Les enjeux de l’enseignement supérieur comorien
L’enseignement supérieur comorien est né avec la création de l’Ecole Nationale d’Enseignement Supérieur (1980-1994) qui formait des professeurs de collège et des cadres moyens de l’administration. D’autres établissements ont été créés après la fermeture de celle-ci : le Centre National de Recherche en Santé Publique (1994), l’Ecole Nationale d’Administration et de Commerce (1994), l’Institut de Formation des Enseignants et de Recherche en Education (1994), l’Institut Supérieur de Formation et de Recyclage (1998). En 2001, l’Ecole d’Enseignement Supérieur de Patsy est venue compléter le tableau. Toutes ces institutions ont rencontré des problèmes de fonctionnement, de capacités d’accueil et d’insertions professionnelles de ses diplômés (voir le document sur La Politique Nationale de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche à l’horizon 2020, mars 2013).
L’Université des Comores, fondée en 2003, installée aujourd’hui sur plusieurs sites (Nvouni, Hamramba, La Corniche, Wanani, Patsy et bientôt Mavingouni et Mirontsy) a pris en charge la presque totalité de l’enseignement supérieur comorien. Quelques établissements privés (EST, EMC, ISP, Sup Management…) abritent néanmoins quelques centaines d’étudiants. A la rentrée universitaire de 2016, plus de 10000 étudiants comoriens se sont inscrits à l’Université des Comores (auxquels il faut ajouter plus de 8000 autres qui poursuivent leurs études à l’étranger (Madagascar, Maroc, Sénégal, Egypte…) dont une partie a commencé ses études à l’Université des Comores. Si on est un peu réaliste, il me semble qu’on peut considérer cette jeune institution comme un véritable succès : en 13 ans d’existence, elle a multiplié ses étudiants par 10, et ses enseignants-chercheurs titulaires d’un doctorat par six.
Ces quelques réussites ne doivent cependant pas dissimuler les difficultés énormes qu’elle rencontre qui sont d’ailleurs les mêmes que dans les années 1990 : de fonctionnement, de capacités d’accueil et d’insertion professionnelles de ses diplômés.
Je crois qu’il faut tendre vers une clarification de son administration (l’administration bicéphale est souvent source de conflits entre les dirigeants), vers une simplification du recrutement des enseignants, vers une gestion plus rationnelle des leurs carrières et vers une valorisation de leurs traitements (un jeune enseignant-chercheur titulaire d’un master II touche, mensuellement, 230000 KMF tandis que son collègue titulaire d’un doctorat gagne péniblement 255000 KMF !). Difficile dans ces conditions d’attirer l’intelligence diasporique comorienne dont nous avons pourtant bien besoin.
Mais l’Université des Comores est victime de son succès qui devient presque ingérable. Car comment accueillir dans de bonnes conditions plus de 10000 étudiants dans des locaux éparpillés et saturés ? Et c’est là qu’il faut parer aux plus urgents : construire des amphithéâtres sonorisés, faciliter le transport des étudiants, leur offrir des restaurants universitaires, des logements à bas coûts, des bibliothèques dignes de ce nom, de l’énergie, un environnement numérique ou tout simplement des toilettes !
Il faut parallèlement financer massivement les études doctorales des futurs enseignants-chercheurs, diversifier l’offre de formation, proposer des formations professionnelles afin de les rendre adéquates au marché de l’emploi.
Je suis convaincu qu’il est dans l’intérêt de notre pays de faire de cette institution, je veux dire de cette fierté nationale, un milieu de vitalité, de dynamisme, de culture, d’échanges, d’intelligence, de tolérance, un haut lieu démocratique de création et de transmission de savoir adapté au monde moderne, un centre où les formations conduisent à des professions.
Nassurdine Ali Mhoumadi,
Docteur ès Lettres, Enseignant-Chercheur