Les manières cavalières d’Ikililou Dhoinine agacent même ses amis. Après la publication par votre site de l’article « Harmonisation des é...
Les manières cavalières d’Ikililou Dhoinine agacent même ses amis.
Après la publication par votre site de l’article «Harmonisation des élections: Ikililou Dhoinine a tort de ne pas avoir raison», un des membres de la Cour constitutionnelle des Comores me contacta et me dit: «J’ai lu ton article. Tu as raison de te mettre en colère et de nous accuser de tous les maux de la terre. Nous aussi, à la Cour constitutionnelle, sommes également en colère contre le chef de l’État car il nous a couillonnés. Il a bafoué notre dignité et celle de l’institution dont nous avons la charge, avec tout le magistère juridique et moral qu’elle représente. Dès que Maître Saïd Larifou, Président du RIDJA, a commencé à manifester sa colère publiquement par son interview au tempérament volcanique, a saisi le chef de l’État et nous a adressé ses requêtes, le sol s’est mis à se dérober sous nos pieds car toute sa démarche est juridiquement fondée. Pour autant, nous n’avons pas eu le courage de nous désolidariser du Président de la République, qui a été tellement maladroit qu’il n’a même pas jugé utile d’ouvrir un débat immédiatement avec la classe politique, à un moment où, l’autre poids lourd politique qu’est Houmed Msaïdié a exigé un référendum sur l’harmonisation des élections et les amendements constitutionnels qui vont avec. Moralité, si l’on peut dire, aujourd’hui, la Cour constitutionnelle est devenue la risée de tous les Comoriens, car il n’est même pas compliqué de comprendre qu’elle s’est défaussée».
Très en colère, le Conseiller à la Cour constitutionnelle reste irrésistible, à la manière d’une chaudière russe qui a mis du temps à s’allumer, mais qu’on n’arrive plus à éteindre: «Une fois de plus, les Comoriens découvrent que leur pays est dirigé par une bande d’amis croyant être en train de festoyer alors qu’il s’agit des affaires de l’État, qui exigent plus de discernement et de maturité. De quoi avons-nous l’air aujourd’hui? Nous avons perdu la face devant tout le monde, et chaque fois que nous devons regarder les Comoriens en face, nous devons nous rappeler notre lâcheté, celle d’avoir refusé de faire le travail pour lequel nous avons été nommés à une importante fonction étatique de gardiens du temple de la Constitution. Si nous étions des gens sérieux, nous aurions démissionné collectivement. Qu’est-ce qui a poussé le Président de la République à se lancer dans cette aventure stupide, en faisant un passage en force, sans réunir les leaders de l’opposition? Pour tout dire, si le chef de l’État avait été plus politique et moins narcissique et arrogant, il aurait pu nous épargner une couillonnade pareille, en discutant avec tout le monde. Finalement, il va se draper dans ses habits de chef de l’État, en nous ridiculisant et en se ridiculisant, car ce qu’il a fait en dit long sur son incompétence et sur son incapacité à comprendre la nature, les enjeux et la lourdeur de sa charge. Cet homme-là, malgré sa pondération et son calme, est indigne de diriger les Comores. Arrange-toi pour que mon opinion soit portée à la connaissance du peuple comorien. Ça ne nous fera pas excuser pour notre manque de courage, mais au moins, on devra savoir que nous ne sommes pas du tout contents d’être le dindon de la farce. Tu sauras faire en sorte qu’on ne sache pas que c’est moi qui raconte tout cela. Comme les autres membres de la Cour constitutionnelle, je ne suis pas à l’abri d’un acte de vengeance de la part d’un Président de la République très vindicatif. Pour le reste, il faudra voir si Dieu et le peuple comorien excuseront notre couardise».
Il a fallu expliquer au Conseiller à la Cour constitutionnelle que sa déclaration sous couvert de l’anonymat constitue un minimum, mais qu’une prise de position publique aurait mis définitivement les institutions publiques comoriennes à l’abri des manipulations du chef de l’État. Ici, un membre de la Cour constitutionnelle exprime une colère froide à l’égard du chef de l’État, mais n’ose pas élever la voix de manière officielle et en public. La peur des représailles. Or, si la Cour avait fait correctement son travail, en dénonçant les agissements du chef de l’État, le geste aurait signé la transformation des Comores en État de Droit. Mais, les membres de la Cour constitutionnelle ont manqué de courage. Ils n’ont même pas cherché à défendre l’honneur de l’institution dont ils ont la charge, en demandant le report de la réunion des Conseillers des îles jusqu’à ce que les questions de Droit soulevées par Maître Saïd Larifou et Houmed Msaïdié soient examinées par la Cour. La Cour a été muette, au détriment de sa propre crédibilité, qui est dans les talons aujourd’hui. La Cour constitutionnelle n’a rien fait pour chercher à laver son honneur devant les Comoriens, et cet honneur est dans les talons de ses membres. Malgré l’inexistence d’un capital culturel chez la plupart des membres de l’institution, ces derniers comprennent qu’ils ont cessé d’être utiles et crédibles aux yeux des Comoriens à la minute même où ils ont manifesté une volonté de se complaire dans le déni de justice au lieu de se soucier des intérêts des Comoriens.
En tout état de cause, pour des raisons déontologiques, je suis dans l’obligation de respecter la demande d’anonymat faite par le Conseiller à la Cour constitutionnelle, même si j’estime que la mention de son nom aurait produit un électrochoc salutaire. Le métier de la communication et de l’information a ses exigences et ses règles professionnelles et morales. Je dois les respecter, même en privant les Comoriens et les chancelleries de certaines informations capitales sur les acteurs politiques comoriens.
Par ARM
© www.lemohelien.com – Lundi 3 mars 2014.