Une fois de plus, le Président de la République adopte une mesure dictatoriale. C'est quand même triste. C'est quand même tri...
Une fois de plus, le Président de la République adopte une mesure dictatoriale.
C'est quand même triste. C'est quand même triste d'avoir patiemment écouté au téléphone pendant 40 minutes, les doléances de cette grande personnalité étatique comorienne qui ne demandait qu'une chose: un «moratoire sur les critiquescontre le Président de la République». C'était quand? C'était ce lundi 17 mars 2014. Hier, donc. Patiemment, je m'étais employé à expliquer à cette personnalité parmi les plus respectables de notre République que même quand on essaie de regarder ailleurs pour ne pas constater les provocations du Président de la République, ce dernier faisait tout pour prendre des mesures révoltantes et des actes parmi les plus insupportables, des mesures et des actes qui ne lui apportent strictement rien sur le plan personnel et qui ne consolident en rien son régime politique. On me répéta: «Le Président de la République n'a rien contre toi», et je répétais: «Mais, qui a dit que j'avais quelque chose contre lui? À titre personnel, je n'ai rien contre lui, mais il incarne un système politique qui heurte ma sensibilité de Comorien. Mon être et ma chair en sont blessés et meurtris».
Alors que je me demandais quelle attitude adopter, après avoir entendu ce type de discours 1.000 et 1.000 fois, je me suis réveillé ce mardi 18 mars 2014 avec des questions sans réponses, quand j'appris que le gouvernement comorien, à la tête duquel se trouve le même Ikililou Dhoinine, venait d'interdire le meeting citoyen et républicain que le Parti RIDJA comptait organiser ce mercredi 19 mars 2014 à Moroni, Place Badjanani à partir de 16 heures pour parler de la démocratie des Comores, alors que le meeting était autorisé auparavant.
Cette mesure d'interdiction d'un meeting citoyen et républicain est complètement illégale, antirépublicaine, antidémocratique et liberticide. Entièrement! Aucune considération d'intérêt général ne pourra l'expliquer. Aucune motivation d'ordre public ne saura la motiver. Il s'agit d'une mesure arbitraire relevant d'une attitude qu'il convient de condamner sans réserve car, malgré toutes mes réserves envers les divagations prétendument politiques d'Ahmed Sambi, qui n'est pas mon modèle en politique, et ne le sera jamais un jour, quand son meeting de Bambao du 18 août 2013 a été annulé par les autorités, j'avais écrit un article pour dire que de tout cœur, j'étais avec lui ce jour funeste. Par principe républicain, et par idéal démocratique. Aujourd'hui, 8 mois plus tard, les Comoriens revivent le même cauchemar politique, celui de l'interdiction d'une manifestation politique tout à fait pacifique, pour parler des Comores.
Quand on lit la note n°14-046/PC du 18 mars 2014 signée par le Préfet du Centre de la Grande-Comore (Moroni) et «portant annulation de l'autorisation n°14-037/DSP-CM», on est partagé entre l'envie de pleurer pour les Comores et celle de rire contre la bêtise. En effet, on y lit: «Il est rappelé que les rassemblements politiques, en dehors des périodes de campagnes, sur les places publiques à Moroni, sont interdits. Par conséquent, l'autorisation suscitée, dont la Préfecture a une copie, accordant au Parti RIDJA la tenue d'un meeting, sur la Place Badjanani, le 19 mars 2014, est annulée. Les responsables du Parti RIDJA sont recommandés d'organiser leur meeting dans un foyer, un hôtel ou une résidence privée». Une menace accompagne toute cette littérature scélérate et morbide: «La Gendarmerie et la Police sont chargées de l'exécution de la présente, qui sera communiquée partout où il sera besoin».
Comment peut-on accorder un «moratoire sur les critiques» à un Président de la République qui admet de telles attitudes barbares, l'annulation d'une autorisation de tenir un meeting? S'il s'agissait d'un chef d'État sans capital culturel, on aurait mis toute cette dérive dictatoriale sur le compte de l'ignorance et inculture. Mais, Ikililou Dhoinine est titulaire d'un Baccalauréat scientifique qui lui a ouvert les portes de l'Université de Conakry, en Guinée, qui lui a accordé la plus haute des distinctions: un Doctorat. Il est Docteur en Pharmacie. Dès lors, on ne comprendra jamais comment un homme d'un tel niveau scientifique et culturel, qui a été au cœur de l'État pendant ses 5 ans de vice-présidence de la République et qui est à l'orée de sa 3ème année de présidence de la République, continue-t-il à se comporter de manière aussi violente envers les gens qui lui ont confié les rênes du pays lui qui, dès ses premiers discours de Président élu n'a cessé de marteler: «Je serai le Président de tous les Comoriens». Être «Président de tous les Comoriens» signifie qu'on accepte la critique, qu'on admet ceux des Comoriens qui émettent des opinions favorables envers le régime politique en place, mais aussi ceux qui ont une autre façon de dire qu'ils aiment et chérissent les Comores.
