Doit-on accorder plus de valeur à nos diplômes : une expérience souvent inattendue. Hasbat Said Bacar,Doctorante en sociologie à l’Université de Paris
Doit-on accorder plus de valeur à nos diplômes : une expérience souvent inattendue
Le travail, depuis des temps immémoriaux, est une activité nécessaire pour notre survie. Depuis l’apparition de la monnaie, la disparition du système primitif du don contre don, le travail devient de plus en plus une nécessité qu’un hobby. De nombreux travaux démontrent qu’il constitue une des voies pouvant mener à l’accomplissement de l’être humain.
L’individu retrouve une certaine reconnaissance sociale telle que le décrit la pyramide de Maslow après avoir subvenu à ses besoins primaires. Il prend son essence en tant qu'élément essentiel de la vie active et sociale. En effet, à notre époque, gagner son pain, payer son loyer ne suffisent plus... Nous devons nous adapter dans une ère capitaliste où l’innovation et la créativité prennent de plus en plus d’ampleur, dans une société où l’évolution de la technologie demeure vertigineuse.
L’Homme est en quelque sorte broyé par la vitesse effrénée de ses créations mais il devient tout de même une espèce dont les ambitions le nourrissent et demandent à être poursuivies. Ce sont donc ces ambitions pourchassées avec énergie comme des proies qui lui permettent, une fois atteintes, d’éviter de ne pas sombrer dans une pauvreté ou une dépression latente. Ce sont également ces mêmes ambitions qui font de lui un être doué de raison et qui ne disparaît pas sans laisser un héritage aux générations futures.
Il est aujourd’hui nécessaire de faire la lumière sur les défis actuels en matière de travail et la façon de les relever.
La prolifération des entreprises, l'expansion des métiers, l'innovation croissante, la création de nouveaux emplois, la multiplicité des formations académiques sont en train d'élargir le secteur du travail bien qu'il soit très difficile pour nos jeunes diplômés de s’en sortir. En somme, certains peuvent se retrouver avec des diplômes sans débouchés. Mais qu’en est-il pour les autres ? Ceux qui s’estiment avoir réussi et franchi le plafond de verre…
Le travail se présente comme une utopie, surtout avec l’intégration du machinisme et de la nouvelle technologie dans tous les domaines professionnels (cause directe de la disparition évolutive de certains métiers comme celui du caissier remplacé par les caisses automatiques dans les grandes surfaces). Ensuite, pour obtenir un travail adéquat, nous subissons la pression constante de suivre des études, des formations, d’avoir des expériences sur le terrain, d’adopter un langage raffiné et technique. Autant de conditions pour nous démarquer de ceux qui ont fait le choix ou n’ayant pas eu l’opportunité de fréquenter ces grandes institutions du Savoir.
D’ailleurs, pour être embauché, ne devons-nous pas présenter nos diplômes fièrement. Démontrer que nous avons suivi notre formation dans une grande université, une école de commerce et que nous détenons l’expertise de notre champ de spécialisation ? Si au cours de nos études, nous nourrissons l’espoir d’une vie de rêve, on déchante assez rapidement une fois que l’on quitte les bancs de la grande industrie du Savoir pour mettre en pratique nos compétences.
Ce qui était sensé constituer un rêve hollywoodien devient au final un film d’horreur dont nous ne pouvions tracer les contours.
Notre expérience, mais aussi celle des personnes que nous avons côtoyées est parlante. De prime abord, être hautement « gradé » en terme de qualification académique, revient à viser les grandes institutions, celles recrutant la crème de la crème, l’Elite dit-on. Ceux dont le changement et le développement en sont les muses et ceux dont la crédulité est sans faille perceptible lorsqu’ils débutent dans cette jungle dont les formalités laissent parfois pantois. Car pour y être recruté n’est pas chose aisée.
La première étape consiste à envoyer une dizaine de curriculum vitae par jour, en fonction de la demande, des diplômes requis pour le poste et des compétences demandées. Celle-ci est bien entendu l’étape la plus « fun ». On s’attend bien entendu à être appelé, mais en bon croyant que nous sommes quelquefois, nous nous en remettons à Dieu. C’est parfois dans ces circonstances que nous devenons soudainement Homme de Dieu.
