Aussitôt investi président de la République, le 26 juin dernier, le docteur Ikililou Dhoinine a hérité d’un dossier explosif : la grève d...
Aussitôt investi président de la République, le 26 juin dernier, le docteur Ikililou Dhoinine a hérité d’un dossier explosif : la grève des enseignants, qui entrait dans sa deuxième semaine. Selon des sources proches du palais de Beit-salam, ce dossier aurait dicté le choix de Mohamed Issimaila au ministère de l’Education nationale. Ce professeur de philosophie, proche des milieux syndicaux, est surtout connu pour ses talents d‘orateur et de négociateur. Mais, l’équation relevait d’un casse-tête chinois. Entre les exigences des enseignants (application de la nouvelle grille indiciaire avec une incidence de plus de 440 millions de francs mensuels sur la masse salariale) et les possibilités financières de l’Etat, les négociations ont failli tourner au dialogue de sourds. Après une manifestation dans les rues de Moroni, les élèves menaçaient de passer à la vitesse supérieure. Le spectre d’une année blanche planait encore sur l’école publique. Devant ce blocage, le gouvernement a décidé de lâcher du lest et de maintenir la nouvelle grille en attendant la fin de l’opération de contrôle des agents de la fonction publique. Les deux parties se sont ensuite convenues d’un calendrier d’apurement des reliquats des cinq mois de salaires déjà versés aux fonctionnaires. Le 16 juin, enseignants et élèves ont repris le chemin des classes. Mais, aussitôt cette crise désamorcée, le gouvernement devait faire face à une autre affaire, celle du détournement de plus d’un demi-milliard de francs à la Société nationale des postes et services financiers (Snpsf). A en croire plusieurs témoignages concordants, c’est la présidence de la République qui aurait exigé que le dossier soit déféré au parquet. Une procédure de règlement à l’amiable aurait été en cours. Le président Ikililou Dhoinine, qui vient de déclarer la guerre à la corruption, joue sa crédibilité sur cette affaire. De sa capacité à résister à toutes les pressions (en vue d’étouffer l’enquête) dépend, en grande partie, le sérieux de son combat et de ses déclarations contre les malversations publiques. En effet, au-delà des discours - jusqu’ici irréprochable - et autres formules empreints de bonnes intentions, il faut surtout des actes. “S’il suffisait de parler pour que les choses changent, il y a longtemps que les Comores auraient rejoint le club des pays émergents“, ironise un observateur averti des Comores. Le président Ikililou vient aux affaires à un moment où la société nationale de distribution d’eau et d’électricité, Ma-mwe, plonge dans une situation critique. Sa capacité de production d’énergie s’est effondrée. Des régions entières à Ngazidja sont privées de courant voici plusieurs semaines. Et la capitale, jusque-là à l’abri des délestages, vient d’être soumise à un régime sévère de rationnement électrique. Pour cette première année du mandat d’Ikililou Dhoinine, les Comoriens risquent-ils de passer le mois saint de ramadan dans le noir? Une situation qui rappelle un bien mauvais souvenir de l’année 1997. Le gouvernement comorien doit impérativement éviter ce cauchemar à la population. Des voix, notamment au sein même de la Ma-mwe, commencent à dénoncer le contrat entre les Comores et Semlex. Les autorités nationales pourraient être appelées à se pencher sérieusement sur ce contrat qui coûte à la Ma-mwe la bagatelle de 25 millions de francs par mois alors que la fourniture du courant n’a jamais été aussi irrégulière et hypothétique. De manière générale, l’énergie fait partie des grands dossiers auxquels doit s’attaquer le nouveau pouvoir. Il ne s’agit pas ici de proposer des solutions de replâtrage, mais d’apporter des remèdes qui puissent guérir le malade une bonne fois pour toutes. L’autre sujet qui aura accaparé l’attention des nouvelles autorités est celui de la multiplication des meurtres. En l’espace de trente jours, on a recensé quatre crimes crapuleux. C’en est trop pour ce pays jusqu’ici connu pour sa tranquillité et son islam tolérant. Jamais l’insécurité n’a atteint un tel niveau. L’affaire Kouva, du nom de ce paisible professeur assassiné à son domicile de Mapvinguni, montre, s’il en est besoin, l’urgence pour le gouvernement de prendre des mesures draconiennes pour arrêter l’hémorragie. Un archipel qui entend faire du tourisme l’un de ses secteurs de développement ne peut rester de marbre devant cette poussée de la criminalité. Certes, en comparaison avec d’autres pays de la région, les Comores sont loin d’être un ‘‘Etat pas sûr’’, il n’en reste pas moins vrai que la situation sécuritaire s’est davantage dégradée ces dernières années. Si, en un mois de pouvoir, on peut imprimer une marque à la présidence d’Ikililou Dhoinine, c’est bien cette croisade que le chef de l’Etat vient de déclencher contre la corruption. En promulguant la loi N° 08-013 du 25 juillet 2008 relative à la transparence des activités publique, économique, financière et sociale, il donne des gages de bonne volonté. Encore faut-il, comme nous l’avons dit en haut, traduire en actes cette volonté politique. La mise en place d’un organe de lutte contre la corruption constituera sans doute une avancée notable sur le chemin de la moralisation de la vie publique. Le développement des Comores - classé au 154è rang sur l’indice de la corruption - est à ce prix.
Mohamed Inoussa
Mohamed Inoussa
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