"Le mouvement du 11 août a donc raison de demander la fin de la Tournante"

"Le mouvement du 11 août a donc raison de demander la fin de la Tournante"

CONVERSATIONS D’AVENIR Avril 2017

L’article que nous avons signé : « Le développement est-il compatible avec la permanence du tragique », paru dans le quotidien AL-WATWAN du 16 février 2017, nous a valu beaucoup de remarques, notamment téléphoniques, certaines pointant le sens supposé « excessif » de tragique, mais reconnaissant le bien fondé de la mise en cause de la culture du « paraître », d’autres s’insurgeant sur l’emploi de « damnation » et de « malédiction », prétextant que le fait de l’écrire et de le publier nuit au pays, et même, a ajouté cette personne dont je me demande comment elle a pu se procurer mes coordonnées : « sachez que lorsqu’on pense à des choses comme ça, à un moment où les Cieux s’ouvrent, cette pensée est exaucée ». J’ai compris alors le dogmatisme bon marché de mon interlocuteur et, le remerciant, j’ai mis fin à cet échange au moment où j’ai cru l’entendre dire qu’en lui –même l’article l’avait intéressé.
«Manifeste du Mouvement du 11 août 2015»

D’autres échanges se sont produits dans des conversations prolongées, en tête à tête ou entre plusieurs personnes de mes relations : 

« Vos propos se contredisent, vous faites une description cataclysmique du pays, vous vous référez même à la malédiction pour signifier sans doute le désespoir qui vous habite et, en guise de conclusion, vous laissez comprendre que le président élu est capable de redresser le pays, lui qui, après onze mois d’exercice du pouvoir, devrait d’abord prendre à bras le corps la situation pour assainir une société fissurée de toutes parts, minée par des comportements prédateurs très rarement sanctionnés, désespérée d’attendre indéfiniment des jours meilleurs, avant de nous parler d’émergence. Toutefois, je ne suis pas a priori hostile à ce président, il est expérimenté, c’est vrai. Il revient au Pouvoir après l’avoir quitté il y a dix ans, plein sans doute de réflexions mûries, d’observations de tout ce qui accable le peuple comorien. 

Cependant, le retard qu’il prend pour établir les bases à partir desquelles s’articuleront les dynamiques du développement ne rassure pas du tout. Certes des dispositions ont été prises pour que la MAMWE alimente les Comores en électricité de façon continue pendant trois ans - ce que nous constatons déjà -, en attendant une solution définitive, nous assure-t-on, certes dans ses interventions le Président ne cesse de répéter solennellement qu’il s’engage à mettre les Comores sur « les rails » de l’émergence socio-économique, dont il fixe le terme dans les années trente, mais rien n’est entrepris, rien n’est même annoncé qui justifierait la lutte contre nos multiples freins structurels. Je ne doute pas, je m’interroge quand-même, baisse la voix tout en soupirant R……., après sa longue phrase dont le ton traduisait une certaine inquiétude. 

- Je n’en disconviens pas. A propos de ce que vous avez relevé comme contradiction sur « la description cataclysmique » et la capacité du Président à « redresser le pays », je constate quand même que vous aussi vous reconnaissez « son expérience, ses réflexions mûries », tout ce qu’il a observé à l’extérieur du pouvoir, des remarques qui corroborent ma légère inclination à l’optimisme. D’ailleurs l’affirmatif y est relativisé par une certaine prudence exprimée dans « rien n’est possible dans l’incantation oratoire » et dans « tout devient vain quand nous acceptons la résurgence du condamnable ». 

