Aux îles Comores, la liberté de plume existe bel et bien. Mais pour pouvoir s'en servir à volonté, il convient de travailler dans la pre...
Aux îles Comores, la liberté de plume existe bel et bien. Mais pour pouvoir s'en servir à volonté, il convient de travailler dans la presse privée. C'est le ministre comorien de l'Intérieur et de l'Information, Hamada Abdallah, qui le dit. C'était mardi, au cours d'un point de presse : «La liberté d'expression dans les médias d'Etat a des limites et pour retrouver toute sa liberté, il faut désormais quitter le navire d'Etat. Nous ne sommes pas payés pour semer le désordre. D'ailleurs nous ne dérangeons pas les journalistes du privé ».
Hamada Abdallah, ministre comorien de l'Information
© S.M./Malango.Les destinataires en l'occurrence de cette mise en garde, ce sont les journalistes d'Al-watwan, le seul journal comorien subventionné par l'Etat. Car, il est vrai, leur liberté de ton croit de jour en jour. Au point de révéler au grand jour, dans le numéro 14 d'Al-watwan Magazine, leur mensuel, la gestion maffieuse des finances publiques par les régimes successifs. « Finances Publiques : entre absence de vision, désordre, gabegie et…indécence », titrait en une le magazine.
La mise en garde du ministre n'a pas été seulement verbale. Elle a été précédée d'actes. En effet, quelques heures avant la tenue du point de presse qui devait justifier les agissements de l'autorité, le directeur de publication du journal recevait sa note de suspension, et l'édition maudite était retirée des kiosques sur ordre du secrétaire général du ministère, "pour des raisons d'Etat".
Celui dont la mission est de veiller à ce que le quatrième pouvoir joue efficacement son rôle, est également l'auteur de ces propos ahurissants : « Un journaliste d'Etat qui ne veut pas écrire ce qui est bon pour le gouvernement doit avoir le courage et
l'honnêteté intellectuelle d'aller travailler ailleurs. Le gouvernement n'a pas de leçon à recevoir dans la gestion de l'Economie et des affaires de l'Etat par les journalistes d'Al- Watwan ». Remarque importante : en aucun moment l'autorité n'a nié les faits de malversations financières révélés dans le média.
Il y a cependant une chose qui pourrait être retournée au ministre. Si, comme il dit, « un journaliste d'Etat qui ne veut pas écrire ce qui est bon pour le gouvernement doit avoir le courage et l'honnêteté intellectuelle d'aller travailler ailleurs », la même sentence peut très bien lui être appliquée en ces termes : un ministre d'Etat qui ne veut pas suivre les directives du président de la République doit avoir le courage de céder sa place à un autre citoyen. Car, à propos de liberté de la presse, Ikililou Dhoinine, le chef de l'Etat comorien, a été formel dans un de ses discours du nouvel an : « Vous avez en effet, au-delà de votre devoir d'informer et d'éduquer les citoyens, celui d'éclairer les autorités par la rigueur de vos investigations, la profondeur de vos commentaires, et l'objectivité de vos analyses de l'information ». A moins que ce fut, là encore, de simples paroles en l'air.
Par Moussa Sardou
Source : malango actualité
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