Dans les pays développés, l’affectation d’un Ambassadeur à un poste dure 3 à 4 ans Ibrahim Ahmed Kassim de Djoiezi, Mohéli, m’a fait par...
Dans les pays développés, l’affectation d’un Ambassadeur à un poste dure 3 à 4 ans
Ibrahim Ahmed Kassim de Djoiezi, Mohéli, m’a fait parvenir un article signé «F.A.», et publié sur le site comoresessentiel.wordpress.com le mercredi 23 juillet 2014, avec pour titre, «France-Comores/Diplomatie “Le remplacement de Lacoste est une sanction”». Cet article est écrit avec une réelle volonté de nuire et de salir l’image de Philippe Lacoste, Ambassadeur de France à Moroni, ainsi que celle de Mme Rabia Bekkar Lacoste, son épouse, à un moment de surenchère francophobe gratuite liée à la tentative d’organisation de la conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays membres de la Commission de l’océan Indien à Moroni. L’auteur de cet article nous apprend que «trois courtes années et puis s’en va. […]. En poste depuis 2011, Philippe Lacoste n’aura passé que trois années de mission dans l’archipel. […]. Et pourtant, à Moroni, nombreux sont ceux qui pensent que ce remplacement est en fait, “une sanction”. “Lacoste est sanctionné. Normalement, il était prévu qu’il parte en 2015. Il n’a pas à ce jour d’affectation. Il va dans un placard à moins qu’il arrive à plaider sa cause lors du passage de Hollande à Moroni”, rapporte une source bien informée sous couvert de l’anonymat». C’est quand même étrange quand, maintenant, les secrets de l’Élysée n’ont trouvé de terrain d’analyse et d’interprétation qu’à Moroni. C’est étrange de constater que les meilleurs experts des affaires politiques et diplomatiques françaises sont à Moroni. Et pourquoi employer l’expression «dans un placard»? Pour avoir travaillé sur la Diplomatie de 1988 à 2003 et de 2005 à 2013, je tiens à signaler à l’auteur de l’article en question que la durée de l’affectation d’un Ambassadeur d’un État bien organisé auprès d’un pays étranger est justement de 3 à 4 ans. Pourquoi? Parce qu’on estime que quand l’Ambassadeur passe plus de 3 ans dans une capitale étrangère, il se fait le complice d’un certain nombre d’autorités de l’État accréditaire, et son jugement s’émousse, perdant son objectivité et sa rationalité.
Il existe quelques exceptions. Au XIXème siècle, dans un contexte diplomatique de grandes rivalités entre les grandes puissances occidentales sur le Maroc, Hay John Drummond Hay avait été le Consul général britannique avec des attributions d’Ambassadeur pendant 40 ans à Tanger, la capitale diplomatique du Maroc. Naturellement, il s’agit d’une aberration. On peut citer aussi le cas du Docteur Youssef Benabbès, qui a été Ambassadeur du Maroc en France de 1972 à 1990, mais dans un contexte diplomatique très spécial, après une violente rupture des relations diplomatiques entre le Maroc et la France de 1965 à 1969. Il y a aussi le cas de Moulay Driss Alaoui, qui a été Ambassadeur du Maroc au Gabon pendant 15 ans et le chef de la mission diplomatique du Maroc en Libye, de 1989 à son départ à la retraite en 2005. Chaque fois que son départ était envisagé, Mouammar Kadhafi demandait son maintien à son poste, compte tenu de ses relations avec lui. Mais, les trois cas cités sont les exceptions qui confirment la règle.
