L’imbroglio juridique entre l’ANACM et la Compagnie aérienne Ab Aviation : Que dit le droit ?

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L’imbroglio juridique entre l’ANACM et la Compagnie aérienne Ab Aviation : Que dit le droit ?

L’imbroglio juridique entre l’ANACM et la Compagnie aérienne Ab Aviation : Que dit le droit ?

L’imbroglio juridique entre l’ANACM et la Compagnie aérienne Ab Aviation : Que dit le droit ?


«Il n’appartient pas aux seuls aviateurs de regarder la terre de très haut, les juristes y ont aussi droit » Augusta Amiel-Lapeyre.

Le préjudice et la réparation sont « l’alpha et l’oméga » de la responsabilité civile. L’activité aérienne peut justement causer de nombreux dommages. Les causes peuvent être diverses, ces dits dommages peuvent résulter de la défectuosité technique de l’appareil, mais aussi de l’erreur humaine, des actes de terrorisme ou de mauvais temps météorologique entre autres. Il s’agira alors de circonscrire la responsabilité civile du transporteur aérien dans ses relations avec le passager. A ce titre, on se rappelle récemment du crash de l’aéronef d’AB Aviation, en provenance de la Grande Comore à destination de Mohéli.

Il est nécessaire de réfléchir sur les règles visant à garantir l’indemnisation des victimes, car la responsabilité du transporteur, constitue une part importante dans le contentieux judicaire. Sur cette lancée, le législateur comorien n’est pas resté muet à la question du transport aérien. Les Comores ont ratifié la Convention de Varsovie, celle de Chicago, et dernièrement celle de Montréal ratifiée le 30 Novembre 2021, il s’est doté également, d’un nouveau code de l’aviation civile, le 02 décembre 2017.

Suite au crash de l’appareil exploité par l’AB Aviation au large de Mohéli, l’aviation civile a saisi la compagnie pour verser des avances aux proches des victimes, et selon les informations recueillies par la journaliste vedette de la GAZETTE, Andjouza Abouhair, la Compagnie s’oppose au seul motif que la Convention de Montréal ne traite pas du transport domestique.

Avant de donner une réponse à cette question, il est important de voir la particularité de la Convention de Varsovie et celle de Montréal.

La Convention de Varsovie est généralement connue comme fondant la responsabilité du transporteur aérien. Cet instrument juridique international a opté pour la présomption de faute. La présomption posée par la Convention de Varsovie, est une présomption simple. Ce qui signifie qu’elle peut être écartée par la preuve contraire. Celle-ci peut être constituée d’abord par l’absence de faute du transporteur. Aussi, l’article 20 de ladite convention prévoit que « le transporteur n’est pas responsable s’il prouve que lui ou ses préposés ont pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage ou qu’il leur était impossible de les prendre ».

La responsabilité du transporteur aérien est présumée, elle est susceptible de s’effacer devant la preuve de certains éléments, ce qui nous renvoie aux causes d’exonérations.

Quant à la Convention de Montréal opte pour une responsabilité objective.

Cette Convention de 1999 destinée à modifier la Convention de Varsovie de 1929, comporte un certain nombre d’innovations.

Son premier apport se situe au niveau de la responsabilité du transporteur en cas de mort ou lésion corporelle. Il y a l’instauration d’un système de responsabilité absolue ou objective lorsque le dommage ne dépasse pas 100 000 DTS par passager. Dans un tel système, le transporteur est responsable du seul fait que le dommage s’est produit au cours du transport aérien, sans que la victime ait à prouver l’existence d’une faute ou que le transporteur puisse se libérer en justifiant des mesures nécessaires prises pour éviter le dommage. Dans cette situation, le transporteur ne peut exclure ou limiter sa responsabilité sauf preuve de la faute de la victime (articles 20 et 21). 

L’intérêt de cette première innovation, c’est d’éviter les contentieux devant le juge en simplifiant les conditions de mise en œuvre de la responsabilité du transporteur. Au-delà de ce montant (100 0000 DTS), on retrouve le principe de responsabilité de présomption de faute comme dans la convention de 1929 ; avec cette différence que la responsabilité est sans limite. En effet, si le transporteur n’apporte pas la preuve que le dommage n’est pas dû à sa négligence (article 21alinéa 2-a), qu’il résulte de la faute d’un tiers (article 21 alinéa 2-b) ou de celle de la victime (article 20) il sera tenu de réparer à hauteur du préjudice subi. Dans ce dernier cas, il ne sera plus question pour le passager (ou ses ayants droit en cas de décès) de prouver la faute inexcusable du transporteur pour obtenir la réparation intégrale de son préjudice.

Il faut bien préciser que le 2 conventions, Varsovie et Montréal, sur le plan international restent applicables. Il en est ainsi aux Comores mais chez nous l’application de la Convention de Montréal prime sur celle de Varsovie du fait que les Comores ont ratifié les 2 Conventions. La nouvelle Convention de 1999 a bouleversé considérablement le régime de responsabilité du transporteur aérien, notamment dans son fondement ; ceci pour mieux faciliter l’indemnisation de victimes. Il s’agit ici, alors d’une obligation de résultat absolue, plus précisément d’une obligation de garantie, même la force majeure est rejetée. En effet, le transporteur sera condamné, non seulement dans les cas où les causes de l’accident sont inconnues, mais encore lorsque le dommage résulte d’un événement imprévisible et irrésistible. L’idée à la base de cette lourde responsabilité est que le transporteur garantit le risque de l’air, le passager étant entièrement soumis à la technique de plus en plus sophistiquée et performante des transports aériens.

