Un juge d'instruction de Mayotte qui s'apprête à mettre en examen des gendarmes locaux serait victime de brimades de la part de sa...
Un juge d'instruction de Mayotte qui s'apprête à mettre en examen des gendarmes locaux serait victime de brimades de la part de sa hiérarchie.
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| La gendarmerie à Mayotte en 2008. © Remi Carayol |
C'est un juge en disgrâce. Hakim Karki, juge d'instruction au tribunal de grande instance de Mamoudzou à Mayotte, se heurte depuis plusieurs mois aux foudres de sa hiérarchie. Son principal tort est de vouloir mettre en examen des gendarmes pour "trafic de drogue". Le juge chargé au départ d'enquêter sur le décès de Roukia, une lycéenne de 18 ans morte par overdose, soupçonne aujourd'hui certains fonctionnaires d'avoir organisé sur l'île une partie du trafic de stupéfiants dont serait issue l'héroïne fatale à la jeune fille. Une affaire embarrassante sur cette île où l'on rendait, il y a encore peu de temps, une justice coloniale. Les fonctionnaires en question appartiennent tous au groupement d'intervention régional (GIR), une structure créée dans l'île en 2008 pour lutter contre les trafics en tout genre et regroupant policiers, douaniers, agents fiscaux et gendarmes.
"Harcèlement"
Le juge Karki a vu ainsi récemment sa note administrative considérablement baissée au motif notamment qu'il serait "un garçon entier". Une appréciation plutôt décalée par rapport à son travail de juge instructeur. Par ailleurs, sa hiérarchie dénonce les prises de position publiques du magistrat, tout en se gardant de préciser de quelles prises de position il s'agit exactement, et où celles-ci auraient été tenues. "On utilise la procédure administrative pour le ramener à la raison", estime un de ses collègues magistrats, contacté par Le Point. Plus grave, au moment où le juge Hakim Karki s'apprête à mettre en examen les gendarmes, on lui retirerait comme par hasard les effectifs et les moyens pour le faire. A contrario, sa hiérarchie lui conseillerait très fortement de partir en vacances sur un arriéré de congés. "C'est du harcèlement. On cherche à le pousser à bout. Il a de plus en plus de mal à dormir", s'insurge un magistrat. Enfin suite à un précédent article sur Le Point.fr, une information judiciaire ouverte pour "recel du secret de l'instruction" a été ouverte au TGI de Mamoudzou. Ce qui nous vaudra - nous l'espérons en tout cas - d'être entendus par la justice locale...
Le litige entre le juge Hakim Karki et sa hiérarchie ne date pas d'hier. Philippe Faisandier, le procureur de la République de Mamoudzou, a toujours refusé au magistrat l'élargissement de son enquête. Le procureur demandait surtout au juge d'extraire du dossier d'instruction les P-V y afférents relatant des écoutes embarrassantes pour les gendarmes. Ce qu'a refusé Hakim Karki. Au printemps dernier, le chef du parquet avait alors demandé le dépaysement de l'affaire. Tollé général. Dans une déclaration commune, les avocats de la partie civile et de la défense s'étaient "fermement opposés" à cette demande. "Nous sommes préoccupés et interpellés par l'image sérieusement dégradée de la justice à Mayotte (...). Cette demande répand dans l'opinion publique le sentiment d'une justice à deux vitesses et qui ne serait compétente que pour juger les faibles, les Mahorais et les immigrés." Parallèlement, les magistrats du siège près le TGI de Mamoudzou exprimaient dans une motion leur soutien à leur collègue victime "d'attaques et de pressions particulièrement intolérantes". Les magistrats évoquent même des insinuations particulièrement graves qui pourraient être, pour certaines, analysées comme un discours à connotations racistes." Source : lepoint.fr Par Jean-Michel Décugis et Aziz Zemouri
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