« A Mayotte, les Comoriens ne sont pas des étrangers ». S’agissant des Comoriens à Mayotte, il est difficile pour moi de parler de migrants étrangers.
L’ethnologue Sophie Blanchy, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), spécialiste des sociétés comoriennes et malgaches, rappelle l’histoire ancienne de la migration et sa nécessité dans des territoires insulaires sans ressources.
Quel regard portez-vous sur l’importante opération d’expulsion des migrants comoriens en situation irrégulière lancée à Mayotte par le gouvernement français ?
Sophie Blanchy Le gouvernement choisit de répondre par la force et la destruction à une situation migratoire jugée intolérable et incompatible avec le développement de Mayotte. Mais il a face à lui une seule et même population. S’agissant des Comoriens à Mayotte, il est difficile pour moi de parler de migrants étrangers. Ces populations, qu’elles soient nées à Mayotte, à Anjouan ou à Grande Comore, partagent la même langue, pratiquent la même religion, ont la même conception de la parenté, se sont souvent mariées et continuent de se marier entre elles. Rien ne les distingue si ce n’est que certaines se retrouvent sur ce territoire avec la nationalité française et d’autres pas.
La voie qui consiste à ériger des murs, des frontières, me semble dès lors peu tenable. Dans un espace insulaire doté de peu de ressources, migrer a toujours été une nécessité. Mayotte attire parce qu’elle est aujourd’hui mieux dotée, comme l’était Madagascar pendant la période coloniale. Le travail des Comoriens permet un transfert d’argent vers les autres îles, mais il est aussi un rouage essentiel de l’économie de Mayotte où le secteur informel demeure important.
M. Assoumani, fort de multiples résolutions des Nations unies, réclame la restitution de Mayotte aux Comores. N’est-ce pas une revendication de pure forme ?
C’est un discours politique incontournable pour un dirigeant comorien et il est fondé, compte tenu de la façon dont l’indépendance des Comores a été accordée. Est-ce de pure forme ? Quoi qu’il en soit, tout le monde a conscience que la situation actuelle est une aporie et ne peut être définitive.
La solution passe-t-elle par une approche régionale du développement ?
Les Comores ont toujours été une colonie négligée. Et la France a été aussi peu active dans la période postcoloniale. Même au temps d’Ahmed Abdallah Abdéremane [1978-1989] où elle faisait ce qu’elle voulait aux Comores, l’aide n’a jamais été suffisante. Ensuite, elle a quasiment disparu et les programmes qui demeurent ne sont que du saupoudrage. Il faudrait certainement une...Lire la suite sur LeMonde
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