Voici comment Azali procède pour contourner le Anda et s'habiller comme les notables du Anda. Il passe par le Djuba de Saïd Abdallah. Qui de Saïd Abda
L’origine du Djuba comorien
De Said Abdallah wa sultan Said Bakar à Anfif Allaoui en passant par Said
Hassane wa Said Abdallah et son fils Charif Said Hassane, le Djuba est une
histoire héréditaire.
Si le Djuba comorien devrait porter un autre nom, il serait appelé : le Djuba
de Said Abdallah.
Chacun de nous peut influencer le cours de l’histoire des Comores. A l’instar
du génie créatif de Said Abdallah wa Said Bakar. D’après la tradition orale,
il est le comorien qui a inventé le style de Djuba typiquement comorien, que
beaucoup de monde portent sur les différents cérémonies.
Si on en croit sa petite-fille Faouza (Zouki) M’mada Mahmoud wa sultan Mbantsi
(mère de l’ancien député Ibrahim Mohamed Soulé) tout a commencé, quand Said
Abdallah a croisé le chemin d’un couturier Sud-Africain d’origine indienne et
sa machine à coudre à Moroni Badjanani.
Said Abdallah est né au quartier Madjenini en 1886. Il a allé avec son frère,
tous les matins, soit dans un Palashiyo, soit pour suivre des cours de langue
française dispensés à certains jeunes comoriens, dans le rez de chaussée du
Résident de France. C’est dans son chemin pour se rendre dans l’un de ces deux
lieux, que Said Abdallah a fait la connaissance avec ce Sud-Africain d’origine
indienne.
Selon Zouki, au lieu d’aller au Palashiyo (ou peut-être à l’école du
Résidengt), il passait tous les jours son temps à regarder ce que faisait le
couturier indien avec sa machine à coudre. D’ailleurs le nom comorien «
Tcharahani » pour dire « machine à coudre » est d’origine indienne.
On sait pas combien de temps Said Abdallah a passé pour observer et apprendre devant ce couturier, ni en quelle année a eu lieu cette rencontre. C’est dont on est certain, est que Said Abdallah avait un sens d’observation hors de commun. Au point qu’il enregistrait tout ce qu’il voyait faire ce couturier indien. Son sens de créativité et d’imagination viendront ensuite s’additionner dans les années à venir à ses capacités d’observer hors normes.
Selon la tradition, c’est comme ça que Said Abdallah wa Said Bakar devient
probablement le premier propriétaire d’une machine à coudre utilisée par un
comorien. Certains disent que le Sud-Africain avait promis de lui vendre la
machine avant son retour en Afrique du Sud. Ce qui a poussé Said Abdallah, à
forcer ses parents d’acheter la machine pour lui. D’autres rapportent que le
couturier indien avait un cours séjour à Maroni, et l’enthousiasme de Said
Abdallah a fait que, au final, le couturier indien lui a donné la machine
gratuitement. Est-ce que le fait que le terme comorien "tcharahani" pour dire
machine à coudre est d'origine indienne, ne montre pas la véracité de cette
histoire ?
Tout nous laisse penser que Saïd Abdallah s'est familiarisé avec la couture
dès son jeune âge. Cela dit qu'il passé quelques années à Moroni avant de
s'installait à Mitsamiouli : il a eu au moins deux de ses enfants avec Batouli
wa Mhudini wa Mwigni M'kou à Moroni : Moina Fatima et Saïd Hassane.
Ce-dernier va apprendre la couture, surtout la confection des Djuba auprès de
son père. On sait que son fils Said Hassane, qui a vu le jour en 1921, a fait
son Payalashiyo chez Fundi Ahamada Bacheikh à Moroni Mangani.
D'après Papa Claude Mohamed Youssouf, Henri Humblot ( né en 1874 et meurt en
1962), neveu du colon Léon Humblot, s'est proposé pour laisser une partie de
l'une de ses maisons nuptiales à Mitsamiouli à Said Abdallah, quand celui-ci a
décidé de ramener et sa famille et sa machine à coudre pour s'installer à
Mitsamiouli. Papa Claude nous apprend aussi que Henri Humblot avait trois
femmes comoriennes à Mitsamiouli, Moina Salima, installée au Shamgani, Bahati
résidait à Sima et Moina Kayiri wa Athoumani au Tremani. C'est chez
cette-dernière que Saïd Abdallah pose ses valises. Moina Kayiri a eu six
enfants avecHenri Humblot(Louis, Léa, André, Sarah, Lucien et Julien).
Au moins deux raisons expliquent pourquoi Henri Humblot a accueilli Saïd
Abdallah chez lui :
- soit, parce que ses talents de couture étaient d'une grande utilité sur la confection des tenues coloniales;
- soit, l'amitié de son père Saïd Bakar wa Mwigni M'kou avec Léon Humblot a poussé Henri Humblot à lui offrir son hospitalité. Henri Humblot était le premier admirateur dans la région du Nord.
