Les observateurs internationaux ont prononcé leur phrase célèbre consacrée, à la fois insensée et stupide (« Les élections se sont globalem...
Les observateurs internationaux ont prononcé leur phrase célèbre consacrée, à la fois insensée et stupide (« Les élections se sont globalement bien déroulées malgré quelques irrégularités ») qu’ils répètent partout (comme des perroquets) où ils sont invités à s’exprimer. Et la Cour Constitutionnelle n’a corrigé qu’à la marge les résultats fournis par la CENI malgré les chiffres contradictoires précédemment fournis par les organes officiels (les chiffres de la CEII différent de ceux de la CENI qui sont distincts de ceux du Ministère de l’Intérieur !). Je le dis franchement et sans détour : les électeurs comoriens doivent franchement désormais s’inquiéter de l’issue de ces élections…
Il persiste cependant un vrai phénomène électoral aux Comores : le phénomène Sambi qui reste très populaire (peut-être même majoritaire) dans l’électorat comorien – mes lecteurs savent que je ne suis pas du tout un de ses partisans. Constat factuel : il n’est plus roi mais il reste un vrai faiseur de roi. Fahami Said Ibrahim a manqué de très peu sa qualification aux primaires (262 voix d’après la Cour Constitutionnelle le séparent d’Azali) et Dr Salami à Anjouan a une avance quasi-irrattrapable sur les prétendants à Dar Najah.
Le prochain président de la République devrait être (arithmétiquement en tout cas si la CEII et la CENI revoient leurs cours de calcul de l’école primaire) le candidat qui bénéficiera de son soutien.
Le prochain président de la République devrait être (arithmétiquement en tout cas si la CEII et la CENI revoient leurs cours de calcul de l’école primaire) le candidat qui bénéficiera de son soutien.
Mais qui choisira-t-il ? Sambi est soumis honnêtement à un choix très difficile à faire et bien entendu à de multiples pressions.
Il ne peut pas aider l’alliance soutenue par Ikililou Dhoinine contre lequel il se bat ouvertement depuis 2013. Il ne peut pas non plus appuyer Mouigni Baraka qui est un homme dont l’infidélité et l’inconstance politiques sont notoires (il a rompu avec Kiki qui l’a fait roi et, après les législatives de début 2015, il a signé une alliance en vue de former une majorité à l’assemblée nationale avec Juwa le matin qu’il a dénoncée l’après-midi pour revenir avec l’UPDC, sachant que le même Sambi avait appelé à voter pour lui au seconde tour des élections des gouverneurs !). Et d’autre part si Sambi était tenté par une telle démarche, il risquerait de perdre Fahami dont les relations avec Mouigni Baraka sont juste exécrables.
Il lui reste donc Azali qui demeure aussi un homme populaire (Azali est largement moins populaire que Sambi mais il l’est quand même : dix ans après avoir quitté le pouvoir, il a pu se battre contre deux exécutifs déterminés et il a pu finalement se qualifier sans la moindre coalition). Ces deux-là ont, malgré leurs différences (Azali est sobre et rationnel alors que Sambi est exubérant et populiste), plusieurs points communs (deux anciens présidents, ayant presque le même âge, charismatiques et audacieux, qui se disputent le leadership du pays).
Oui : ils ont tous deux un appétit immodéré du pouvoir et chacun veut logiquement mettre sa main sur le pays pour au moins la prochaine décennie. Sauf que quand on regarde l’histoire politique récente des Comores, Azali n’a jamais gêné Sambi alors qu’il avait rapidement compris qu’il serait son successeur : certains de ses anciens amis lui vouent d’ailleurs une haine sans fin pour n’avoir pas empêché Sambi d’accéder à Beit Salam en 2006 ; et d’autres affirment même qu’il l’aurait discrètement aidé à y arriver. Une alliance Azali/Sambi ? Oui. Mais il est vrai qu’elle peut sembler improbable tellement qu’elle peut apparaître comme contre-nature. Et pourtant une telle alliance serait la seule capable d’empêcher le pays de s’offrir à l’amateurisme gâteux ou à l’amicale des douaniers ! Il faudrait donc que ces deux leaders se fassent beaucoup de violence, fassent jouer leurs instincts politiques de survie pour dépasser leurs ressentiments afin d’être à la hauteur des enjeux du moment. Car s’ils ratent cette échéance, ils s’enterreront, vivants, eux-mêmes, dans le large et grand cimetière politique du pays.
Cependant, aucune alliance majoritaire ne pourra empêcher la CENI de publier les chiffres qu’elle voudra le 12 avril à 1h du matin et la Cour Constitutionnelle de les valider une ou deux semaines plus tard si la prochaine échéance n’est pas sécurisée. Plusieurs idées pourraient être envisagées : que les procès-verbaux des bureaux de vote soient aussi bien signés par le président du bureau que par les représentants des trois candidats et que chaque candidat ait ses propres délégués à la CEII et à la CENI.
Car si la prochaine étape n’est pas sécurisée, il faudra juste arrêter le processus électoral (qui coûte beaucoup d’argent et d’énergie) qui ne serait alors qu’une mascarade destinée à introniser le candidat du pouvoir et dire à celui-ci d’aller s’installer dorénavant à Beit Salam… Car les Comores ont besoin de beaucoup de choses mais certainement pas d’un pouvoir illégitime ni d’une crise post-électorale comme le Kenyan ou la Côte d’Ivoire il y a quelques années. Que le Chef d’État-major soit un gardien vigilant de la dernière partie de ce processus électoral s’il ne veut pas avoir à gérer la première vraie crise post-électorale du pays.
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres et professeur de Lettres modernes.
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres et professeur de Lettres modernes.