Volovolo, un espace de vie. Tout jeune lycéen, j'avais l'habitude d'aller visiter le nouveau marché, le grand marché avant qu'il soit baptisé Volovolo
Volovolo, un espace de vie
Tout jeune lycéen, j'avais l'habitude d'aller visiter le nouveau marché, le grand marché avant qu'il soit baptisé Volovolo. J'allais admirer sa belle architecture et un jour, j'ai croisé Abbas Djoussouf arpenter les arcades du beau bâtiment pour inspecter les finitions des travaux. C'était son entreprise qui avait la charge de la construction et il affichait une fierté heureuse de voir le chantier devenir le plus beau bâtiment du pays.
J'allais me promener à travers les allées bien propres et très bien animées où sont rangés les produits par catégorie et les vendeurs offraient un spectacle joyeux d'une gentillesse impressionnante.
Mais, j'ai découvert une autre facette de Volovolo qui m'a beaucoup sensibilisé plus qu'autre chose. Je venais de France pour un stage d'études au pays. Mon stage devrait se dérouler dans une exploitation agricole et mon village était, à l'époque, l'un des greniers du pays, donc approprié à mon stage.
Ma mère me servait de conseillère étant entendu qu'elle était l'une des meilleures pionnières du développement agricole de l'époque coloniale. Elle avait été animatrice de groupement des productrices agricoles avec ses cultures maraîchères, son poulailler et son atelier de transformation de fruits. Elle m'avait proposé de faire un tour à Volovolo pour apprécier la commercialisation des produits agricoles, ce que j'ai répondu volontiers.
Elle m'a amené dans son espace de vente des fruits et légumes. J'ai constaté que ma chère mère détenait avec fierté l'un des espaces de vente des produits agricoles. Mais ce n'était pas seulement un espace de vente mais bel et bien un espace de vie. J'ai été surpris de l'accueil de ses collègues quand elle leur a dit " c'est mon Dini et il fait des études agricoles en France".
Chacune de ses amies m'a pris dans ses bras avec un " mkana baraka" sincère et affectueux.
- Ah! tu ne fais pas des études pour devenir riche ?
- Comment! M'étonnant de cette question.
Une autre femme m'a appris que si je voulais être riche, je devais faire des études " de douane" ou de " juge"
- Mais ceux qui sont à la douane ou à la justice servent le pays.
- Non, ils se servent et toi tu vas servir sans être riche.
Je n'ai pas eu le temps de bien comprendre leur logique car elles m'ont invité dans un restaurant et ont commandé à manger du bon " mtolole" et du manioc grillé avec des "nunda" bien assaisonnés ( brochettes de viandes).
Pendant les échanges autour du repas, j'ai bien compris que les mères de Volovolo formaient une communauté et faisaient de leur espace de vente, un lieu de vie, de partage et de rencontres de différents vécus des villages. Tout ce qu'elles construisent comme mode de vie ne peut pas être réduit au business et au logique du commerce.
Les déplacer arbitrairement vers d'autres lieux, c'est comme les déraciner de leur terroir et les dépouiller de leur humanité. Pour elles, gagner de l'argent autrement et n'importe où ne peut être une alternative convenable. Justifiable soit il, un simple arrêté communal, ne peut, en aucun cas, compenser un mode de vie construit dans la durée des rencontres des intelligences.
Par DINI Nassur
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