au total, l'indépendance des Comores est un droit inaliénable, mais les autorités comoriennes ont causé beaucoup de malheurs à leur peuple, qui vit dans un pays sans École, ni électricité, ni eau potable, ni transports sécurisés, ni nourriture à prix abordable, ni téléphonie digne de ce nom, un pays qui n'arrive toujours pas à réaliser des économies d'échelle et dont une partie de la population meurt entre le bras de mer séparant Anjouan et Mayotte (plus de 20.000 morts), fuyant un pays qui n'est ni en guerre, ni victime d'une famine. Nous avons donc raté notre indépendance car les Comores régressent de manière lamentable, alors que les Comoriens méritaient mieux.

Par ARM
© www.lemohelien.com – Dimanche 6 juillet 2014.
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