Le Colonel Abeid Abderemane fait dans le négationnisme pur et dans la nostalgie On l’avait oublié ou presque, celui-là. Pourtant, il e...
Le Colonel Abeid Abderemane fait dans le négationnisme pur et dans la nostalgie
On l’avait oublié ou presque, celui-là. Pourtant, il est de ce monde et a gardé la dent très dure contre son ennemi personnel, l’ancien Président Ahmed Sambi, qui l’avait emprisonné, même si, dans un geste de Grand Seigneur, il prétend crânement et sans rire, au cours d’une déclaration publique aux accents négationnistes: «Je ne suis pas rancunier du tout». Le Colonel Abeid Abderemane, puisqu’il faudra bien le nommer, a eu un week-end chargé à Chitsangani, Anjouan, où il s’est arrangé pour porter les habits de la sagesse bon marché, de la bonne gouvernance, de la «Justice» et de l’exemplarité républicaine, alors qu’il avait tout fait pour faire plier l’État comorien quand il jouait «le Président de la République d’Anjouan».
C’est lui qui qualifiait tout ce qui se rattache à la République fédérale islamique des Comores de «vestiges du passé dont il faut se débarrasser», obligeant le pays à changer d’appellation officielle pour devenir l’Union des Comores, et poussant la haine envers le vécu institutionnel comorien jusqu’à demander et obtenir le changement du drapeau du pays. À Chitsangani, ce week-end, l’ancien chef séparatiste obstiné de l’île d’Anjouan devait parler de l’une de ses exigences imposées à l’État comorien en 2001: la présidence tournante.
Mais, très vite, l’ancien dictateur séparatiste têtu d’Anjouan, refusant de jeter la rancune à la rivière, laissa s’exprimer sa vieille haine envers son meilleur ennemi Ahmed Sambi, qu’il accuse de vouloir, à lui seul, changer l’innovation la plus emblématique que lui et les siens arrivèrent à imposer à un État comorien qui s’était placé lui-même en état de faiblesse, à savoir la présidence tournante. Quand le Colonel Abeid Abderemane parle des projets constitutionnels d’Ahmed Sambi et de ses crypto-sambistes pour pervertir la lettre et l’esprit de la Constitution de 2001, il utilise des mots très durs pour montrer qu’il les déteste et les méprise au plus profond de son être et que c’est plus fort que lui: «Il serait inadmissible qu’un homme, avec ses acolytes, vienne imposer un choix farfelu à la population et se permettre de changer la Constitution à sa guise». En voilà un qui explique les dangers de «la Constitution mon bon plaisir».
Mais, ce qui est étrange, c’est que l’homme qui fut naguère accusé de n’avoir pas géré l’île d’Anjouan en bon père de famille s’érige en moralisateur, accusant les autres pilleurs de biens publics de tous les maux et envisageant pour eux ce qu’il y a de pire, ce qu’il ne s’est pas appliqué à lui-même quand il tuait Anjouan à petit feu quand il était aux affaires: «Tous les acteurs de ces pillages doivent aller en prison. L’argent du contribuable n’a pas à être leur champ d’enrichissement. Ces voleurs-là ne méritent que la prison et doivent être condamnés à retourner ces biens publics».
Parlant de cet argent du peuple comorien volé par les dirigeants comoriens, l’ancien dirigeant séparatiste crâneur tempête: «Le retour de cet argent au peuple doit être exigé». D’accord, l’argent volé doit être exigé, mais exigé à qui puisqu’aucune autorité comorienne n’en a détourné le moindre centime? Elles sont toutes innocentes, les autorités comoriennes. Incorrigibles dirigeants comoriens, qui ne font la connaissance de la bonne gouvernance que quand ils sont loin des ors du pouvoir. Ils sont tous comme ça, et c’est pour cette raison que les Comores piétinent au lieu d’avancer, puisque pas un seul dirigeant comorien n’admet être comptable des comportements qui ont conduit les Comores dans le trou du sous-développement endémique.
Le Colonel Abeid Abderemane, avec une mauvaise foi consommée et faisant tout pour rester dans un négationnisme qui lui sied très bien, tord le cou de la vérité et ose prétendre que quand il sévissait à Anjouan, tout baignait dans l’huile: «Dans les années 2000, lorsque j’étais à la tête de l’île alors en plein embargo, il y avait de l’électricité et de quoi manger. 10 ans plus tard, tout a changé et la crise s’est généralisée». Il n’y a que le Colonel Abeid Abderemane et ses hommes pour tenir un discours aussi faux parce que la période séparatiste, même sans embargo, avait jeté des milliers d’Anjouanais sur les routes de l’exil à Mayotte, Mohéli et Grande-Comore. Pourquoi? Tout simplement parce que la situation économique et sociale sur l’île était absolument désastreuse. Voici, déjà ce qui se disait en 1997, année au cours de laquelle avait commencé la crise séparatiste à Anjouan: «Entre les treize membres de la coordination séparatiste, les discussions seraient âpres.
Et la belle unanimité des premiers jours commence à se fissurer. [...]. “Un jour ça va exploser, se lamente une jeune femme. J’ai peur de voir les gens des villages déferler sur la ville pour exiger des comptes. On leur a promis des passeports français, le franc comme monnaie, le niveau de vie de Mayotte qui avait eu la sagesse de rester française. Mais rien ne vient”. De tous les habitants, les Wamatsaha, les habitants de la brousse, sont ceux qui ont le plus cru au retour dans le giron français. Leur désillusion risque d’être orageuse»: Arnaud de la Grange: Anjouan: la victoire en déchantant, Le Figaro, 23 septembre 1997, p. 6. Compte tenu des accusations de francophilie exacerbée et de trahison envers la patrie comorienne qui s’abattent sur moi, je préfère rappeler que c’est une femme anjouanaise citée par le journaliste Arnaud de la Grange et non moi qui a parle de «Mayotte qui avait eu la sagesse de rester française». Cette précision est nécessaire. Chacun sait pourquoi.
Donc, les crâneries actuelles du Colonel Abeid Abderemane sont très sympathiques, mais sonnent faux parce que reposant sur le vide. C’est très bien de s’attaquer à Ahmed Sambi et à ses crypto-sambistes, en raison de leurs divagations constitutionnelles intéressées et discutables, mais dans les Comores d’aujourd’hui, ce n’est pas parce qu’on s’attaque à un politicien très antipathique au point de devenir un danger pour l’État, la République, la démocratie, l’État de Droit, l’unité nationale et la concorde civile, qu’on doit oublier ses petits crimes passés, faire ami-ami avec lui et lui faire la bise sur les deux joues. Dans les Comores d’aujourd’hui, il n’y a pas de bons et de mauvais criminels, mais de criminels tout court. Une fois de plus, on doit recourir au mot de Jésus-Christ disant: «Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre», une manière de lancer un défi tendant à dire que si on ne traîne pas des casseroles, on peut parler des casseroles que traînent les autres. Cruels, les Mohéliens ont un mot très corrosif et décapant pour dire tout ça: «Celui qui ne lave pas son corps se moque de celui ne lave pas ses habits».
Par ARM
© lemohelien – Lundi 11 août 2014.