Face à la question posée par la journaliste de la GAZETTE, nous répondrons par l’affirmative.

Il y a une exclusion du transport aérien interne dans la Convention de Montréal et celle de

Varsovie mais cette règle connait une exception.

La définition du transport international donnée par les deux Conventions est assez restrictive. Aux termes de l’article 1 de la convention de Montréal dispose que :

« 1. La présente convention s’applique à tout transport international de personnes, bagages ou marchandises, effectué par aéronef contre rémunération. Elle s’applique également aux transports gratuits effectués par aéronef par une entreprise de transport aérien.

2. Au sens de la présente convention, l’expression transport international s’entend de tout transport dans lequel, d’après les stipulations des parties, le point de départ et le point de destination, qu’il y ait ou non interruption de transport ou transbordement, sont situés soit sur le territoire de deux Etats parties, soit sur le territoire d’un seul Etat partie si une escale est prévue sur le territoire d’un autre Etat, même si cet Etat n’est pas un Etat partie. Le transport sans une telle escale entre deux points du territoire d’un seul Etat partie n’est pas considéré comme international au sens de la présente convention »

Une relecture attentive de L’al. 2 de l’art. 1 de la Convention de Montréal prévoit infine que le transport effectué dans un Etat contractant sans escale, n’est pas considéré comme international. De ce fait, dès lors qu’il y a escale, le transport devient international même si le point de départ et le point de destination sont situés dans un même territoire. Il revient alors à l’ANACM de nous dire si l’appareil avait pour itinéraire MOHELI-ANJOUAN en quittant la Gde Comore. Si tel est le cas, la Convention de Montréal, va s’appliquer.

En outre, dans ce cas d’espèce, l’aviation civile a saisi AB Aviation pour verser des avances aux personnes qui ont droit à un dédommagement conformément à l’article 28 de la Convention de Montréal. L’usager victime dans le cadre d’un transport aérien doit effectivement suivre une procédure déterminée pour pouvoir bénéficier d’une indemnisation. Il est en question des règles de saisine du juge prévues aussi bien par la Convention de Varsovie que par les règles de Montréal. Ce n’est pas à l’ANACM de déclencher l’action en réparation, cette dernière appartient naturellement à ceux qui ont la qualité pour agir. Il s’agit alors des ayants droit de la victime. L’article 28 de la Convention de Montréal impose, en fonction de la législation du pays, au transporteur le versement d’une avance aux personnes physiques qui ont droit à un dédommagement pour leur permettre de subvenir à leurs besoins économiques immédiats. La fixation de ce montant des avances est tributaire de la volonté du juge.

Une fois établies les conditions de la responsabilité du transporteur au regard de la Convention de Montréal ou de Varsovie, il restera pour le juge de préciser les modalités de la réparation du préjudice. En cas de décès, la Convention de Montréal met en place un système à double étage. Depuis le 28 décembre 2019, si le dommage est inférieur ou égal à 128 821 DTS, le transporteur ne peut opposer aucune limitation de réparation. C’est un système original qui garantit une réparation automatique et intégrale du préjudice subi jusqu’à concurrence de 128 821 DTS par passager. En revanche, au-delà du seuil de 128 821 DTS, le transporteur peut s’exonérer.

Le plafond d’indemnisation est le seuil au-delà duquel le passager ne peut être indemnisé. Ainsi, le transporteur ne peut pas dépasser ce montant, mais en retour celui-ci est d’ordre public car toute clause tendant à établir une limitation inférieure sera « nulle et nul effet ». Il s’agit d’une somme maximum et non d’une somme forfaitaire. Le juge accorde justement un montant en fonction du préjudice subi ; et il est tout à fait possible que celui-ci soit évalué en deçà de ce plafond. En outre, il est possible que le montant prévu soit réduit si la faute de la victime a contribué au dommage.

Pour rappel, 1 DTS = 1, 254 € au 23/04/2020, le DTS « Droit de Tirage Spécial » constitue un avantage certain, dans la mesure où même s’il possède une valeur mouvante, celle-ci est unique car établie par la FMI. Cependant comme le précisent certains auteurs, même si le DTS prend en compte les fluctuations de telle ou telle monnaie nationale, il n’évolue pas en fonction de l’inflation mondiale, autrement dit de la hausse du coût de la vie. Ce qui fait que cela implique une révision périodique des limites de responsabilité en vue de pouvoir indemniser équitablement les victimes. D’où le sens et la raison de la révision périodique instaurée par la Convention de Montréal.

Pour conclure, il faudra noter que si le juge retient l’exclusion des vols domestiques prévue dans les 2 Conventions ; Montréal et Varsovie, la Compagnie Ab aviation est dans son droit le plus absolu de s’opposer au versement des avances aux personnes qui ont droit à un dédommagement conformément à l’article 28.

Il n’y a rien de plus normal à ce que des dispositions internes s’appliquent. Le juge confronté à cette question, se tournera, si le besoin se fait sentir, vers les dispositions nationales pour compléter les vides de réglementations. Dès lors, dans le cadre d’un transport aérien interne, à supposer que ni le code de l’aviation civile, ni les règles conventionnelles ne soient applicables, les règles du droit commun prendront le relais. Tel est le cas d’ailleurs, le nouveau code de l’aviation civile des Comores ne traite pas la responsabilité du transporteur aérien en cas d’accident. Le juge saisi se tournera vers le code civil pour déterminer la responsabilité du transporteur aérien ainsi que le quantum de la réparation.

Hicham Ahmed Thani, Doctorant en Droit, à l’Université Cheikh Anta Diop.

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