LE DÉTROIT D'ORMUZ Par Robin Pomeroy. TEHERAN (Reuters) - L'Iran a alimenté vendredi la tensi...
LE DÉTROIT D'ORMUZ |
Par Robin Pomeroy.
TEHERAN (Reuters) - L'Iran a alimenté vendredi la tension croissante avec les pays occidentaux en annonçant la tenue de nouvelles manoeuvres navales dans les parages immédiats du détroit d'Ormuz, principale voie maritime du commerce pétrolier dans le monde.
L'Iran, que les Etats-Unis et l'Union européenne tentent d'étrangler financièrement en frappant son secteur pétrolier, a achevé lundi dix jours de manoeuvres dans le Golfe, mer que le détroit d'Ormuz permet de quitter pour gagner l'océan Indien.
L'amiral Ali Fadavi, chef des forces navales du corps des Gardiens de la révolution, a déclaré vendredi que de nouveaux exercices en mer auraient lieu en février.
Ils concerneront cette fois directement le détroit d'Ormuz, goulet par lequel s'écoulent quasiment toutes les exportations de pétrole en provenance de la région.
"Aujourd'hui, la République islamique d'Iran domine totalement la région et y contrôle la totalité des mouvements", a déclaré l'amiral Fadavi, cité par l'agence de presse Fars.
Fin décembre, les autorités iraniennes ont laissé planer la menace d'une fermeture du détroit d'Ormuz en cas de nouvelles sanctions susceptibles de nuire à leurs exportations de pétrole. Puis mardi, elles ont menacé de prendre des mesures en cas de retour dans les eaux du Golfe d'un porte-avions américain.
Les Etats-Unis, qui disposent dans le Golfe d'une flotte nettement supérieure en capacités aux forces maritimes iraniennes, ont prévenu qu'ils se portaient garants du trafic dans les eaux internationales du détroit d'Ormuz. La Grande-Bretagne a pour sa part assuré jeudi que toute tentative de bloquer le détroit serait illégale et vouée à l'échec.
De nombreux pays, dont la France, participent à une force internationale de protection des navires dans le Golfe.
EMBARGO
Le président Barack Obama a promulgué le 31 décembre une loi visant à compliquer fortement les achats de pétrole iranien par des pays tiers. Il s'agit notamment d'interdire l'accès au système financier américain à toute entreprise impliquée dans des transactions avec la Banque centrale d'Iran.
Les 27 pays de l'Union européenne, qui importent un demi-million de barils iraniens par jour, ont pour leur part conclu un accord de principe, probablement entériné fin janvier, sur un embargo sur le pétrole iranien.
D'après les négociants, l'Iran devrait être en mesure de trouver des acheteurs, au moins à court terme, pour les 2,6 millions de barils qu'il exporte chaque jour. Cependant, il va certainement lui falloir consentir d'importants rabais susceptibles d'aggraver ses difficultés économiques.
Les autorités iraniennes assurent que les sanctions occidentales n'ont qu'un effet très limité. Pourtant, la monnaie iranienne, le rial, chute, les prix montent et des files d'attente se forment devant les banques, dont les clients souhaitent convertir leur épargne en dollars.
Ces difficultés interviennent deux mois avant des élections législatives qui seront le premier scrutin depuis la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence en juin 2009. La victoire du chef de l'Etat sortant avait été suivie d'importantes manifestations de l'opposition vigoureusement réprimées par le régime.
Les Etats-Unis et l'Union européenne accusent l'Iran de chercher à se doter d'un arsenal nucléaire sous le couvert d'un programme civil. La République islamique assure que ses activités d'enrichissement d'uranium visent uniquement à produire de l'électricité.
LES COURS DU PÉTROLE EN HAUSSE
Après plusieurs trains de sanctions sans grand effet sur la République islamique, Américains et Européens ont décidé depuis novembre de frapper le secteur pétrolier, qui représente 60% de l'économie iranienne.
Les pays européens débattent encore du délai avant la mise en oeuvre effective d'un embargo sur le pétrole iranien, France et Allemagne, notamment, souhaitant une application d'ici trois mois. La Grèce, en pleine récession, réclame un répit d'un an.
Soucieux aussi d'éviter un choc pétrolier susceptible d'enrayer la fragile reprise économique aux Etats-Unis, Barack Obama peut accorder des dérogations provisoires aux pays alliés souhaitant continuer à acquérir du pétrole iranien.
Ces derniers doivent cependant prouver qu'ils réduisent leurs relations commerciales avec la République islamique. Cette mesure concerne notamment la Turquie et le Japon, qui comptent parmi les principaux clients de l'Iran.
L'Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole et grand rival régional de l'Iran, affirme qu'elle comblera toute baisse des approvisionnements. Le cours du Brent a grimpé de sept dollars, à 113 dollars le baril vendredi, depuis la décision d'Obama le 31 décembre.
La Chine, pour sa part, a prévu de réduire de plus de moitié ses importations de pétrole iranien en janvier et février, à environ 250.000 barils par jour, tout en exigeant un rabais de la part de la République islamique.
Négociants comme analystes jugent peu probable un blocage du détroit d'Ormuz par l'Iran.
"On connaît la chanson", dit Cliff Kupchan, spécialiste de l'Iran au cabinet de consultants Eurasia Group. "Aucun des deux camps ne veut la guerre. C'est une rhétorique essentiellement exagérée."
Malgré ce climat de tensions, les pays occidentaux et l'Iran ont ainsi exprimé le souhait de reprendre les négociations sur le programme nucléaire iranien, suspendues depuis plus d'un an.
Grégory Schwartz et Bertrand Boucey pour le service français, édité par Gilles Trequesser
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