Affaire Ortc : condamnés, 4 journalistes font appel. Abdallah Mzembaba de Rfi, Andjouza Abouheir de la Gazette des Comores, Toufé Maecha de la Gazette
Communiqué N°23-006/SNJC
Condamnation des 4 journalistes du 24 août 2023 : Le SNJC soutient leur recours en appel
Abdallah Mzembaba de Rfi, Andjouza Abouheir de la Gazette des Comores, Toufé Maecha de la Gazette des Comores et ex directeur de l’information de la télévision publique et Oubeidillah Mchangama de Fcbk FM ont été condamnés le 24 août à 9 mois de prison avec sursis et à 150 000 francs (300 euros) d’amende chacun. Les 4 journalistes reconnus coupables de diffamation et injures par le tribunal correctionnel de Moroni ont décidé d’intenter un recours auprès de la Cour d’appel ce 31 août.
Le Syndicat National des Journalistes Comoriens (SNJC) soutient cette initiative. D’autant plus que la peine prononcée par le tribunal n’est pas prévue par le code pénal. Cette condamnation constitue un précédent dangereux pour la liberté d’expression et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes aux Comores. Le Syndicat y voit une volonté manifeste de faire taire les journalistes à quelques mois d’élections majeures en Union des Comores. Avec ce recours, la profession espère encore que le Droit sera enfin dit.
Le 22 juin 2023, s’est tenu le procès pour « diffamation et injures » contre 4 journalistes, tous membres du Syndicat. Le délibéré qui devait être rendu le 26 juillet a été prorogé d’un mois. Par sa sévérité le verdict prononcé la semaine dernière a suscité consternation et indignation dans la profession et au-delà.
A l’origine de cette affaire, un discours prononcé par le Syndicat le 17 janvier à l’occasion de la cérémonie de présentation des vœux de nouvel an du Président de la République à la Presse, un discours relayé par la presse notamment RFI.
Dans ce discours, le Syndicat faisait état des difficultés rencontrées par la profession et a notamment dénoncé des faits d’abus sexuels rapportés au sein de l’Office de Radio et de Télévision des Comores (ORTC).
Bien que le discours n’ait pas désigné d’auteur présumé des abus sexuels déplorés, un cadre dirigeant de l’Office de télévision publique a décidé de porter plainte contre 4 membres du Syndicat des Journalistes dont Andjouza Abouheir, la vice-présidente qui avait lu le discours signé par le bureau du Syndicat.
Fait étonnant. Le plaignant a reconnu à l’audience du 22 juin qu’il ne s’est pas senti personnellement identifié dans le discours du Syndicat lu et rapporté par les deux journalistes présents à l’audience. Il a également admis que l’un des journalistes mis en cause n’avait même pas relayé les faits prétendument diffamatoires. Cependant, le Parquet avait requis un an de prison assortie d’une interdiction d’exercer.
Ces peines iniques ont été requises alors même qu’en vertu du Code pénal comorien, les infractions de diffamation et d’injure ne sont punissables que de six mois d’emprisonnement pour la diffamation et deux mois pour l’injure et que l’interdiction d’exercer qui peut être prononcée n’est prévue que pour les fonctions de dirigeant d’organe de Presse.
Le Syndicat avait dénoncé ce jour-là un réquisitoire injuste qui envoyait des signaux négatifs à la liberté de la presse à six mois des élections présidentielle et gubernatoriales.
Dans son réquisitoire, le ministère public avait justifié la gravité de la peine requise par le fait que le discours du Syndicat aurait terni l’image du pays parce que relayé par la Presse internationale. Ce faisant, il révélait se soucier des apparences plutôt que la sécurité des femmes journalistes sur leurs lieux de travail.
Alors que ce même Parquet s’est abstenu d’ouvrir une enquête suite à la dénonciation par toute une profession d’abus sexuels récurrents au sein d’un organisme public. Il démontrait ainsi, si besoin était, que le discours du Chef de l’État du 6 juillet 2020, lors duquel il a dit son engagement « pour prendre des initiatives et des mesures contre la recrudescence INQUIETANTE des actes et de violence et d’agressions, en particulier contre les femmes et les enfants » était un effet d’annonce.
Sachant qu’il est de notoriété publique que les victimes des abus sexuels sont, la plupart du temps, réduites au silence par la peur du jugement d’une société conservatrice et des représailles en milieu professionnel, le Syndicat des journalistes déplore cette politique pénale qui tend à perpétuer l’omerta et, ce faisant à en protéger les auteurs.
A l’heure où la parole des femmes peine à trouver son chemin dans l’espace public, le Syndicat réaffirme sa détermination à dénoncer systématiquement le sexisme et les violences sexuelles qui demeurent prévalentes dans le milieu journalistique et à réclamer une meilleure protection de toutes les femmes pas seulement les journalistes. Le nécessaire respect de la vie privée n’implique jamais de protéger les auteurs d’abus sexuels. Le Syndicat appelle ainsi les autorités à faire toute la lumière sur les faits supposés de “violences sexuelles” contre des femmes journalistes et à ne pas se tromper de cible.
Moroni, le 31 août 2023
Le Bureau national