Lettre ouverte au Président A.A.M. SAMBI Monsieur le Président, Comme de nombreux comoriens de la diaspora, éloignés de notre p...
Lettre ouverte au Président A.A.M. SAMBI
Monsieur le Président,
Comme de nombreux comoriens de la diaspora, éloignés de notre patrie, observant à distance et avec recul la tragédie politique qui s’y joue, je me sens tout entier obligé de considérer l’actualité autrement qu’en spectateur, et d’agir, du mieux que je puisse faire, d'Orléans d’où je me trouve, afin d’éviter que notre pays ne plonge encore plus dans un chaos dont il ne pourra s’en sortir indemne. Si comme l’a si justement affirmé le célèbre irlandais Edmund Burke « pour triompher, le mal n’a besoin que de l’inaction des gens de biens », un seul homme de bien ne peut malheureusement pas faire face seul aux maux qui s’abattent sur nos Comores, sans l’appui ou l’éclairage tout au moins des autres. C’est pour cette raison que je me rallie à vous, à votre cause qui est la nôtre. Celle de parvenir enfin à extirper nos Comores des fantômes du sécessionnisme, de la corruption, des corrupteurs avec toutes leurs conséquences en matière de pauvreté et misère sociale.
Monsieur le Président,
S’il faille être tout à fait honnête, je n’ai pas toujours été compté parmi vos fanes inconditionnelles. De formation juridique, j’ai toujours pensé en bon cartésien que « le rêve », seul, ne pouvait pas faire face aux défis que comporte l’éradication des « fantômes » que je cite plus haut. Ce rêve qui vous est si cher, ce rêve auquel vous vous efforciez de nous faire adhérer. J’ai toutefois réalisé plus tard que dans le combat engagé pour éradiquer les racines de ces fantômes, l’espérance que suscitait votre rêve reste la meilleure arme. N’en déplaise à vos détracteurs, qui ne cesseront pas, pour tenter désespérément d’expliquer – dirai-je plutôt d’obscurcir les véritables raisons – de votre charisme et votre popularité, de vous traiter de tous les noms, il est vrai que ce qui plait en vous reste votre « naïveté honnête ». Naïveté honnête, Naïf et Honnête, des qualités qui ont depuis longtemps disparu de la sphère politique. Des qualités qui ne nous sont à un point plus familier que certains d’entre nous électeurs ont encore du mal à les reconnaître. Mais je ne vous apprends rien. On a depuis belle lurette oublié ce que ces mots veulent dire tellement nos talentueux acteurs de la tragédie politique comorienne nous ont habitué aux alexandrins de l’enrichissement sans cause, du népotisme, de la concussion et du désespoir.
En tout état de cause, vous nous avez compris, nous vous avons compris. A la veille des élections présidentielles, si votre candidature a été accueillie de façon mitigée, pour nous autres, elle est logique et légitime. Je dirais même plus, elle est providentielle. Parfaitement en accord avec votre lutte acharnée pour évincer le séparatisme en 2008 par l'intervention armée à Anjouan puis avec la réforme constitutionnelle de 2009, votre candidature, au-delà du débat partisan, aurait du être accueilli par tous comme le témoignage des Comores, quinze ans après, parfaitement unis et réunis… des Comores comme dans votre « rêve » absoutes de toute velléité sécessionniste.
Mais hélas, ce fût sans compter sur les serviteurs pernicieux de nos « fantômes », votre candidature, elle qui devrait faire montre de la fin du séparatisme est traduite aujourd’hui par eux pour une volonté affichée de déstabilisation et de désunion, elle qui était censée pouvoir restituer au peuple comorien tout entier le droit de choisir le porteur de son destin sans contrainte insulaire, est traduite par eux comme la volonté de confisquer le pouvoir revenant aux « grands comoriens », elle qui est l’incarnation de la volonté du constituant de 2001, du peuple en 2001, de voir être prise en compte la volonté de chaque citoyen de l’île hébergeant la tournante sans jamais limité ni réduire le choix offert à ses citoyens car offrant à tous comorien réunissant les critères d’éligibilité de se présenter au suffrage des citoyens de cette île, seuls habilités à choisir, devient pour eux une entorse à l’esprit de la Constitution. Votre persévérance à vous porter candidat démontre que vous ne courberez pas les chignes face eux, et qu’en dépit de tout ce qu’ils peuvent dire, seul la volonté du peuple, seul la voix des électeurs tranchera car Vox Populi Vox Dei.
Mais, pardonnez moi Monsieur le Président, une fois encore vous faites preuve ici de Naïveté honnête. L’excès de pouvoir du Ministre de l’intérieur et sa manipulation des scrutins communaux à travers les nominations arbitraires et unilatérales des chefs de quartier afin d’assurer une main mise du pouvoir en place sur les conseils municipaux et les postes des maires, l’organisation de vote du Bureau de l’Assemblée Nationale en dépit de la loi et du règlement intérieur, l’immixtion de l’Exécutif dans le pouvoir législatif allant jusqu’à séquestrer des parlementaires au sein même du palais du peuple et les jurisprudences récentes de la Cour, constitutionnelle loin de sanctionner ce mépris du pouvoir en place de la charte suprême, conférant à ces diverses violations de la démocratie un caractère légal étaient tous des signes avant-coureurs qui devraient vous interroger sur l’issue juste et équitable de l’annonce de votre candidature.
Pensez-vous Monsieur le Président que le Président de la Cour Constitutionnelle qui a osé participer à une conférence télévisé à Beit Salam des hommes politiques à la demande du Président de la République sur la question de la tournante sera parfaitement indépendant quand il rendra prochainement son verdict sur la recevabilité de votre candidature ? Pensez vous qu’une Cour qui a osé se déclarer incompétent et juger trop prématuré sa saisine afin d’interpréter l’article 13 de la Constitution qui fait tellement débat quant à son application à votre candidature sera-t-elle parfaitement désintéressée et impartiale ? Permettez-moi d’en douter, et de solliciter de votre part à ce que votre naïveté honnête ne nous perd pas.
Monsieur le Président, il ne s’agit plus de votre candidature, ni même de votre personne. Il ne s’agit plus de défendre coûte que coûte la Constitution telle qu’inspirée par la volonté du peuple épris d’union et de paix, il ne s’agit plus de vous battre pour que l’espoir que vous suscitez dans le peuple ait une réponse satisfaisante, il s’agit aujourd’hui d’une question de survie. Oui, Monsieur le Président, il s’agit de la survie du peuple comorien dans son unité, de la victoire de l’espoir sur les serviteurs de nos fantômes. Le peuple ne supportera plus longtemps de rester plongé dans les ténèbres et prisonniers de ces dernières.
C'est pour ces raisons, et parce que je ne serai pas de ces gens de biens si j’en faisais autrement, que je me sens obligé de vous demander de prévoir un plan B. Dans le cas où votre candidature et tout ce qu’elle représente aura été rejetée par la Cour, vous avez le devoir sacré de nous offrir une autre alternative aux chaos présents et en devenir si jamais les serviteurs des fantômes l’emporteraient. Respectueusement.
Hassan MOHAMED DAOUD, Orleans France