Apaiser pour des Assises nationales fécondes
Le pays est incontestablement entré dans une zone de turbulences !
Situation confuse lourde de danger sur la sphère religieuse. Les dirigeants musulmans et politiques comoriens semblent suivre la voie qui a conduit le monde musulman à des affrontements fratricides insensés. Chez-nous, les différents rites musulmans cohabitent en paix depuis des siècles. Cette liberté du culte couvrait même les autres religions. Pourquoi créer des troubles avec des lois et des « fatwa » qui enveniment les relations entre les citoyens ? Ne faudrait-il pas prendre en compte les différentes sensibilités religieuses pour réconcilier, pour consolider un vivre ensemble apaisé et cordial ? Comment traduire dans la pratique une situation complexe : notre pays est profondément musulman mais notre Etat est laïc ?
Photo d'archives: Le mouvement du 11 aout reçu à Beit Salam |
Et viennent s’y greffer des luttes autours des prétendues bonnes mœurs sans qu’il soit clair que c’est l’Etat qui légifère et assure la sécurité de tous. Peut-on laisser des gens, quel que puisse être leur bonne volonté et leur érudition religieuse ériger leurs opinions en règles et à les faire appliquer par la force ? Est-il tolérable qu’un prêcheur d’une mosquée soit libre de toute contrainte et puisse se permettre de dénoncer nommément des gens ? Où cela peut-il mener ?
Danger séparatiste aussi. Sur le terrain politique la rupture de l’alliance CRC-JUWA risque de polariser le combat politique avec une coloration séparatiste insidieuse. Ce qui aurait pu constituer un élément de stabilité et de développement d’une démocratie responsable va-t-il virer à la catastrophe.
Le danger séparatiste est aussi nourri par tous ceux qui veulent focaliser les assises nationales sur la question de la tournante. Et Dieu sait s’ils sont divers, nombreux et puissants. Toutes les arrière-pensées politiciennes s’y arcboutent.
Force est donc de souligner le véritable enjeu des assises : tourner la page des premières quarante années de l’indépendance.
Avant la colonisation, nous avions un pays même si, comme d’autres pays dans le monde, il ne s’était pas doté d’un Etat. On semble oublier que nombre d’Etats occidentaux se sont édifiés au XIX° siècle. Nous avions donc notre pays, notre nation, nos valeurs. Les bases de l’émergence d’un Etat se posaient. A l’époque aucun Comorien n’oserait voler l’argent des villages et encore moins des mosquées. Depuis l’indépendance, nous avons peu à peu tout perdu. Le pillage des deniers publics est devenu la norme. Nous singeons la France en tout et pour tout ; perdant du même coup nos repères, nos valeurs ; ouvrant ainsi la voie aux coups d’Etats, au règne des mercenaires ; prêtant le flanc aux manœuvres de balkanisation du pays et de destruction de notre nation.
Il s’agit donc d’un enjeu fondamental qui exige une large participation. Il faut mener des études scientifiques autour de l’organisation d’un Etat comorien ancré dans des réalités nationales singulières ; autour de l’émergence de la nation comorienne et de son évolution ; autour d’une orientation économique et sociale susceptible de sortir un petit pays insulaire de la pauvreté ; autour des questions cardinales de la période comme la question de Maore. Il faut détendre l’atmosphère pour espérer un large débat apaisé dont le pays attend une nouvelle ère d’unité et de prospérité.
Notre espoir et notre vœu est de voir le Président Azali qui a fait sien le projet des assises nationales, œuvrer sincèrement dans le sens de l’apaisement, de la concorde, du respect et de la prise en compte de toutes les tendances pour que ces assises remplissent les espoirs de notre pays et de notre nation.
Idriss (23/07/2017)