Irchad Abdallah : Bonjour Maitre Mafoua Badinga. Je rappelle que vous êtes l’avocat de M. Mahamoud Abdallah, de M. Joris Nkombé et de M. Al...
Irchad Abdallah : Bonjour Maitre Mafoua Badinga. Je rappelle que vous êtes l’avocat de M. Mahamoud Abdallah, de M. Joris Nkombé et de M. Alamine Mustapha, tous les 3 sont detenus aux Comores, accusés de tentative de coup d’Etat, d’atteinte à la sureté de l’Etat et de tentative d’assassinat du président Ikikilou et de son chef d’Etat-major.
Maitre Mafoua Badinga : Bonjour monsieur Irchad Abdallah
Maitre Mafoua Badinga : Bonjour monsieur Irchad Abdallah
- 1- Irchad Abdallah : Cher maitre, comment, en tant qu'avocat, êtes-vous en mesure d'assurer la défense de prévenus, bien que présumés innocents, dans une procédure la plus complexe qui puisse exister, notamment celle dont la principale charge retenue est l'atteinte à la sureté de l'Etat, tout en vous trouvant à 9.000km de la maison d'arrêts?
- 1- Maitre Mafoua Badinga : Ma présence sur place n’est pas nécessaire. Avec internet, je peux prendre un acte et l’envoyer dès demain. J’ai le mail du juge d’instruction, je peux via ce canal lui demander des actes. Sachez qu’en matière de procès, c’est une relation. Vous avez le juge d’un coté, vous avez l’avocat et le commissaire du gouvernement. C’est un échange en quelque sorte, or en ce moment, je peux vous dire qu’actuellement cet échange ne se fait pas sous de bonnes conditions. Les droits de la défense sont bafoués aux Comores. Tous les actes, toutes les demandes de pièces et même toutes les demandes de mise en liberté ont été rejetées sans argumentations
- Irchad Abdallah : Sans motivations ?
- Me Mafoua Badinga : Sans argumentations ! Il peut y avoir motivations mais elles doivent être bien argumentées ! Sachez qu’en matière de droit, il y’a la réitération des faits, le risque de réitération, le risque de concertation, tout doit être fait pour éviter que les personnes mises en cause s’échappent.Je vais vous faire une révélation. On avait même proposé à Joris Nkombé de s’évader. Lorsqu’il m’a fait part de ce projet, je lui ai tout de suite dit, non pas question! Ca va être un motif pour t’abattre et ils diront, voilà il a voulu faire un coup d’Etat, c’est pour cela qu’il voulait s’évader. Ils lui ont ensuite proposé des voitures, de le corrompre pour qu’il maintienne sa position.
- Irchad Abdallah : Mais qui lui a proposé tout cela? Avez-vous des noms?
- Me Mafoua Badinga : Je vous donne une information, et c’est d’après ce que m’a dit mon client, à moi son avocat, qu’il a eu cet appel du pied parce que le gouvernement, les autorités comoriennes cherchent à tout prix à crédibiliser l’idée d’un coup d’Etat. Donc il faut que ce soit Joris Nkombé qui le dise. Je peux même vous dire qu’il y’a eu comme une tentative de le soudoyer. ..............
- 2- Irchad Abdallah: La dimension psychologique est aussi importante sinon plus importante que la personne elle-même dans pareille situation. Comment entendez-vous être efficace dans le suivi même de la procédure au quotidien? Depuis l’incarcération de vos clients aux Comores, ils ont été interrogés à plusieurs reprises par le magistrat instructeur comorien. Etant à Paris, êtes-vous informés de ces interrogatoires, avez-vous accès aux dossiers de vos clients et êtes-vous en contact avec des confrères comoriens qui représentent vos clients sur place.