Les informations qu'on dispose, ne nous permettent pas de dire avec précision
quand Saïd Abdallah est arrivé à Mitsamiouli pour s'installer.
Par ailleurs, on suppose de ce fait l'envoie en exil pour la seconde fois,
sans raison, de son frère aîné Saïd Mhadji wa Saïd Bakar à Sainte Marie,
Madagascar, en 1924, a dû avoir un impact négatif sur la vie de Saïd Abdallah.
Surtout quand la mauvaise nouvelle du décès de Saïd Ahmed Mhadji en 1929, cinq
ans après, lui est parvenue.
Il est fort probable qu'après ce décès en exil de son frère aîné, Saïd
Abdallah a jugé nécessaire de quitter Moroni, de fuir un climat politique
hostile à son frère aîné, pour s'installer définitivement à Mitsamiouli. Ce
qui nous permet de dire que Saïd Abdallah est arrivé à Mitsamiouli avec sa
famille aux années 1930. Son fils Saïd Hassane, qui va lui succéder dans la
confection des Djuba, devrait avoir plus de 10 ans à son arrivée à
Mitsamiouli. La sœur aînée de ce-dernier, Moina Fatima Saïd Abdallah, connue
pour avoir inventé le kofia comorien, devrait avoir plus de 15 ans à son
arrivée à Mitsamiouli.
On sait pas non plus en quelle année exacte, Saïd Abdallah wa sultan Saïd
Bakar a inventé le célèbre Djuba comorien, que tout le monde porte aujourd'hui
dans les différents cérémonies publiques et religieux.
Après chez Henri Humblot, Saïd Abdallah s'est installé au Djumbe de
Mitsamiouli. Il a été invité probablement, par son demi-frère aîné, Saïd
Abdallah wa Saïd Bakar (Mbaba Mihdhoir na Chamsia) qui avait épousé la
princesse Moina Nour wa prince Saidina Djaffar. Ou bien par ce-dernier, son
cousin. Après son séjour au Djumbe, Saïd Abdallah a acheté un terrain et a
épousé une deuxième femme, Moina Halima wa sultan Boina Fumu, grand-mère du
célèbre Chamsia Sagaf.
Que serait-il passé si Saïd Abdallah était resté à Moroni après avoir appris
le décès en exil de son frère aîné, pour faire face à l'administration
coloniale qui a envoyé son frère deux fois en exil en 1915 en 1924, en raison
de ses positions contre la France coloniale.
Que serait-il passé, s'il avait adopté une réaction émotionnelle en essayant
de poursuivre les mêmes critiques que son frère envers la France coloniale ?
S'il s'était dit que mon père Saïd Bakar a été envoyé en exil en 1887 comme
son frère aîné. Qu'ils m'envoient exil moi aussi, aurait pu se dire.
S'effondrer, le grand couturier Saïd Abdallah aurait fini par être envoyer en
exil.
Pire encore, son installation à Mitsamiouli n'aurait pas pu avoir lieu. Son
Djuba n'aurait pas vu non plus le jour. Le kofia typiquement comorien que sa
fille Moina Fatima en est l'inventrice, n'aurait pas pu, là aussi, voir le
jour. La civilisation comorienne telle qu'on la connaît aujourd'hui serait
différente. Sans le kofia comorien, souvent de couleur jaune avec des figures géométriques
et des versets coraniques, les Comores d'aujourd'hui en serait profondément
modifiée.
Imaginez les Comores sans le Djuba que dans les quatre îles, Maore, Mwali,
Ndzuwani et Ngazidja, il ne se passe pas une journée sans qu'une personne
porte un Djuba : Fundi, ministre, Président, Ulémas, notable, jeune cadre,
intellectuel, vieux, Hatub, Muridi, Cheikh du toirika...
En effet, le Djuba et le kofia deux éléments emblématiques de la civilisation
comorienne, jouent le rôle d'unité du peuple comorien dans les quatre îles.
Azali, pour contourner le Anda. Pour s'habiller comme les notables du Anda
sans le faire. Il passe par le Djuba de Saïd Abdallah. Qui de Saïd Abdallah wa sultan Saïd Bakar ou d'Azali a beaucoup influencé
l'histoire des Comores ?
____________
Photos : Saïd Abdallah wa Saïd Bakar ; son fils Saïd Hassane wa Saïd Abdallah
; son petit-fils Charif wa Saïd Hassane et son arrière petit-fils Said Mohamed
(alias Anfif) wa Allaoui wa Saïd Hassane wa Saïd Abdallah.
Sources : Zouki ( Faouza M'mada Mahmoud wa sultan Mbantsi ; Papa Claude; Jean
Martin, Sophie Blanchy.
Par Said Bakar Mougné M'kou
Titre ©La rédaction
COMMENTAIRES