Mayotte ou la folie d’un archipel Comorien morcelé. De 1946 à 1975 l’archipel des Comores est d’abord une colonie Française constituant un seul et mêm
Le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a passé le réveillon du Nouvel an à
Mayotte, un mois après une première visite dans l’île en proie aux violences.
Le médecin psychiatre Lionel Buron, en poste dans l’île depuis 20 ans, revient
sur l’historique de cette relation ambivalente entre la France et cette partie
de l’archipel des Comores, 101e département français, à l’entrée du canal du
Mozambique.
À Mayotte, un déferlement de violences de plus en plus féroces provoque la
venue ce week-end du ministre français de l’intérieur Gérald Darmanin. Le discours sera
probablement sécuritaire pour panser au plus vite des maux qui se sont
installés depuis des décennies sur l’île. Abordons quelques pistes pour mieux
appréhender ces phénomènes de violence sur cette poudrière perdue au milieu du
canal du Mozambique.
Mayotte ou la folie d’un archipel Comorien morcelé
De 1946 à 1975 l’archipel des Comores est d’abord une colonie Française
constituant un seul et même territoire.
En 1974, un 1er référendum appel les 4 îles Comoriennes (Grande Comore,
Anjouan, Mohéli et Mayotte) à décider de leur indépendance ce que choisit
l’ensemble des habitants de l’archipel.
En 1975, l’ONU proclame donc l’Union des Comores comme pays indépendant
incluant Mayotte.
Pour d’évidents intérêts géostratégiques et sous la pression de leaders
politiques locaux, la France ne se plie pas au vote de la majorité Comorienne
et organise un second référendum en 1976 en dépit du droit international.
Cette balkanisation des Comores a posé les jalons d’un premier type de
violence : celle de la discrimination et a fait naître une différence ethnique
entre Mahorais et Comoriens.
Cette différence s’est exacerbée en 1995 après l’instauration des visas
Balladur pour les Comoriens souhaitant se rendre sur l’île. Ces visas ont créé
des barrières artificielles entre Mayotte et ses îles sœurs. Les « cousins »
qui circulaient jusqu’alors librement sont brutalement devenus les
“clandestins”. Du fait de nombreux naufrages, le bras de mer séparant Anjouan
de Mayotte est devenu le plus gros cimetière de l’océan Indien.
« La chasse à l’homme » soutenue par une politique du chiffre dans le cadre
d’une lutte répressive contre l’immigration clandestine a accentué cette
violence par la ségrégation et l’abaissement du droit des étrangers. Les
Comoriens en situation irrégulière sont ainsi « parqués » dans un centre de
rétention administrative ultra-saturé et expulsés dans les 48 heures sans voie
de recours.
Un choc entre deux sociétés aux cultures hétérogènes
Suite au référendum de 1976, Mayotte s’engage dans un lent processus
d’intégration politique qui entraînera de profondes mutations culturelles. Un
choc entre une civilisation occidentale à la française, judéo-chrétienne à
rythme rapide et une culture traditionnelle à la comorienne, musulmane, à
rythme lent.
Ce choc civilisationnel a graduellement entraîné une fragmentation douloureuse
des valeurs collectives (morales, religieuses, juridiques) qui faisaient le
socle d’une cohésion communautaire. La logique du groupe ainsi fragilisée a
favorisé l’émergence de comportements violents car les lois et les règles ne
garantissaient plus la régulation de l’ordre social.
L’importation accélérée d’une société de consommation a, par exemple, créé un
monde à deux vitesses. En 2020, 77 % de la population vit sous le seuil de
pauvreté métropolitain. Contrairement aux idées reçues, cette pauvreté ne
concerne pas que les Comoriens car 60 % des ménages Mahorais sont également
concernés. Le désir de posséder comme les autres a entraîné l’explosion des
violences d’appropriation (cambriolages, vols avec ou sans agression,
pillages).
Dans un autre registre, la réforme juridique de 2010 sonne le glas du droit
coutumier arabo musulman entraînant heurt des cultures juridiques et chaos
identitaire. L’islam comorien sunnite reconnu comme modéré véhiculait par un
mode de transmission orale, des principes de solidarité et avait à ce titre un
rôle majeur dans le maintien de la cohésion sociale et de l’ordre public. Le
droit écrit, laïc et républicain se substituait au droit coutumier et
religieux. Les cadis qui détenaient les fonctions de juge, notaire et tuteur
perdaient leurs fonctions juridiques.
Cet impérialisme juridique pourtant annoncé dans le pacte pour la
départementalisation s’intègre dans un plus large processus d’acculturation.
Ces éléments peuvent être considérés comme un fait post-colonial dans le sens
d’une mainmise sur les modes de représentation, de gestion politique et de
développement économique des anciennes colonies.
Quoi qu’il en soit, le 31 mars 2011 Mayotte devient le 101e département
Français. Impatients et déçus de ne pas acquérir d’un seul jet les attributs
d’un département « normal », les Mahorais s’embrasent dès octobre 2011 dans
une grande grève contre la vie chère, surnommée « la révolte des mabawas (1).
» Ces événements paralysèrent l’île durant 44 jours et se transformèrent en
guérilla urbaine d’une rare violence.
Défaillance des contenants familiaux, culturels et sociopolitiques
Les profondes mutations sociétales ont entraîné une défaillance de ces contenants qui permettait une certaine harmonie communautaire. La violence à Mayotte est l’expression de contenants qui font défaut et qui n’opèrent plus sur l’unité collective. Toute violence ne se développe pas dans le vide, mais en rapport avec un environnement dysfonctionnel.
À Mayotte, cette violence émane d’une population majoritairement jeune avec...Lire la suite sur Ouest France
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