Dieu récompensant ses fidèles, nous venons donc à être appelé. On croit fièrement à notre bonne étoile. Se suit un parcours de tests techniques, avec des questions pour le moins surprenant à rendre dans un temps bien défini. L’on s’accroche… On transpire… bref, nous fournissons le meilleur de nous-même car nous sommes l’Elite, ne l’oublions pas. On ne doit pas se déshonorer dans un simple test technique… Quand même !
Attente insoutenable...
Puis quelques semaines plus tard, nous venons à être appelé pour un entretien oral. Enfin, nous avons franchi le deuxième cap. Nous étalons notre formation, nos compétences comme du pain que nous trempons dans de la confiture… Et bien-sûr, il n y a aucune magie dans l’histoire… notre candidature est retenue. Nous intégrerons l’entreprise dans les semaines à venir. L’excitation et l’enthousiasme sont au rendez-vous. Bon, d’accord, au final, ce n’est plus le travail de nos rêves, mais nous allons tout de même nous bâtir un empire d’expérience.
Dans les semaines qui suivent, nous rejoignons l’entreprise comme prévu. Le premier jour est entendu celle où le stress atteint son paroxysme. Nous ne détenons aucun repère, nous nous demandons aussi comment sont nos collègues. Nous ne doutons pas un seul instant qu’ils sont nos pairs. Nous avons les mêmes qualifications même si les universités côtoyées sont différentes. Nous faisons assez rapidement la connaissance de la hiérarchie dont l’expression se fait par « Niveau Professionnel ». Nous tenons compte que c’est sans doute l’ancienneté ainsi que l’expérience qui rendent légitime cette hiérarchisation. Puis le rêve nous fait sombrer en enfer. La réalité de ces structures est tout à fait différente de ce à quoi nous nous attendions. Si l’image arborée sur les moteurs de recherche, les articles journalistiques laissent sous-entendre un environnement où s’expriment nos compétences, nous en venons à en étouffer après quelques mois.
Nous nous interrogeons sur nos choix… En effet, ce n’est pas aussi simple. Nous nous rendons rapidement compte que nous aurions dû nous munir suffisamment de connaissance sur la gestion de nos émotions… le rejet des ondes négatives et tiens donc pourquoi ne pas rendre nos émotions intelligentes… Si nous ne faisions pas attention, nous nous laissons très rapidement affectés et notre santé mentale en prend un coup par le manque de cohésion, d’esprit d’équipe, d’empathie dont nos collègues peuvent faire preuve. Intrusion dans la vie privée d’autrui, dénigrement auprès des autres collègues, dévalorisation de notre travail allant sur des propos parfois injurieux sur notre personne. Ouf, nous ne nous attendions pas à un tel atmosphère. Ainsi soit-il, personne n’en est épargné… En voici le comble !
Le travail se révèle donc une nécessité dans la vie. Un accomplissement certain en tant qu’individu doté de sens et d’intelligence. Il constitue l’expression de notre réussite. Cependant, sont parfois heureux ceux qui n’ont pas à faire à ce monde. Franchir le cap universitaire, déjouer les contraintes d’une vie estudiantine et faire face aux différents enjeux liés à l’obtention du travail ne constituent pas en soi les vrais défis dont le travailleur doit faire face.
Etre confronté à une hiérarchie ou à des collègues dont l’égo est sans demi-mesure, et dont la fonction est supérieure à la nôtre, malgré nos qualifications et nos compétences égales peut s’avérer un réel challenge.
Cette expérience démontre non seulement que les grandes organisations doivent mettre en place une meilleure politique de gestion de leur personnel, des outils d’évaluation comportementale voire un coaching sur le leadership. Le Business sur le coaching et le développement personnel et professionnel se multiplient dans les réseaux sociaux. Ce sont des initiatives avant tout individuelles mais elles devraient cependant être reprises et soutenues par les organismes multiculturels ou non dont les différences peuvent parfois déteindre sur la productivité.
Par Hasbat Said Bacar
Doctorante en sociologie à l’Université de Paris 8
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