Je ne voudrais pas apparaître comme un fervent défenseur du pouvoir en place, toutefois, certaines vérités méritent d’être dites : pense-t-on sincèrement, par exemple, qu’on peut développer les Comores avec seulement le produit de nos recettes dont le reste, après les actes prédateurs, arrive péniblement à payer les fonctionnaires, les autres dépenses de fonctionnement dépendant certainement des aides extérieures ? Je partage tout de même votre inquiétude sur un point : l’établissement d’une planification est faisable avant l’obtention des moyens financiers nécessaires. Mais la procédure inverse est souvent suivie : disposer d’abord de moyens et planifier à la hauteur de ces moyens ensuite ; ceci est peut-­être plus rationnel dans la mesure où on planifie en fonction des moyens dont on dispose. C’est peut-être l’option du Président, savoir où sont les moyens d’abord, d’où le retard pris dont vous parlez.

- Je vous ai écouté attentivement tous les deux, intervint N…… ; je ne partage pas du tout votre optimisme. AZALI a été tout simplement le moins mauvais des trois sortis de « la primaire ». Et les électeurs l’ont compris. Je pense, après tout, que tous ceux qui ont eu le Pouvoir récemment ou avant pouvaient, quoi qu’on en dise, faire avancer un peu le pays, de quelque manière que ce soit. Mais l’obstacle majeur, nous le savons tous, demeure le degré de prise de conscience de la gravité de nos problématiques par la partie majoritaire de la pyramide sociale. Car il est rare qu’il y ait des avancées dans une société où la manifestation d’un contre- pouvoir n’apparaît pas au sein du peuple pour conditionner les tenants du Pouvoir à la pratique d’une politique respectueuse des besoins socio-économiques du pays. 

On n’a pas une réelle opposition chez nous car aucun parti n’est créé sur une base idéologique, avec des valeurs qui aident les militants à enrichir leur culture politique et à prendre ainsi conscience des véritables enjeux du pays ; c’est d’ailleurs l’un des facteurs de ralentissement de l’élévation de la conscience citoyenne du pays. Au contraire, le Pouvoir devient un aimant, des accointances s’établissent pour partager « le gâteau » ou ramasser les miettes. Fataliste et insouciant, le peuple lui-même évolue dans l’éternelle fixité d’un contexte immuable dans ses pratiques. 
Je pense qu’il ne peut échapper à personne qu’en dehors de la manifestation d’une autorité très forte pour imposer des choix de développement dans cette société malade du tragique de la permissivité socioculturelle, aucun Pouvoir de nature conformiste n’est en mesure de relever le défi du développement, même si certaines réalisations peuvent voir le jour. Ne parlons pas de l’émergence, qui est un autre palier du développement, incluant non seulement la prospérité nationale permanente sinon durable, articulée sur la mise en valeur de toutes nos potentialités, mais présupposant aussi la présence d’investissements extérieurs aux côtés des efforts endogènes, le tout pour une stabilité durable dans les échanges avec l’extérieur. 

- D’accord, mais l’émergence dont parle le Président AZALI est une perspective dont le terme arriverait au début des années trente. Je reconnais cependant que notre état des lieux, profondément dégradé, n’autorise pas des tergiversations, même si les années 2030 paraissent si loin. Il faut dire aussi que cinq ans de mandature présidentielle, pour le Président actuel, c’est très court pour en voir même les prémices. La problématique énergétique vient d’avoir une solution pour trois ans, en attendant une issue définitive ; en soi, c’est un signe annonciateur d’une bonne volonté si l’on se rappelle qu’auparavant cette situation n’avait jamais trouvé de solution, même pour trois mois. C’est une avancée qui aide sérieusement à presque toutes les initiatives d’investissements, notamment dans la conservation des produits périssables.

- Fundi, bien sûr que trois ans d’énergie sans ces coupures intempestives, souvent de très longue durée, qui étaient à l’origine de beaucoup de dégâts dans la vente des produits périssables, et freinaient tous les emplois nécessitant de l’énergie, est une magnifique embellie énergétique. Mais de quoi parlons-nous, d’une simple amélioration des conditions de vie des comoriens dans le cadre du conformisme socioculturel actuel, aujourd’hui inadapté et destructeur, ou de l’émergence sociale et économique du pays ? S’il s’agit de l’émergence, on a perdu déjà trop de temps. 