Il n’y a donc pas de sanctions visant l’Ambassadeur Philippe Lacoste, dont la présence à Moroni n’a été à l’origine d’aucune crise entre la France et les Comores, ni d’aucun scandale. Aucun Comorien ne peut l’accuser d’écart de langage ou de comportement. Et pour comprendre l’absence de toute sanction, il suffirait à peine de récapituler la durée de la mission des divers Ambassadeurs de France accrédités aux Comores. En commençant par les plus récents, nous constatons que Christian Job a été en poste aux Comores de 2005 à 2008, soit 3 ans, exactement comme Philippe Lacoste, et à son départ, personne n’avait parlé de «sanctions». Luc Hallade a été Ambassadeur France à Moroni de 2008 à 2011, soit 3 ans comme Philippe Lacoste, et personne n’a parlé de «sanctions» à son sujet, et personne ne peut en parler puisqu’il a été accrédité à Kinshasa, Congo RDC, un poste plus important et plus prestigieux que Moroni. En remontant plus loin, depuis l’instauration des relations diplomatiques entre les Comores et la France en 1978, nous constatons que Claude Copin a été Ambassadeur de France aux Comores de 1978 à 1980, soit 2 ans, moins que Philippe Lacoste. Pierre Sarazin a été Ambassadeur de France à Moroni de 1980 à 1983, soit 3 ans comme Philippe Lacoste. Alain Deschamps a été Ambassadeur de France aux Comores de 1983 à 1987, soit 4 ans, la première exception. La deuxième exception est celle de Robert Scherrer, qui a été en poste à Moroni de 1987 à 1991. Jean-Luc Sibiude a été Ambassadeur de France aux Comores de 1991 à 1994, soit trois ans, comme Philippe Lacoste. Didier Ferrand a été en poste à Moroni de 1994 à 1996, soit 2 ans, donc moins que Philippe Lacoste. Gaston Le Paudert est la troisième exception, car ayant été le chef de la mission diplomatique française à Moroni de 1996 à 2000, soit 4 ans. Le record est battu par Jean-Pierre Lajaunie, qui a été en poste de 2000 à 2005, soit 5 ans. Ces statistiques permettent de constater objectivement que la durée normale de la présence d’un Ambassadeur de France dans une capitale est en moyenne de 3 ans. Ces statistiques sont très parlantes et n’ont pas besoin de faire l’objet d’exégèses trop longues et d’interprétations superfétatoires.
Nous savons, pour l’avoir déjà signalé, que le samedi 19 juillet 2014, le Préfet de l’Oise, sur instruction directe de François Hollande, Président de la République française, a remis à Hamada Madi Boléro la Médaille de la Légion d’Honneur, la deuxième pour un Mohélien, après celle reçue en son temps par Hadj Boinariziki (le grand-père paternel de la Première Dame des Comores), pour son comportement exemplaire et son dévouement envers la France au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Maintenant, entrons dans les arcanes de la diplomatie et posons-nous une question et une seule: qui a suggéré le nom de Hamada Madi Boléro à François Hollande? Le seul et unique Philippe Lacoste, et j’en ai eu la preuve absolue sous mes yeux, en plus du fait que je sais qu’en diplomatie, ça se passe toujours de cette manière. François Hollande n’est pas un spécialiste des affaires comoriennes et de Hamada Madi Boléro. Il ne prend pas de décisions sur les Comores sans consulter le chef de la mission diplomatique française aux Comores. C’est ainsi. Alors, il faudra maintenant qu’on nous explique pourquoi un Ambassadeur qui serait en «disgrâce» serait écouté par son Président, surtout dans le domaine hautement sensible des décorations? Qu’on nous l’explique. Donc, la théorie de la «sanction» ne tient pas la route.
Nous voilà arrivés à Mme Rabia Bekkar Lacoste, présentée par les détracteurs comme une femme «au comportement insupportable», «la Présidente bis» de l’Université des Comores, qui «a humilié bon nombre d’enseignants comoriens», que beaucoup de Comoriens et de Français ont alerté la France sur le danger représenté par cette femme, qui serait à l’origine du renvoi de son époux. Eh bien! Moi, je connais un Ambassadeur dont l’épouse s’est bagarrée en présence d’étrangers au cours d’une cérémonie culturelle à l’étranger avec la femme du ministre des Affaires étrangères de son pays et qui a pris du galon, en devenant ministre. Cela étant, arrêtons de traiter les affaires touchant la France comme s’il s’agissait de nos histoires domestiques de manioc et de banane à la noix de coco. J’ai en ma possession 4 documents signés en septembre 2013 de la main d’un enseignant-chercheur comorien de l’Université des Comores connu pour sa compétence et son professionnalisme qui devait aller préparer en France une Habilitation à diriger les Recherches (HDR) et qui dit justement que c’est Mme Rabia Bekkar Lacoste qui a tout fait pour l’aider et que le blocage est venu d’une personnalité comorienne très influente au sein de cette Université. Et puis, strictement entre nous: une Ambassadrice qui refuse de se cantonner à ses obligations protocolaires pour s’investir à l’Université, ça ne court pas les rues. L’Ambassadrice (c’est ainsi qu’on appelle l’épouse de l’Ambassadeur) n’a pas besoin d’aller se chamailler avec les enseignants à l’Université des Comores pour gagner sa vie.
Ce faisant, il ne serait pas mauvais que nous autres Comoriens arrêtions nos fantasmes pavloviens quand il s’agit de la France. Il serait salutaire de reconnaître qu’on n’a pas besoin d’être un horrible «vendu» pour défendre la personnalité et l’honorabilité d’un diplomate français en poste aux Comores.
Par ARM