Chaque fois, on essaie de m'avoir aux sentiments, en me disant: «Le Président Ikililou Dhoinine est ton frère. Il ne t'a jamais renié. Bien au contraire». Là, il est nécessaire de noter que dans la critique adressée au Président de la République, il n'y a rien de personnel, et ce d'autant plus que personne ne peut affirmer que j'ai appelé un jour le chef de l'État ou que je lui ai demandé un service personnel, dont un poste. Il s'agit de gouvernance, et celle de cet ancien frère avec qui j'ai grandi, avec qui j'ai eu les meilleures relations du monde par le passé, est porteuse des stigmates de l'irresponsabilité, de la honte et de la provocation. Si mon ancien frère et ami Ikililou Dhoinine était respectueux de sa fonction et du peuple comorien, il l'aurait prouvé en nommant dans son Cabinet et ailleurs des cadres animés de la volonté de l'aider à laisser une trace honorable dans les annales historiques des Comores, en soulageant la misère du peuple. Mais, il préfère s'entourer de gens qui ne lui apporteront rien de positif, en tournant le dos aux Comoriens les plus honnêtes. Il est vrai que par moment, on est un peu fatigué d'endosser continuellement le costume de «mouton noir de Djoiezi», d'avoir à subir d'insupportables pressions familiales, d'avoir à éviter d'appeler les frères et sœurs, toujours prompts à répéter: «Le Président Ikililou Dhoinine est ton frère. Cesse de le critiquer».
Or, nous tous avons une responsabilité morale qui nous interdit de nous taire quand nous voyons que le RIDJA, qui n'a jamais prôné la violence, se voit interdire un meeting politique pacifique. Tout le monde critique Maître Saïd Larifou, Président du RIDJA, en l'accusant de mener une opposition trop «sophistiquée» et «européenne», dans un pays s'enfonçant chaque jour dans le sous-développement. De quoi est faite l'opposition du RIDJA? Elle repose essentiellement sur le rappel du primat du Droit dans un État de Droit. Cela explique les nombreuses requêtes qu'il adresse aux instances compétentes, et les innombrables lettres qu'il adresse aux autorités comoriennes. On n'a nullement besoin d'être membre de cette organisation politique pour constater de manière objective ces faits, fondés sur la réalité. Malheureusement, le chef de l'État a choisi une voie qui, chaque jour, le conduit dans l'impasse et l'opprobre. Aucun autre chef d'État censé ne ferait ce qu'il fait aujourd'hui, en obligeant les acteurs politiques à s'enfermer dans des poulaillers et dans des baignoires pour s'adresser à la population. La politique qu'il favorise n'est pas celle qui le fera grandir.
Les Comores ont besoin d'entendre la voix de tout le monde. Or, Ikililou Dhoinine ne veut entendre que les voix qui lui plaisent. Il oublie toujours que dans la pure tradition islamique, il est un père pour tous les Comoriens, même pour les plus âgés que lui. Il aurait dû chercher à comprendre le sens de la phrase d'anthologie du grand érudit et homme d'État marocain Allal El-Fassi (1910-1974) disant qu'un chef d'État est responsable même des pleurs d'un bébé qui a faim. Ikililou Dhoinine refuse d'assumer ses responsabilités, et s'enferme chaque jour dans une dictature qui souille son régime politique et sa personne. De toute manière, ce n'est pas en interdisant un meeting politique qu'il consolidera son pouvoir et qu'il pourra asseoir sa crédibilité en tant que personne physique et en tant que Président de la République. Il n'a pas su exploiter le capital de sympathie qui était placé en lui, et que le peuple comorien lui retire chaque jour. Ce qui est tout à fait regrettable. L'autorisation d'un meeting a été annulée. Seul l'avenir nous dira si le RIDJA va s'enfermer dans des grottes ou aller sur les eaux internationales, loin face à Mbachilé pour tenir son meeting. À l'heure qu'il est, les acteurs politiques comoriens doivent comprendre que la roue de la dictature les broie un à un jusqu'au dernier. Quand il ne restera rien à son passage, chacun devra assumer ses responsabilités.
Par ARM
© www.lemohelien.com – Mardi 18 mars 2014.