- 2- Me Mafoua Badinga : Je ne suis pas le seul avocat dans cette affaire. J’ai des confrères sur place. Ma part de contribution a été de comprendre ce dossier de fond en comble. Notez que j’ai effectué deux voyages aux Comores, je l’ai vu le dossier. La distance avec les moyens de communication actuels ne pose pas de problème. On échange. À chaque fois que mon confrère Maitre Atiki, avec lequel nous sommes avocats de Joris Nkombé intente une action, il m’en réfère, je lui fais un retour en lui donnant mes idées. Je vous assure que nous travaillons en synergie. Mes confrères sont informés de toutes les déclarations dont je serai emmené à vous faire part aujourd’hui parce que je suis comme leur porte parole en Europe. Ils sont sur le terrain, ils se battent pour que la vérité éclate malgré les moyens limités à leurs dispositions. Le jour où il faudra bâtir une stratégie de plaidoirie, je serai bien évidemment sur place.
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- 3- Maitre, je veux bien me faire l'avocat des prévenus, mais, admettons qu'il n y'ait aucun élément moral dans ce dossier, "j'entends par là, la résolution, la concertation, la préméditation ou même l'intention", et que tout ceci ne soit qu'un montage, un complot ou in-fine une macabre mise en scène. Selon vous, à qui profiterait le crime?
- 3-Me Mafoua Badinga : Toute la question réside à ce niveau. Vous connaissez les Comores mieux que moi. On a parlé du fameux Boléro qui est, je crois, directeur de cabinet à la présidence et en charge de la défense. On n’oublie pas que le mandat du président Ikililou s’achève dans moins de 2 ans, sans aucune réalisation visible. Selon mon hypothèse, au niveau des autorités comoriennes, tout le monde savait que le président de la république devait voyager, il fallait donc absolument faire capoter ce voyage. Il y’a donc eu une manipulation à la base, et ce sont des éléments issus de l’enquête. On nous a parlé de plusieurs choses, on nous a parlé d’un fameux hélicoptère qui a soi-disant exfiltré un agent franco-comorien. Ces éléments là, vous ne trouverez aucune photo ! Les enquêteurs, avancent des hypothèses sans jamais apporter le moindre début de preuves. Je peux même vous dire que parmi les enquêteurs, il y’a des personnes qui étaient dans une histoire de trafic d’armes. Ce sont des éléments que nous allons verser dans le dossier pour démontrer que tout cela est une grosse machination au sein du pouvoir. Il y’a un problème de règlements de comptes entres eux, ils ont saisi cet alibi pour mettre en prison des personnes qui n’ont rien à voir avec la politique aux Comores.
- Irchad Abdallah : Donc, maitre, vous pouvez nous dire que le dossier est strictement vide ? Quand je dis dossier vide, cela signifie que le dossier d’accusation ne contient pas d’éléments matériels pouvant caractériser ne serait-ce qu’un début de preuve.
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Me Mafoua Badinga : En droit, il faut qu’il y’ait des indices concordants faisant présumer ou tendant à faire présumer qu’une infraction allait se réaliser. Quand on parle d’atteinte à la sureté de l’Etat, c’est une notion juridique qui a un sens. Quand on parle de coup d’Etat et tentative d’assassinat, cela nécessite une certaine organisation pour faire un guet-apens et il n’en est rien dans ce dossier.
Je vais vous raconter une anecdote. Lors de mon dernier voyage aux Comores, je me suis rendu dans la propriété de M. Babataye, située sur la route de l’aéroport. Et le hasard a fait qu’à ce moment là, le président Ikililou allait voyager. Ils ont placé des militaires sans armes, tous les 500m le long de la voie sous un soleil de plomb! Franchement, un commando bien organisé aurait-il peur de ça ? Ce n’est pas parce que la maison de M. Babataye se situe sur l’axe menant à l’aéroport que c’est là que mes clients allaient attendre pour passer à l’acte. Je vous le dis, des vrais professionnels ne feraient pas ça ! - ..........................
- 4- Irchad Abdallah : Alors comment expliquez-vous que deux de vos clients (NDLR Alamine Mustapha un tchadien et Joris Nkombé un congolais) se soient trouvés à un moment précis, avec des personnes précises, dans une posture précise, à un lieu précis à l'autre bout du monde. Est-ce un pur hasard?
