Ils sont accusés d'avoir voulu assassiner le président...Vingt accusés, des heures d'audience: procès d'une tentative de coup d'Etat à Madagascar
Ils sont accusés d'avoir voulu assassiner le président malgache Andry Rajoelina et fomenter un coup d'Etat: vingt personnes, dont deux Français et leurs épouses, sont jugés depuis une semaine pour complot, dans un tribunal défraîchi d'Antananarivo.
Le climat est tendu. Une soixantaine de forces spéciales et policiers montent la garde. Certains en civils, d'autres armés de fusils d'assaut. Une quinzaine d'accusés ont jusqu'ici été entendus.
Ils sont poursuivis pour atteinte à la sûreté de l'Etat, association de malfaiteurs, détention illégale d'armes et complot en vue d'assassiner le président, dans l'affaire baptisée "Appollo 21". Ils risquent la perpétuité.
La lecture de l'acte d'accusation a pris une bonne part de l'audience à l'ouverture lundi. Le document d'une trentaine de pages a d'abord été lu en français, puis en malgache.
Sur le banc des accusés, un homme à la silhouette longue et souple, strictes lunettes, est considéré comme le cerveau de l'histoire. Paul Rafanoharana a été arrêté avec ses co-accusés en juillet.
Ce Franco-Malgache, qui connaît bien le président Rajoelina puisqu'il a été son conseiller diplomatique jusqu'en 2011, a rejeté toutes les charges.
Il y a bien eu de l'argent et une lettre. Mais "ce n'est pas un crime que d'avoir pensé à neutraliser la mafia autour du président", a-t-il déclaré au tribunal. Il jure s'être arrêté à "une réflexion purement intellectuelle" sur un changement politique.
Dans la lettre dont il a reconnu l'authenticité, M. Rafanoharana demande dix millions d'euros au PDG de Benchmark, qui a investi dans l'exploitation du pétrole sur l'île, pour "garantir le renversement du régime en place". En échange, l'entreprise avait un accès garanti à un gisement.
Ironique, M. Rafanoharana a affirmé au tribunal avoir simplement voulu "aider le président Rajoelina à accéder à toutes les ressources du pays".
Bon catholique
Aussi parmi les accusés, sa femme, Voahangy Andrianandrianina, a déclaré ne jamais avoir entendu parler du projet Apollo 21: "Dans notre vie commune, chacun son espace vital". Le fusil de chasse retrouvé par la police à leur domicile? Un don contre l'insécurité dans leur quartier. Les 200.000 euros en liquide? Déposés pour son mari par une mystérieuse Florence, elle n'en sait pas plus.
Ancien colonel de l'armée française sorti de la prestigieuse école militaire de St-Cyr, Philippe François est accusé d'avoir joué les complices. Dirigeant d'une société d'investissement à Madagascar, il est soupçonné d'avoir dissimulé les activités illégales du projet Apollo 21 à travers sa société écran.
"Je n'ai jamais songé à attenter à la vie du président", a-t-il déclaré au tribunal, se revendiquant bon catholique "et comme vous, j'aime mon pays".
Il a toutefois admis avoir eu connaissance du projet de M. Rafanoharana, mais refusé d'y prendre part. "Je suis là pour le business, la politique ne m'intéresse pas", lui aurait-il dit.
Pourtant, une clef USB contenant un document intitulé "Budget Apollo 21" et lui appartenant, a été retrouvée par la police. A la barre, il s'est dit "sidéré" par l'existence de ce fichier: "Si j'avais eu connaissance d'un tel document, j'aurais bien évidemment détruit cette clef".
Selon l'ex-Premier ministre Victor Ramahatra, 76 ans, à la barre vendredi, le projet Apollo 21 visait simplement à relancer l'économie malgache.
Un chanteur, Yvon Sareraka, fait aussi partie des accusés, ainsi que cinq gendarmes. Ces membres des forces spéciales sont soupçonnés d'avoir été recrutés pour former un commando en vue de perpétrer le coup. Ils ont nié en bloc.
Le procès doit continuer la semaine prochaine. Depuis leur arrestation, certains accusés ont été placés sous contrôle judiciaire, d'autres, dont les deux Français, sont en prison.
Le président Rajoelina s'était interrogé en août sur une éventuelle implication de la France dans le complot. Paris ne s'est pas exprimé sur l'affaire.
AFP
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