Il n'a pratiquement pas plu depuis des années au sud de Madagascar. La malnutrition menace parti.1,5 million de personnes meurent de faim à Madagascar
1,5 million de personnes meurent de faim à Madagascar
Il n'a pratiquement pas plu depuis des années au sud de Madagascar. La
malnutrition menace particulièrement les jeunes enfants.
Cet article provient du magazine Schweizer Familie
Il y a de la poussière dans l’air quand les roues de la jeep s’immobilisent à
Maroalopoty II. Le ciel est sans nuages. Seules quelques volutes de fumée
s’élèvent à travers les haies de cactus omniprésentes de la steppe du Sud de
Madagascar. Dans le sable rouge, deux poules cherchent du grain. Un zébu est
couché à l’ombre d’une hutte en bois. C’est en bordure du petit village que
nous trouvons Soaligne, devant sa hutte de paille.
Cette mère de 35 ans tient sa fille Tema Voatendree sur son bras droit. À côté
d’elle est assise sa fille aînée Kazy Arlette (voir le portrait à droite) et,
devant la famille, il y a une assiette contenant cinq figues de Barbarie d’un
rouge éclatant. Soaligne en prend une, tandis que la petite Voatendree âgée de
14 mois préférerait être allaitée. « Mais je n’ai presque pas de lait», dit
Soaligne. «J’ai beaucoup de mal à nous nourrir, mes cinq enfants et moi»,
dit-elle, en préparant le fruit pour la petite. «Cette sécheresse est là
depuis des années.»
Soaligne n’a pas de terre, pas de travail, pas d’économies. Pour essayer de
s’en sortir, elle ramasse tous les jours du bois dans la région. Quand elle en
a suffisamment pour faire un fagot, elle le vend le long de la route
principale d’Ambovombe pour 400 ariary – l’équivalent de dix centimes. «Si
j’ai de la chance, je peux vendre cinq ou six fagots en une journée et acheter
une tasse de riz ou un jerricane d’eau.» Le travail est particulièrement dur
pour elle. Elle est aveugle d’un œil, a le bras gauche paralysé – les
conséquences d’années de malnutrition.
«Certains jours, nous mangeons uniquement des figues de Barbarie», ajoute Kazy
Arlette, 15 ans, en mordant dans un fruit. Sa petite sœur Voatendree mordille
elle aussi une figue. Ces fruits poussent partout dans la région et sont
souvent l’unique nourriture des gens. Mais ils ne sont pas particulièrement
nourrissants et leurs épines provoquent des inflammations pénibles.
Comme Soaligne et sa famille, 1,5 million de personnes souffrent de la faim
dans le Sud de Madagascar et, parmi elles, près d’un demi-million de jeunes
enfants. La raison, c’est une sécheresse qui dure depuis cinq ans. De ce fait,
une partie des récoltes est perdue et les sources d’eau tarissent – un effet
dévastateur du changement climatique. En 2021, dans les régions d’Ambovombe et
d’Amboasary où se trouve aussi Maroalopoty II, le rendement obtenu atteignait
40 pour cent d’une récolte normale. À beaucoup d’endroits, les réserves sont
presque épuisées.
En outre, les quatre cinquièmes des plantes qui poussent à l’état sauvage –
figues de Barbarie, mangues, prunes ou tubercules – ont disparu. Ainsi, tous
connaissent ici la «kere» – le mot malgache qui signifie famine. Conséquence:
à Madagascar, un jeune enfant sur deux souffre de malnutrition chronique et
n’a donc aucune chance de bien se développer. Et le changement climatique
aggrave encore la situation: alors que la côte Est est frappée plus souvent
par des ouragans violents, le Sud fait face à la sécheresse. La vulnérabilité
des enfants est énorme dans un pays où plus de 80 pour cent de la population
vivent dans la pauvreté.
C’est pourquoi l’argent récolté durant les «Semaines des étoiles 2022»
soutiendra les enfants qui souffrent de la faim. La grande collecte de dons
d’Unicef Suisse & Liechtenstein et du magazine «Schweizer Familie» a lieu
du 20 novembre à Noël. Les enfants vivant en Suisse et au Liechtenstein
collectent des dons pour leurs pairs malgaches: cet argent permet d’examiner
les garçons et les filles du Sud du pays, une région marquée par la
sécheresse, afin de déceler les signes de malnutrition et de traiter ceux qui
en souffrent au moyen d’une nourriture spéciale. Avec 30 francs à peine, on
procure à un enfant de la pâte à base d’arachide pour la durée d’un mois;
enrichie de plus de quarante nutriments, elle sauve des vies. Soaligne reçoit
de la pâte à base d’arachide pour sa fillette et des soins médicaux. À cet
effet, elle fait une heure de marche jusqu’à la clinique la plus proche à
Maroalopoty I où elle est accueillie par Sougrah Banou Myriam Issa.
L’infirmière de 26 ans dirige la clinique depuis quatre ans. Elle est arrivée
dans le Sud étouffant de chaleur depuis la capitale Tananarive située à 700
kilomètres de distance. «Au début, la vie ici était difficile», se souvient
Sougrah. «Dans la capitale, j’avais tout ce dont on a besoin pour vivre. Ici,
il n’y a presque rien – même pas d’eau.»
Clinique sans courant électrique Sougrah vit au village aux côtés des gens
qu’elle soigne. Elle achète toutefois sa nourriture une fois par semaine dans
la ville d’Ambovombe, à 20 kilomètres de distance. La route qui y conduit est
une piste empierrée avec des nids-de-poule où on avance plus vite à vélo qu’en
jeep. L’eau est livrée une fois par semaine par camion et on la pompe dans un
grand réservoir placé à côté de la clinique.
Mais la nourriture et l’eau ne sont pas les seules denrées rares. Depuis plus
de deux mois, la clinique connaît une panne de courant. Au coin de son petit
bureau, Sougrah va chercher une immense batterie noire. «Chaque semaine,
quelqu‘un m’en apporte une nouvelle depuis Ambovombe pour que je puisse
recharger mon téléphone. Mais je dois être économe pour que cela suffise.»
Presque tous dans la région connaissent Sougrah, l’infirmière qui sourit avec
retenue. Quand elle arrive dans un village, vêtue de sa blouse et de sa
coiffe, les enfants se pressent en grappes autour d’elle. «Le manque d’eau
signifie que beaucoup d’enfants souffrent de malnutrition», explique-t-elle,
après avoir donné des instructions à une jeune accouchée. «Les familles
luttent jour après jour et essaient désespérément de trouver de l’eau et de la
nourriture pour leurs enfants.»
Même si le Sud de Madagascar est une région sèche, ces dernières années sont
exceptionnelles. La pluie est insuffisante pour remplir les réservoirs d’eau
ou irriguer les champs. Dans le sol sablonneux, l’eau s’évapore plus vite
qu’elle ne tombe du ciel. «Nous observons avec le changement climatique une
augmentation des événements extrêmes et ce sont les plus pauvres qui sont le
plus fortement touchés», explique Matthieu Joyeux, expert en nutrition auprès
d’Unicef Madagascar. «S’ajoute à cela une croissance démographique qui exerce
une pression toujours plus forte sur l’écosystème.» Plus la population est
nombreuse, plus il faut de champs et...Lire la suite sur La Tribune de Genève
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