- 4-Me Mafoua Badinga:
Il n’y pas de hasard. Joris Nkombé a connu Mahamoud Abdallah en prison
et non à l’extérieur. Ils n’avaient aucun contact. Quand mon client a
été arrêté il était 16H00, il avait rendez-vous avec un commissaire de
police qui devait lui permettre de rencontrer le ministre de
l’intérieur le lendemain pour lui solliciter des agréments pour son
business. Il voulait avoir un marché de riz. Et l’autre (Alamine
Mustapha) qui effectivement connaît Patrick Klein a accompagné Joris
Nkombé, c’est tout. Mais je peux vous assurer qu’il n’y avait pas
concertation.
Imaginons que l’hypothèse était sérieuse. Mais ils auraient du les arrêter depuis longtemps ! Mon client, Alamine Mustapha a été arrêté à la sortie de la mosquée. Il revenait de la prière. Soyons sérieux ! Des gens qui seraient en phase de faire un coup d’Etat, qui traine des jours sans être inquiétés et qu’on arrête par des simples circonstances ... des circonstances purement hasardeuse. - Irchad Abdallah : Vous venez de citer le nom de Patrick Klein. Permettez moi une question complémentaire maitre. Parlez-nous de la commission rogatoire émise par le magistrat instructeur comorien qui aurait abouti ces derniers jours à l’ouverture d’une enquête préliminaire et d’information judiciaire auprès du parquet de Paris.
Me Mafoua Badinga: Ce dossier là, je ne le maitrise pas. Je ne suis pas l’avocat de Patrick Klein. Sachez que la commission rogatoire, c’est en quelque sorte une plainte contre X. Moi j’ai appris l’existence de cette procédure à travers la compagne de Joris Nkombé. Au départ, je pensais que c’était en relation avec la procédure lancée aux Comores et j’ai finalement compris que c’était une association qui aurait eu à déposer plainte et malheureusement, ce dont je peux présager, cette plainte n’aboutira nulle part. Si cette association a droit à agir, elle n’a pas intérêt à le faire, à agir car elle n’a pas été habilitée à défendre les intérêts de l’Etat comorien.
Irchad Abdallah : Est-ce l’association présidée par Me Larifou dont il s’agit ici ?- Me Mafoua Badinga : Je ne sais pas. Je rapporte des éléments qu’on m’a communiqués ici et là. Donc, je peux vous dire qu’aujourd’hui il y a pas peut être l’ouverture d’une information judiciaire, mais il n’y pas de juge d’instruction désigné.
- Irchad Abdallah : Donc, vous pouvez nous assurer que de bout en bout, nous sommes en présence d’une grosse machination, que ce dossier est vide ?
- Me Mafoua Badinga :
Mon propos est encore plus fort. C’est un dossier mort-né ! Ce dossier
ne devait même pas exister. Dès les premiers jours, on devait
constater que ce dossier là n’existe pas, qu’ils se sont trompés en
empruntant une mauvaise piste. Aujourd’hui, nous avons des familles
moralement, physiquement et matériellement dévastées. Ces personnes
incarcérées ne devraient pas se trouver là.
Nous avocats, demandons la clôture immédiate du dossier. Nous avons formulé plusieurs demandes de mise en liberté qui n’ont pas abouti. Donc, nous sommes face à une situation où nous pouvons rien faire. La justice comorienne fonctionne très mal. Je vais vous dire un élément révélateur ; mon confrère Akiti a eu une petite altercation avec un juge, il a été mis en dépôt alors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions. Un avocat ne peut pas être placé en mandat de dépôt tant que l’ordre des avocats n’a pas statué et levé une sorte d’immunité or aux Comores, c’est possible de le faire subir à un avocat. À l’allure où les choses vont, si le gouvernement comorien ne se décide pas vite, je pense qu’il y’aura beaucoup d’échos, parce que je peux éventuellement être emmené à déposer plainte contre le gouvernement pour torture de mon client. Je vous le dis, M. Joris Nkombé a été bel et bien torturé. Il faut que ces personnes soient libérées le plus vite possible. Nous sommes à même de donner des garanties que nos clients resteront aux Comores jusqu’à l’ouverture de leur procès. On ne doit éternellement les maintenir en détention. - Irchad Abdallah : Je vous remercie maitre, d’avoir accepté de répondre à mes questions.
- Maitre Mafoua Badinga : C’est moi qui vous remercie et publiez tout ..
Par Irchad Abdallah