Imaginez-vous, par exemple, que sans l’existence d’un plan de maîtrise de la mise en valeur des terres, impliquant un remembrement des parcelles aboutissant à la naissance de coopératives où les propriétaires s’entraident pour mieux produire dans des zones culturales déterminées, l’apport de l’agriculture dans « l’émergence » sera dérisoire, ce qui serait un comble, l’agriculture demeurant un pilier incontournable dans l’émergence de n’importe quel pays. Une organisation nouvelle de l’agriculture est difficilement réalisable sans l’entrée effective en jeu des communes dont le rôle dans l’établissement des normes pour l’identification et l’utilisation des terres (plan cadastral) est irremplaçable. Des communes dont les personnels doivent être formés, les moyens identifiés et normalement affectés.

- Investissements, agriculture, même si ce sont là des secteurs clefs de tout développement économique, ce qui est primordial pour moi est la valeur morale, professionnelle, ainsi que l’attachement à l’intérêt national des hommes et des femmes exerçant des responsabilités dans cette « aventure » vers l’émergence, fait remarquer R……, attentif jusque là, tout en gardant la parole. Je constate tout de même que le Président n’est entouré, dans son gouvernement et dans l’environnement immédiat de ceux qui le conseillent que par des éléments historiques de son parti ou par certains de ceux qui lui ont apporté leur soutien. Est-ce vraiment sain, est-ce une garantie de réussite, Fundi ?

- Pourquoi dois-je répondre à cette question, moi qui suis souvent absent et par conséquent ayant le moins d’éléments d’appréciation pour exprimer des jugements de valeur sur des personnes dont j’ignore même le visage de la majorité d’entre elles ? 

- Parce que vous êtes le plus âgé et le plus expérimenté d’entre-nous, Fundi, insiste N…… .

- D’accord, si vous insistez. A ma connaissance, très rares sont les Présidents élus qui ne s’entourent pas de proches tout au long de leur gouvernance, notamment au début ; c’est psychologique. Dans leur esprit, ils se sentent « protégés », c’est humain. Toutefois, tout est question de dosage. Dans les démocraties parlementaires où un premier ministre propose au Président les noms de ceux et celles qui formeront le gouvernement, le Président choisit lui-même les responsables de certains ministères dits régaliens, (affaires étrangères, justice, armée…), qui relèvent directement de lui. Logiquement, le principal critère demeure la compétence dans toute nomination, notamment dans les postes techniques où l’amateurisme est destructeur ; les affinités restent secondaires. 
Chez nous, le Président exerce une totale omnipotence sur tout, c’est le régime qui le veut. Je ne pense pas que ce soit la panacée, car endossant ainsi toutes les responsabilités, il s’aliène, s’expose à toutes les critiques, et parfois même au discrédit. Est-ce que l’un des vice-présidents de la Tournante ne pourrait pas assurer les fonctions de premier ministre, ce qui débarrasserait le Président de toutes les sollicitations souvent inutiles, lui laisserait le temps nécessaire à la réflexion et à la prise des décisions qui impliquent son engagement. Je sais que les accords de Mohéli n’ont pas cette disposition, mais la réalité est que même si la Tournante nous a mis jusqu’ici à l’abri des pulsions séparatistes – argument majeur de ses défenseurs -, il n’empêche qu’elle accentue dramatiquement les pratiques véreuses et rend compliquée, par l’étroitesse de la mandature présidentielle, toute volonté affirmée de développement.

- Fundi, le mouvement du 11 août a donc raison de demander la fin de la Tournante, murmure presque R ……, très attentif 

- Oui, mais ce n’est pas une chose facile. Nous en reparlerons si vous le souhaitez. »

Ali Mlamali, ancien ministre d’Ali Soilihi, enseignant à la retraite 
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