Pascal Simbakwanga endosse depuis le 4 février dernier un rôle sans doute plus grand que lui : il comparaît devant la Cour d’Asisses de Pa...
Pascal Simbakwanga endosse depuis le 4 février dernier un rôle sans doute plus grand que lui : il comparaît devant la Cour d’Asisses de Paris, deux mois avant la commémoration du vingtième anniversaire du génocide des Tutsis, ce qui représente le premier procès intenté en France à des personnalités accusées de crime de génocide. Fortement médiatisé, ce procès est l’occasion de rappeler à l’opinion française dans quelles circonstances, avec quelles méthodes et avec quelles complicités furent organisés les massacres qui emportèrent plus de 800.000 Tutsis ainsi que des Hutus qui s’opposaient aux tueries ou représentaient l’opposition.
Lorsque, le 28 octobre 2008, la police de Mayotte, découvrit un trafic de faux papiers, elle était loin de se douter de l’importance de sa prise : celui qui se faisait alors appeler Safari Senyamuhura, un homme qui se déplaçait en chaise roulante, était seulement accusé de fabriquer des faux passeports. Il avait réussi à vendre 3000 documents contrefaits, pour le prix de 100 euros, et, récidiviste, il finit par attirer l’attention du juge Marc Brisset-Foulcault, qui commença à s’intéresser de plus près à son étrange « client ».
Il apparut assez rapidement que « Safari » n’était qu’un nom d’emprunt et le trafic de passeports une lucrative couverture pour un homme recherché tant par la justice rwandaise que par le Tribunal pénal international pour le Rwanda. La police apprend alors que l’ homme d’apparence chétive, hémiplégique à la suite d’un accident de voiture et qui jure de son innocence, n’est autre que le capitaine Pascal Simbikwanga, un homme qui appartient à la « première catégorie » des personnes accusées non seulement d’avoir exécuté le génocide mais d’avoir contribué à sa préparation.
Le Rwanda ne parvenant pas à obtenir l’extradition du militaire, un ancien membre de l’Akazu (littéralement « petite maison », terme qui désignait l’entourage du président Habyarimana) l’homme est initialement mis en examen et incarcéré à la Réunion. Persuadé de la gravité des faits qui sont reprochés au détenu, le juge Brisset-Foulcault réussit à faire transférer à Paris le détenu qui semble être également l’un des maillons d’une chaîne amenant des Rwandais réfugiés en Afrique de l’Est à pouvoir se réfugier sous les cieux plus cléments de Mayotte, territoire français. Trois mille faux passeports ont ainsi été mis en circulation…
A Paris, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda, une association de pointe dans la traque des génocidaires, entre alors en action, dépose plainte au nom des victimes et Simbikwanga est transféré à Fresnes. La justice française, qui a compétence pour juger les génocidaires se trouvant sur son sol et qui s’est dotée à Paris d’un « pôle génocide » mène alors l’ enquête, se fondant sur l’acte d’accusation dressé à Kigali par le ministère public et sur ses propres recherches, auditionnant, au Rwanda même, une centaine de témoins.
Un dossier de plus de 7000 pages soutiendra le procès en Cour d’Assisse qui devrait durer deux mois. Les jurés seront confrontés à un homme qui était chef des renseignements militaires et de la criminologie à la présidence rwandaise. Il est accusé d’avoir contribué au génocide en mettant en place les milices Interhahamwe sous couvert de défense civile, de leur avoir distribué des armes et organisé des réunions avec les autorité locales en vue d’organiser la dissémination des armes et d’avoir mené un travail de propagande destiné à inciter la population à tuer les Tutsis.
Alors que des procès de génocidaires ont déjà eu lieu en Allemagne, en Suède, aux Pays Bas et surtout, à quatre reprises, en Belgique, c’est la première fois que l’opinion française sera confrontée à la relation directe des crimes commis en 1994 au Rwanda par un pouvoir auquel Paris avait, à l’époque, donné des conseils et livré des armes.
Durant les premières audiences, Simbikangwa, surtout confronté à des témoins de contexte” a volontairement minimisé son rôle, assurant qu’au moment du génocide il avait été écarté de toute fonction de responsabilité et il a utilisé son handicap pour démontrer son inactivité.
A tout moment, l’humilité, le profil bas de ce “tortionnaire de bureau” sont cependant démentis, peut-être à son insu, par la subtilité de son raisonnement, par l’habileté avec laquelle il détourne les questions et surtout par un naturel qui soudain resurgit lorsqu’il apostrophe l’avocat général et se permet, à son tour et en dépit de sa position, de poser des questions… Tout cela sous le regard attentif et quelquefois médusé des jurés…
Lu sur blog.lesoir.be