A Antananarivo, le 30 septembre 2013 (Bilal Tarabey). « T u prends que les filles en photo, toi... – M ais non , j’essaie de mélang...
A Antananarivo, le 30 septembre 2013 (Bilal Tarabey).
« Tu prends que les filles en photo, toi...Lundi 30 septembre, à Antananarivo, Madagascar. 8 heures du matin, dans les embouteillages. Depuis une semaine, la campagne électorale a commencé. Et à Madagascar, où en temps normal on évite d’appeler un chat un chat, la campagne se dit « propagande ».
– Mais non, j’essaie de mélanger les affiches de la campagne présidentielle avec le regard d’un enfant. C’est mon côté “ humaniste ”.
– C’est ça. »
Trente-trois candidats s’affrontent pour le graal : le poste de « filoha ». Prononcer « filou ». Traduction : président de la République.
Toute association d’idée dans l’un des pays les plus corrompus du monde est purement fortuite. Quant à « fidio », ça veut dire « voter pour ».
Et donc, en attendant, comme tous les matins depuis 1989, Lalatiana conduit son taxi.
« Tu sais, les Présidents sont bons. Le problème, c’est leur entourage.
– Ah bon ?– Oui ! C’est les “mamba-nony”... »
Lalatiana parle en évitant les trous dans la chaussée. Une vieille 2CV, qui roule par ce genre de miracle que seule Madagascar arrive à produire.
« Ça veut dire “les caïmans”, ils sont là pour manger tout ce qui passe. »
Il se marre.
« Avant, tout le monde pouvait prendre le taxi »
A travers la vitre du taxi, les morceaux de vie et les visages s’enchaînent.
Madagascar, pays le plus pauvre du monde, oublié et farfelu.
Quelques
grosses productions audiovisuelles viennent rappeler de temps à autre
sur le service public qu’entre deux rizières ou deux baobabs, il faut
faire huit heures de pistes pour faire 130 kilomètres, et que les gens
pillent les ressources de leur pays – saphirs, bois de rose, lémuriens,
tortues étoilées – pour 1 euro par jour.
« Avant, tu sais, tout le monde pouvait prendre le taxi. Maintenant, il n’y a que les riches et les vazahas [blancs, ndlr] comme toi. »Et, tel un vazaha qui se respecte, je lui demande justement de me débarquer dans le bar d’un hôtel de luxe. Car je travaille attablé dans les bars des hôtels de luxe. Car je me prends pour Ernest Hemingway.
Et j’écris « Ali Rababa » dans le titre si j’ai envie. Cela n’a aucun intérêt ni aucun sens, si ce n’est de formuler cette hypothèse : si Ali Baba était malgache, il s’appellerait « Ali Rababa ». Car le préfixe « ra », dans les noms, est une marque de grand respect. Et c’est pourquoi 90% des noms à Madagascar commencent par « Ra ».
Exemple : Andry Rajoelina, président du régime de Transition qui prépare les élections libres, crédibles, et transparentes depuis quatre ans et demi.
Bisous.