Pourquoi Israël divise tant l'Union africaine ? Réunis les 5 et 6 février à Addis-Abeba en Éthiopie pour un sommet, les pays me...
Pourquoi Israël divise tant l'Union africaine ?
Réunis les 5 et 6 février à Addis-Abeba en Éthiopie pour un sommet, les
pays membres de l'Union africaine sont divisés sur le statut d'observateur
dont bénéficie Israël au sein de l'organisation. Si une majorité de pays
africains sont favorables au dialogue avec l'État hébreu, plusieurs poids
lourds diplomatiques et économiques du continent refusent de dialoguer avec
Israël au nom des atteintes au droits de l'homme perpétrés dans les
territoires palestiniens.
Après les coups d’État à répétition en Afrique de l’ouest, la pandémie et le
terrorisme, voilà un nouveau caillou coincé dans la chaussure de l’Union
africaine (UA). Réunis pour un sommet à Addis-Abeba les 5 et 6 février, les
pays de l’UA sont divisés sur le statut d’observateur dont bénéficie Israël au
sein de l’organisation.
Accordé en juillet 2021 par Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission
de l’UA, ce statut d’observateur ne fait pas consensus au sein des 55 pays
membres. Ce sont l’Algérie et l’Afrique du Sud qui ont inscrit cette question
à l’ordre du jour du sommet.
Pour éviter toute controverse autour de ce question épineuse, un vote censé se
dérouler ce dimanche a d’ailleurs été suspendu par l’organisation. Selon de
nombreux observateurs, le sujet pourrait être une source de scission sans
précédent dans l’histoire de l’Union africaine, créée il y a vingt ans.
L’UA motivée par le réchauffement des relations diplomatiques entre les pays
arabes et Israël
“Une des raisons pour lesquelles l’UA ait accordé ce statut à Israël est lié à
la normalisation des relations entre Israël et plusieurs États arabes. Cela a
décrispé la situation au sein de l’Union africaine”, décrypte Anne-Sophie
Sebban-Bécache, docteure en géopolitique et directrice de l’American Jewish
Comittee (AJC) Paris.
En octobre 2020, le Soudan, historiquement hostile à Israël, avait en effet
normalisé ses relations diplomatiques avec l’État hébreu. Les États-Unis,
principal allié de Tel-Aviv, avaient mené les échanges entre les deux parties
et avaient promis une aide financière à Khartoum en échange de la
reconnaissance d’Israël.
En décembre 2020, le Maroc avait lui aussi décidé de normaliser ses relations
diplomatiques avec Israël. Malgré l'importance de la communauté juive
marocaine installée en Israël, le royaume chérifien n’avait jamais reconnu
officiellement l’État hébreu depuis sa création en 1948. En échange de la
normalisation de ses relations diplomatiques, le Maroc a négocié la
reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara
Occidental.
La coopération entre les deux pays a marqué un nouveau cap en décembre 2021
avec la signature d'accords en fourniture d'armes et de coopération des
services de renseignement.
Israël cherche des alliés dans la région
Face à une hostilité des pays du Maghreb, arabes et musulmans, solidaires des
Palestiniens, Israël veut mettre une barrière. C'est pourquoi l’intégration au
sein de l’UA est motivée par des intérêts stratégiques, notamment en Afrique
de l’Est. “L’Éthiopie a toujours été considérée comme un allié stratégique par
Israël. L’idée, c’est de créer une ceinture d’États alliés en-dessous des
États hostiles à Israël”, explique Anne-Sophie Sebban Bécache. “L’Éthiopie,
c’est une fenêtre ouverte sur la Mer Rouge, un lieu de passage stratégique
pour Israël au niveau commercial et sécuritaire”, poursuit la chercheuse.
La présence d’une communauté juive en Éthiopie a favorisé les liens avec
Israël. La dynastie salomonide qui a régné sur le pays pendant huit siècles se
réclamait d’ailleurs du roi hébreu Salomon et de la reine de Saba d'Éthiopie,
qui est de surcroît le seul pays chrétien de la région. “Cela joue dans
l’imaginaire israélien. Israël, comme l’Éthiopie, sont attachés à l’Ancien
Testament. Cela crée des relations culturelles et sociologiques importantes”,
explique Anne-Sophie Sebban-Bécache.
La question palestinienne, principal grief des pays hostiles à Israël
Malgré ces avancées diplomatiques, le statut d’observateur accordé à Israël
par l’UA continue de faire débat au sein des pays membres, notamment à cause
de la question palestinienne.
L’Afrique du Sud compte parmi les pays historiquement opposés à la présence
d’Israël au sein de l’Union africaine. Depuis la fin de l’Apartheid, les
dirigeants politiques sud-africains reprochent régulièrement au gouvernement
israélien de mener une politique similaire à celle de l’Apartheid envers les
Palestiniens. “Notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens”,
avait déclaré Nelson Mandela, héros de la lutte contre l’Apartheid et soutien
indéfectible du leader palestinien Yasser Arafat.
Cet argument est repris par les représentants palestiniens, qui bénéficient
eux aussi d'un statut d'observateur au sein de l'Union africaine depuis 2013.
Samedi, le premier ministre palestinien, Mohammed Shtayyeh, a dénoncé le
statut dont bénéficie Israël. “Nous appelons au retrait et à l'objection du
statut d'observateur israélien auprès de l'Union africaine”, a-t-il déclaré en
qualifiant l’accréditation d’Israël de “récompense imméritée” pour les abus
commis selon lui par le gouvernement israélien contre les Palestiniens.
"Israël ne devrait jamais être récompensé pour ses violations et pour le
régime d'apartheid qu'il impose au peuple palestinien", a ajouté Mohammed
Shtayyeh, citant notamment un rapport d'Amnesty International publié cette
semaine.
De son côté, l’Algérie voit d’un très mauvais œil tout rapprochement avec
Tel-Aviv. “L’Algérie considère que la Palestine est occupée. Tant que la
Palestine est occupée, la question de la reconnaissance d'Israël ne se pose
pas. Cela fait partie des piliers de la diplomatie algérienne”, explique
Benjamin Augé, chercheur à l’Institut français des relations internationales
(Ifri).
À ce titre, le rapprochement entre le Maroc et Israël constitue un affront
diplomatique pour l’Algérie, qui soutient les revendications des
indépendantistes du Front Polisario au Sahara Occidental.
Les limites de l’influence israélienne en Afrique
Les soutiens de la présence israélienne au sein de l'UA peinent à se faire
entendre, peut-être par manque de poids diplomatique. "Je ne peux pas ne pas
être d’accord avec la décision que le président a prise conformément aux
textes de l’Union africaine”, a affirmé
Azali Assoumani, le président des Comores, à TV5MONDE.
Interrogé par TV5MONDE en marge du sommet, le ministre des Affaires étrangères
marocain, Nasser Bourita, a dénoncé "une minorité de pays" qui "croient que
l'organisation [l'Union africaine, NDLR] est leur chasse gardée et pensent
qu'ils peuvent engager une surenchère nationale et venir au sein de l'Union
africaine pour l'imposer".
Malgré ces quelques soutiens, selon Benjamin Augé, la diplomatie israélienne
en Afrique montre ses limites, notamment parce que les acteurs économiques les
plus importants restent opposés à l’État hébreu. “Certaines puissances
africaines militent pour avoir une relation conditionnelle avec Israël, comme
le Nigeria dont une partie des diplomates font de la question palestinienne un
dogme. Certaines locomotives du continent, comme l'Afrique du Sud poussée
par...Lire la suite sur Tv5Monde
COMMENTAIRES